Fuyuki regarda discrètement l'heure sur sa montre, terriblement impatient que cette séance photo se termine enfin. En temps normal, il aimait bien ce job de photographe de mode comme celui de graphiste car ils étaient beaucoup moins stressants que ceux en lien avec ses sponsors.

Oh, ils ne lui demandaient pas moins de travail et il y avait toujours des imprévus et des galères comme chez Persona et Farfallina, mais au moins il ne risquait pas sa vie à prendre des photos de mannequins ou à préparer des designs pour des sites internet.

Contrairement à sa mission d'espion où une erreur pouvait lui coûter sa liberté et peut-être même sa vie à chaque instant ou à sa couverture de super héros chez Persona où les accidents sur le terrain pouvaient toujours arriver.

Le stress faisait partie de sa vie depuis plusieurs mois maintenant et tous les moments de répit possibles étaient les bienvenus. C'était probablement à cause de sa passion pour la mode et l'informatique qui lui permettait de souffler entre deux missions pour ses sponsors qu'il n'avait pas encore fait de burn-out.

Ca ou son entêtement et sa détermination légendaires. A moins que ce soit le soulagement qu'Akainu soit enfin sorti de prison et qu'il avait l'air de se tenir suffisamment tranquille pour ne pas y retourner - si seulement il savait.

Et il y avait aussi la présence de cette personne qui lui faisait du bien. Cette personne rencontrée il y a deux ans maintenant, dans la prison même où son frère était retenu à l'époque, juste après une visite à Akainu justement qui l'avait laissé dans un sale état psychologique.

Connor Drew avait pris le temps de s'arrêter pour lui parler et s'assurer qu'il n'allait pas se jeter à l'eau de dépression quand il sortirait des bâtiments lugubres situés sur une île au large de Scitlali alors qu'il était lui-même en mission pour son travail.

A cette époque, Fuyuki était une vraie épave émotionnelle même s'il s'efforçait de donner le change auprès de ses proches et le fait qu'un policier prenne le temps de lui parler et de l'aider à ce moment-là avait beaucoup compté pour lui.

Bien sûr, au début le jeune homme s'était méfié et n'avait pas accordé tout de suite sa confiance. Aujourd'hui encore d'ailleurs, il était prudent. Mais à l'époque, il n'avait aucune raison de faire confiance ou même d'apprécier un de ceux qui avaient conduits son frère adoré en prison.

Mais maintenant... Cet homme avait une place importante dans sa vie il ne pouvait le nier. Et même s'il allait mieux qu'il y a deux ans, son soutien était toujours le bienvenu. C'est pourquoi le rendez-vous de ce soir était attendu avec impatience.

Même si officiellement c'était un rendez-vous professionnel puisque le policier - qui était en réalité un agent de la CIA la classe non ? - lui avait demandé son aide sur une de ses affaires, ce qui flattait beaucoup Fuyuki on ne pouvait le nier.

Après un dernier soupir frustré, le photographe remit sur son visage son sourire poli et pétillant purement professionnel en place avant de s'avancer pour les derniers clichés de la journée. S'il voulait garder son excellente réputation dans le milieu il avait intérêt à continuer de donner le change.

Même si en réalité il avait juste envie de planter ces filles qui minaudaient sans cesse, leur manager constamment sur son dos et leur équipe technique pour rejoindre le lieu du rendez-vous et attendre impatiemment son mentor.

Un sourire amusé à cette pensée - il ressemblait quand même beaucoup à une gamine amoureuse la honte si ça se savait - le bleuté reprit avec précaution son appareil photo dans ses mains en même temps que son rôle de photographe.

OoOoOoO

Le garçon poussa la porte du bar, un peu essoufflé par sa course. Il avait eu du mal à se débarrasser des sangsues qu'étaient les mannequins et leur manager à la fin de la séance photo et était presque en retard.

Presque. Parce que Fuyuki Innocente Nishimura ne se serait jamais permis d'être en retard à un rendez-vous avec quelqu'un à qui il voulait faire bonne impression. Même si leurs relations étaient désormais plus détendues qu'il y a deux ans, ce n'était pas une raison.

Le garçon adressa un signe de tête à la fille derrière le bar qu'il connaissait bien puisque c'était ici qu'Akainu travaillait avant de prendre le temps de reprendre son souffle. Il s'approcha ensuite du bar et échangea quelques mots avec la serveuse pour lui expliquer qu'il avait rendez-vous avec " monsieur Connor " et cligna des yeux, quelque peu surpris.

La salle privée ? Waouh. L'agent ne faisait pas les choses à moitié. Le montant de la privatisation était exorbitant de ce que Fuyuki en savait. Bon, en même temps, s'ils parlaient de choses confidentielles, c'était logique que l'agent prenne des précautions, mais quand même...

Fuyuki n'allait pas pouvoir payer lui-même et le fait que l'autre le fasse pour eux deux le gênait quelque peu. Sans compter que c'était embarrassant de se retrouver en tête à tête comme ça.

