I wish I was the monster you think I am. ─ Game of Thrones
You can change what you do, but you can't change what you want. ─ Peaky Blinders
Caractère
Drew ne sera jamais bon, ou généreux. Il ne sera jamais prince ou chevalier. Drew n'a à offrir à ce monde qu'orgueil et vanité ; les vices mérités par les hommes pourris et vengeurs. Sa justice factice brandie comme une arme céleste, l'imparable divin tranche sans s'encombrer de valeurs, d'une impartialité malsaine et cruelle, il fait s'abattre avec froideur les souillures de son honneur.
Drew ne sera jamais honnête, ou transparent. Il ne sera jamais tout à fait blanc, jamais tout à fait noir. La morale targuée et drapée de proverbes insensés, il n'embellit aucun de ses péchés, mais jamais ne se confessera. La culpabilité est une tare dont il ignore tout, combattant vaillamment pour ce qu'il sait être juste, et peu importe combien de têtes tombent. Drew vainct et n'assassine pas, il met à terre et s'assure que ses ennemis ne se relèvent jamais. D'une efficacité angoissante, intransigeant, il se fait exécuteur de sentences dont il ne remet plus en cause la justesse.
Drew ne sera jamais l'homme qu'il semble être. Persuadé d'octroyer à ce monde la contribution qu'il mérite, sans aucune revendications, il s'imagine être le messager d'une parole que les petits hommes ne peuvent comprendre, messie d'une prophétie jalouse et vengeresse. Il ne fait que le bien, et l'applique à sa manière, peu importe les moyens ; il suit un chemin aveugle et marche sur les cadavres qui y jonchent sans se préoccuper des os qui craquent et des hommes qui meurent sous son pas destructeur.
De ruses et tromperies il se maudit, damne son âme déjà condamnée, illuminant de sa fausse grandeur les braves gens, les honnêtes et les bons. Plein de conviction et d'ardeur, de noblesse et d'honneur, ses principes trompent et ses discours touchent, manipulateur et dégageant une aura de peur. Drew intimide et attire à lui beaucoup de haine mais aussi beaucoup de respect, écrasant de sa présence les fous et les dociles, les fragiles dont il s'est nommé le protecteur.
Drew aime d'amours incompréhensibles et enfouies, il massacre – assassine – ses émotions qu'il juge des obstacles à sa mission. Sans considération pour les futilités de son coeur, anodines tentations, il piétine avec malheur ses pudeurs intérieures.
─ Fume, mais pas excessivement.
─ Plutôt chien que chat.
─ Plutôt thé que café.
─ Mange comme dix, mais mange sain.
─ Devient rapidement violent quand il estime que la situation le demande.
─ Semble inépuisable.
─ A énormément de points faibles, mais les cache bien.
─ Loyauté sans faille et obstinée.
─ N'a qu'une parole, et c'est pour ça qu'il ne promet jamais rien.
─ Maniaque, son appartement est toujours propre et rangé.
─ Main verte, possède beaucoup de plantes d'intérieur.
Histoire
Un rire grogna dans sa gorge encombrée de sang ; ça coulait le long de ses lèvres et partait embrasser son cou et le sol. Des balles avaient creusé dans ses épaules et son ventre, avaient fait leur chemin à travers sa chair et quelques organes. La petite à côté de son corps pleurait, mais il ne flancha pas. Elle cria, mais il ne flancha pas. Il souriait, parce qu'il avait enfin atteint son but, achevé sa mission.
─ Ne pleure pas, j'aurais au moins gagné ma place au paradis.Sa main faiblarde lâcha le pistolet qui avait servi à abattre l'homme qui avait enlevé l'enfant. Tout s'était déroulé si vite, et il se sentait déjà partir. Il songea un instant à sa mère, toujours affalée dans son divan, à pleurer son mari disparu. Il regretta de ne pas lui avoir dit Adieu. Il aurait aimé embrasser ses joues encore une fois. Il songea à Oksana et au Bidonville, à ce rôle de père qu'il s'était donné, et qu'il n'a jamais su remplir. Il regretta de ne pas avoir désobéi aux ordres, il regretta de ne pas être resté pour eux, pour les sauver. Il songea qu'il avait toujours été bien seul et froid. Il regretta de n'avoir rien connu d'autre que ça.
─ Ne pleure pas, je te dis. J'aimerais pas partir sur un visage si triste.Il cru entendre la voix de Heileen, arrivée essoufflée sur les lieux et s'empressant d'appeler les secours, mais tout ça lui parut lointain. Il se vidait de son sang sur le parquet et déjà sa conscience s'évaporait. Il songea à elle et à son instruction dont il était en charge, et il ne regretta rien. Il partit serein, avec la certitude qu'elle le remplacerait bien.
─ Je suis très fier. Heileen.* * *
Le bruit de l’électrocardiogramme assourdissait son esprit embrumé. Des râlements sourds grognaient dans le fond de sa gorge, et en ouvrant les yeux, le monde autour de lui lui sembla étranger. A son chevet était assise une femme dont la blouse ne mentait pas sur la fonction. La lumière entrait dans la chambre et aveuglait l'homme qui ce jour-là avait frôlé la mort. Drew Connor n'avait que vingt-neufs ans lorsqu'il échappa de justesse aux portes du paradis.
─ On m'avait pas dit que les anges avaient les cheveux roses.Ainsi il avait rencontré Sansa Chase qui avait sauvé son corps et son âme d'une mort froide et d'une froideur morte.
