Caractère
et encore maintenant, madame rêvait au prince charmant sur son cheval blanc.
tout en nuances, portée par l’absence elle s’était dévoilée.
Là où Aelicya était belle, Aelys sera sublimée.
La rose éclos ne sera plus pétales fanées.
Elle sera dévorante.
Passionnée.
Destructrice, ravageuse, ambitieuse.
Sage et raisonnée.
Presque résignée.
parce qu'il n'y avait plus rien à porter sur ses frêles épaules, dès lors qu'elle l'avait décidé, peu de semaines avant les drames qui avaient éreintés Astrophel.
pourtant, au milieu de la mort et des heurts, elle s'était étonnée. dans son inconscience, son innocence, d'accepter aussi facilement de
tout donner.
et puis la thérapie.
les médecins, les docteurs, les psys,
son mari. rien n'aurait rendu à Aelys la splendeur passée. l'exigence, la prestance de la vice-présidente outrepassée.
il n'y avait plus que le corps écharpé par les espoirs et les déceptions qui en avaient suivi, à ses traits impassibles et son coeur essoufflé. Quand elle se retournait de temps à autre, elle ne savait pas où ça l'avait mené, tout ça. plus encore, quand elle contemplait tout ce qu'elle avait laissé derrière elle. et parfois elle aimerait y retourner. prouver à quel point elle avait changé ; non, elle n'était plus cette gamine immature qui portait des talons d'adulte, des vêtements de femme et des allures de reine.
elle n'était plus l'enfant capricieuse à réclamer ce qu'elle n'osait jamais prendre. et elle voulait croire encore plus qu'aelicya était derrière elle. que le changement d'état civil avait marqué un point d'honneur à tout ce par quoi elle était passé pour en arriver là. qu'elle avait mûri dans sa connerie et qu'elle n'était plus la gosse apeurée. qu'elle avait force et courage entre ses mèches blondes, l'impétuosité véritable au bord des cils, la sagesse, la diplomatie au bout de la langue.
mademoiselle est devenue madame, un beau soir d'automne dernier.
madame s'est épanouie dans la robe blanche qu'elle avait tant rêvée.
et madame est solaire, rayonnante, majesté et majestueuse, assurée et malicieuse, elle sait ce qu'elle vaut et ce qu'elle veut -
certainement.un château de cartes savamment établi, construit, ébauché avec minutie et élaboré avec parcimonie.
la douceur et l'amertume condensé dans un corset d'élégance et de prudence.
les mots qui heurtent ne sont plus. il n'y a plus que des syllabes entremêlées dans le fil de ses pensées pour n'en faire naître que des paroles concises, précises,
choisies.
mademoiselle n'est plus.
Histoire
Et de son empire encore, à la baie vitrée elle voyait encore le désastre que ça avait été.
Les os se craqueler et les hurlements se muer en étouffements perceptibles. Les flammes et les braises qui avaient balayé les vies et les rêves.
Et son poing qui se serrait, parfois, à la même force qu'
autrefois.
Jusqu’à la lettre qu’elle lui avait laissé, sur laquelle elle démissionnait honteusement, du papier froissé scarifié par les tentatives multiples et infructueuses de simplement lui dire « au revoir ». Et dans le choix des mots, pour dire tout ce qui n’avait jamais franchi la commissure de ses lèvres, l’amertume de la lâcheté a peine désavouée, elle avait renoncé.
et ça fait chier putain.
ça fait chier de se dire que tout c’qu’on avait construit, bâti à la main brique par brique, ne servait plus à rien.
réduit à rien, le néant.
et même le néant avait du sens au milieu de tout ce foutoir.
au milieu des cris et des pleurs qui résonnaient trop fort derrière ses frêles épaules impuissantes - un mouroir.
x-trem factory, le nom, le building moderne et l’apparente majesté. tout ce qui n’était plus que bâtiment à pleurer, en cendres - et ironiquement elle les adorait, ces cendres.
tout s’était consumé à l’instant où le
boum avait résonné.
tout s'était embrasé et c'est sa passion qui est partie en fumée.
xxx
— madame a quitté ses fonctions huit jours et six heures après sa dernière altercation avec son supérieur hiérarchique - écoulant ainsi les jours de congés qu’il lui restait.
— madame est par la suite restée prostrée, figée chez elle pendant soixante dix heures sans voir la lumière de jour - les limbes qui auraient mis en lumière son incapacité à réagir, à agir, et à protéger tout ce qu'elle s'efforçait de chérir.
- et madame n'a pas donné sa lettre au
phoenix. madame est partie en laissant sa lettre de démission à Andre, priant pour ne pas croiser trop de gens dans les couloirs de ce qui était devenu trop grand.
— et madame voudrait éviter de le dire. de dire tout ce qu'elle n'avait plus à offrir. tout ce qu'elle avait cédé avec trop de facilités à un jeune anglais bien né.
— madame avait fui. une large fuite en avant où elle ne pouvait que se casser la gueule. et ça l'a écorché, bien plus que ce qu'elle aurait cru. passer la bague au doigt, dire oui à ce qui ne serait jamais plus qu'un coup d'un soir.
— madame s'est mariée à un riche aristocrate anglais, après des semaines passées à se courtiser (elle adorait toujours les vieilleries de l'ancien temps). elle n'a manqué de rien, peut-être un peu d'amour et de bruyère au milieu de la city.
— madame est revenue cinq mois après s'être volatilisée d’Astrophel, et presque jour pour jour sept mois sans avoir revu Maxence, avec un nouvel état civil, une chevelure blonde, et une alliance à l'annulaire gauche. mais sans monsieur, resté à la City.
— parce que madame s'est lassée, aussi vite qu'elle avait tout quitté. elle a longtemps hésité à revenir comme si de rien n'était chez X-Trem Factory. et elle se rappelait bien plus vite que c'était ses hésitations qui l'avaient poussé à tout quitter.
— alors madame a acheté, rénové, décoré avec soin et raffinement un vieux bâtiment délabré. au rez-de-chaussée, un bar qu'elle veut élitiste, chic, au style chiadé, unique.
— l'immeuble ne valait rien, alors les deux étages supérieures sont constitués d'appartements dont madame est propriétaire et qu'elle accepte de louer. elle loge au dernier étage, un appartement plus modeste que celui qu'elle avait délaissé - à croire que tous ses rêves de famille sont restés sur l'île britannique.
— et ça fait trois semaines maintenant, que
le White Horse a ouvert ses portes. madame s'y épanouie, avec sa clientèle choisie tout droit sortie de vieilles relations tenues des années qui ont passé.
— et madame ne porte pas son alliance tous les jours. parce que madame n'est pas vraiment divorcée pour l'instant. seulement de temps en temps.