Harley c'est la douceur d'une matinée de printemps, avec ses gestes délicats et son sourire généreux. Ce sont des mains tendues et une chaleur si humaine, la tête dans les nuages mais les pieds fermement ancrés au sol.
Harley c'est un tout composé de petits riens.

Elle ne sait être ni brusque ni colérique, Harley ; elle ne connaît même pas la rancune. Cela lui vient de son père : avant de t’en prendre à d’autres, interroge-toi. Que vivent-ils, que ressentent-ils ? Leur rage, leur violence, impuissance ; contre qui sont-elles vraiment dirigées ? Harley ne sait pas et ne préjugera pas. A chacun ses batailles.
A la place elle se jette à cœur ouvert dans ce monde hostile, sans jamais rejeter sur les autres les fautes de ses cicatrices ; s'attache trop vite seulement pour tomber de haut, sans jamais retenir la leçon.

Harley altruiste, Harley utopiste ; parce qu’elle a foi autant qu’elle est bienveillante, cela lui attire des ennuis. Elle ne veut pas se méfier des autres, se renfermer sur ses doutes et autres trahisons ; parce qu’elle a peur de blesser en s’y réfugiant. Harley préfère avoir mal plutôt que de faire mal, puis se réconforter en pensant qu’il y a du bon en chacun.
Si seulement le monde était aussi beau que l’image qu’elle s’en fait ; si seulement elle ne restait pas si obstinément aveugle à la réalité.

Oh, elle le sait bien Harley. Elle sait qu’un jour il lui faudra ouvrir les yeux. Mais qu’on la laisse rêver tant qu’elle le peut.

Aussi fragile que forte, aussi naïve qu’intuitive ; Harley est de ces personnages étranges qui vous sourient dans la rue mais n’osent pas dire bonjour, mais qui ont le courage d’intervenir quand la situation dégénère. Elle aime les autres autant qu’elle en est intimidée et se laisse facilement berner, mais fera toujours de son mieux pour aller de l’avant. Un pas après l’autre.

Harley est une ombre comme une autre dans une ville trop pleine de vies et de lumières. Elle n’est ni la plus belle, ni la plus intelligente, ni même la plus débrouillarde ; Harley est un visage qui se perd et un nom qui s’oublie, une jeune femme comme tant d’autres qui fait de son mieux pour préserver son petit monde.
Mais c’est pourquoi elle trouve un sens à l’insignifiant et retient l’oubliable.
Harley est de ces idiots doués pour donner même ce qu’ils n’ont pas.

Les parents d’Harley formaient un couple atypique.
Sa mère était de ces femmes de la nouvelle ère, forte et indépendante, charismatique et brave. Avec son diplôme en poche et des projets plein la tête, elle était promise à un bel avenir. Son père était un doux rêveur, discret mais travailleur, dont la principale ambition était de vivre paisiblement en entretenant la boutique familiale - il était fleuriste.
Quand le hasard a voulu qu’ils se rencontrent, par une pluvieuse soirée d’automne, il manqua de la renverser avec son scooter.

John tomba rapidement sous le charme de Rose qui elle, de son côté, fut dans un premier temps peu réceptive. Ce n’est qu’au bout de plusieurs mois qu’il parvint à conquérir le coeur de la belle, et à partir de là leurs vies changèrent : il se découvrit un côté aventurier, elle se trouva une passion pour les fleurs. Rose décida finalement d’aider John à gérer la boutique, mais en contrepartie ils devaient développer le business - faire de leur enseigne la plus réputée de la ville. Elle ne pouvait pas vivre sans un minimum d’ambition et se savait les talents pour y parvenir.

Le couple eut deux enfants : Harley et Ron, à quatre ans d’intervalle. Ils eurent une enfance heureuse, bien que le don du cadet causa quelques soucis lorsqu’il se déclara. Heureusement, ils étaient à Astrophel.

Harley avait quinze ans quand sa mère tomba malade. Elle ne put qu’observer avec impuissance alors que Rose s’affaiblissait de jour en jour et que John perdait lentement sa joie de vivre.
Un an. C’est le temps qu’elle passa à combattre la maladie.
C’est le temps que les traitements et sa volonté de fer leur accordèrent.

Après sa mort, leur petite famille ressemblait à un équipage sans capitaine ; John faisait de son mieux pour s’occuper de la boutique et Harley l’aidait à entretenir la maison, mais leurs repas étaient souvent ponctués de silences gênants - comme s’ils s’étaient attendus à ce qu’elle soit là, à ce qu’elle réponde. Leur père avait souvent l’air perdu ; Harley avait l’impression qu’il ne comprenait plus le monde qui l’entourait depuis qu’il avait perdu sa femme, que tout lui était devenu étranger.

John vivait très mal cette perte et les affaires s’en ressentaient. Il enchaînait les erreurs, au point de mettre l’entreprise héritée de ses parents au bord de la faillite. En désespoir de cause il finit par emprunter de l’argent aux mauvaises personnes, en se disant que tout finirait bien par s’arranger, qu’il pourrait payer.
Il finit en prison.

Harley, qui venait de terminer le lycée, décida de ne pas poursuivre ses études afin de s’occuper de la fleuristerie ainsi que de son petit frère, qui est encore au collège. Avec l’aide de sa tante la jeune femme a réussi à résoudre plusieurs problèmes, mais la dette est encore impayée et les créditeurs ne comptent pas lui faire de cadeau - ils lui rendent régulièrement visite. Mais elle refuse d’abandonner. Cette boutique est un héritage autant qu’un foyer ; où son père irait-il à sa sortie de prison si elle la fermait ?
Alors son seul choix est de la protéger, coûte que coûte.