Des hommes d'une allure formelle étaient entrés dans la chambre, et le regard du mort s'était assombri. Ils demandèrent à la chirurgienne de les laisser, et c'est ce qu'elle fit. Drew n'avait quitté sa silhouette des yeux que lorsqu'elle passa la porte et enfin il s'intéressa aux deux montagnes qui s'étaient érigées devant lui. Ils lui avaient confié une mission, et il l'avait accomplie.
* * *
─ Tu te souviens des deux hommes qui t'ont rendu visite à l'hôpital ?Ses yeux avaient rencontré ceux de Sansa qu'il tenait dans un bras, le bout de ses doigts chatouillant son épaule et les cheveux qui y glissaient. Bien sûr, qu'il s'en souvenait. Il lui adressa un sourire, et redressa son dos sur l'oreiller et la tête de leur lit. Les draps de soie avaient glissé jusqu'à ses hanches, et Sansa avait suivi le mouvement en s'asseyant à son tour.
─ Hm ?─ Qu'est-ce qu'ils te voulaient ?Il se mordit la langue. Il ne lui en avait pas parlé, mais parce qu'il n'avait pas trouvé ça nécessaire. Il restait flic, c'est ce qu'il se disait.
─ Ils faisaient partie de la CIA.─ Tu as des problèmes ?Elle s'était relevée sur ses bras et son regard inquiet acheva de faire mourir le cœur de Drew. Son rire s'étouffa dans son cou qu'il attaqua de baisers et ils finirent de s'épuiser dans les couvertures.
* * *
Cela faisait des mois qu'il avait pris
cette fille en filature. Supposément liée à Mist, ses instructions avaient été claires : la garder en vie.
La garder en vie.
La garder en vie, putain. Il grogna contre lui-même, contre son incompétence, et contre son cadavre qui jonchait le sol. Il ne lui restait comme seule piste que le gamin effrayé et en colère qui avait assassiné l'assassin de son aimée. Le gamin aux menottes qui disparaissait dans le camion de ses collègues. Drew devenait fou, sa propre mission lui échappait, et son seul indice venait de se faire enfermer.
Il s'était rendu à la prison, avait visité ce qu'il voyait comme la cellule où était enfermée la suite de sa carrière. Akainu Nishimura était un gosse insupportable, et définitivement trop stupide pour être de ceux qu'il cherchait. Mais il était avec cette fille-là, ce jour-là, et Drew, définitivement, n'eut pas l'intention de démordre de ses convictions. Il était celui qui le mènerait jusqu'à Mist.
* * *
Sur le siège passager trônait un bouquet d'hortensias, de roses, et de fleurs de cerisier. Son index tapait nerveusement sur le volant de sa voiture, jetant des coups d’œil réguliers à sa montre et au rétroviseur central. En arrivant dans l'entrée de son appartement, il s'annonça gaiement mais ne reçut aucune réponse et, immédiatement, il s'inquiéta. Le bouquet de fleurs dans les mains et une infime boîte dans l'autre, il déposa le tout sur une commode du salon, avant de se diriger vers la salle à manger où Sansa restait figée.
─ Sansa ? Qu'est-ce qu'il y a ?─ Est-ce que c'est vrai ?Il fronça les sourcils, et rassembla toutes les informations dont il disposait pour essayer de comprendre ce qu'il se passait. Les mains de sa compagne tremblaient, et lui tendaient dans un mouvement partagé de colère et de peur une enveloppe pleine de photos. En les parcourant, Drew garda le silence.
Il s'agissait de lui, de ses victimes, de ceux qu'il faisait chanter pour les informations qu'ils pouvaient lui fournir. Il s'agissait de crimes horribles qui n'avaient jamais été filmés ou photographiés. Comment avait-elle eu ces clichés ?
Il resta paralysé, et sentit la colère monter – bouillir – en lui. Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'il vit « M I S T » inscrit au dos des photographies.
─ Drew, réponds-moi.Et victime de son silence, dans un sanglot, elle haussa le ton.
─ Drew c'est pas vrai, tout ça.Il leva les yeux vers elle, et son regard était sombre, plus sombre qu'elle ne l'avait jamais connu. Il était resté froid, et muet, et aucune explication ne voulu s'échapper de lui et elle eut fini de l'achever en claquant la porte de l'appartement, pour ne plus jamais y remettre les pieds. Des heures après, Drew était encore dans le divan, rageant contre les fleurs et la bague de fiançailles dans sa boîte, contre les photos et cette liste stupide où tout avait été coché, du fleuriste au pressing, du coiffeur à la parfumerie.
Et dans un mouvement de rage profonde, il brisa un verre et se promit, les clichés maudits entre les mains, de les détruire pour avoir détruit sa vie.
Mist.
* * *
Akainu Nishimura était devenu son prisonnier préféré. A raison de deux fois par semaine, il venait le narguer, et parfois plongée dans un profond silence, sa présence seule suffisait à le harceler. Puis dans les couloirs du bâtiment central, un
gosse semblait détraqué, détruit, pétrifié. Le pas de Drew avait été naturellement guidé, et ainsi il fit la connaissance de Fuyuki Nishimura.
Nishimura. Le nom le frappa si fort qu'il crut qu'enfin les astres lui souriaient. Il avait gagné sa chance.
Aujourd'hui, deux ans plus tard, Fuyuki est encore plus que son informateur privilégié, il est aussi son protégé. Et il le protégera, aussi longtemps que ça lui servira.
Vous verrez. Je vous détruirai.