La demoiselle lui demanda s'il y avait un problème et le bleuté se força à sourire et à assurer que non il n'y avait aucun problème. Toujours donner le changer en toutes circonstances, tel était sa devise.

Le jeune homme hésita un instant avant de confier son sac à l'employée, n'ayant rien de confidentiel dedans pour une fois. Les jours de la semaine où il ne mettait pas les pieds dans un de ses deux sponsors étaient rares, mais aujourd'hui en était un.

Il garda néanmoins ses objets de valeur dans ses poches ainsi que le mini sac de son appareil photo qui coûtait une petite fortune sur lui. Il faisait confiance à la collègue de son frère, mais on n'était jamais trop prudent dans ce monde et on ne devait pas un espion de son calibre sans ce genre de réflexes de précaution.

De toute manière, il récupérerait son sac juste après avoir passé aux toilettes, histoire de se rafraichir et de remettre de l'ordre dans sa tenue et son apparence. Travailler debout toute la journée sous les projecteurs photo avec des filles presque hystériques par moments mettait votre allure à rude épreuve vous savez.

Une fois ses cheveux moins décoiffés ou du moins plus soigneusement, son visage moins rouge et ses fringues moins froissés - il portait une chemise blanche et un pantalon noir chics, mais assez simples aujourd'hui - Fuyuki ajusta une dernière fois son col avant de sortir et de retourner au bar.

La serveuse lui redonna ses affaires, balaya ses remerciements d'un geste et d'un sourire avant de lui demander de la suivre. Le métisse italo-japonais lui emboîta donc le pas tranquillement, toujours un peu stressé par l'endroit du rendez-vous et surtout parce qu'il l'était toujours un peu au début des rencontres avec Connor.

Ce dernier arrivait toujours à le détendre et à le mettre à l'aise cependant et cette fois ne ferait sans doute pas exception. Après tout comme l'autre le disait souvent, ils se connaissaient depuis deux ans maintenant et ce n'était pas rien.

Fuyuki songea alors à son frère qui n'aimerait sans doute pas apprendre qu'il fréquentait ainsi un policier et surtout un agent de la CIA... Mais Akainu n'était pas au courant et il n'était pas assez bête pour le lui dire malgré sa légère culpabilité à ce sujet.

D'ailleurs, il devrait s'assurer que personne ne mettrait son frère au courant, ce n'était peut-être pas une si bonne idée d'avoir proposé à son mentor de venir sur le lieu de travail de son frère après tout. Bon, au moins, Akainu ne travaillait pas ce soir, c'était déjà ça.

La serveuse ouvrit alors la porte de la grande salle réservée pour eux ce soir après avoir poliment toqué et s'écarta pour le laisser passer. Fuyuki adressa alors un sourire quelque peu intimidé à l'homme assis confortablement sur un canapé.

Il attendit que la serveuse parte après avoir leur avoir demandé de l'appeler dès qu'ils auraient décidé de leur commande ou en cas de besoin pour s'approcher davantage, le regard lumineux malgré la tension de son corps et son sourire timide qui témoignaient de sa gêne.

- Bonsoir, Connor-san. Désolé pour le retard, j'ai eu du mal à me débarrasser de mes clients. Merci pour l'invitation, c'est très gentil de votre part. C'est un peu embrassant cependant... Si vous voulez, j'essaierai de vous rembourser...

Même s'il devrait probablement travailler pendant dix ans pour avoir une telle somme, mais c'était un détail. Ne sachant pas où s'asseoir, il hésita un peu avant de s'asseoir sur un fauteuil qui semblait cependant moins confortable que le canapé moelleux sur lequel l'agent de police s'était installé. Néanmoins, Fuyuki n'allait pas s'asseoir à côté de lui comme si de rien n'était, non ?

- Cela fait un moment qu'on ne s'est pas vus, préféra-t-il se contenter de dire d'une voix faussement posée pour masquer son regret.

Et peut-être son accusation muette car c'était Drew qui avait été le plus occupé d'eux deux avec son travail. Et que pour Fuyuki il avait vraiment pris une place importante dans sa vie, leur rendez-vous était d'ailleurs peut-être professionnel en apparence, mais, pour le bleuté, c'était surtout un moyen d'obtenir davantage de soutien et de réconfort.

Il se détestait d'être aussi fragile, mais malgré les apparences il l'était bel et bien et l'agent Connor était une des rares personnes auprès desquelles il se permettait de le montrer sans essayer de tout dissimuler.

Fuyuki décela sans trop de difficultés la gravité qui semblait remplir la pièce et envahir son protecteur. Enfin, gravité sonnait un peu fort peut-être, mais en tout cas ce n'était visiblement pas l'heure de plaisanter.

Le bleuté ne commenta pas la disparation du maigre sourire de son aîné ni la présence du verre quasiment plein d'un probable alcool qu'il n'identifia pas sur le coup, ne buvant pas tant que ça vu son âge et n'appréciant pas plus que ça d'être bourré.

Ne pas tenir l'alcool était un fait qu'il dissimulait soigneusement par pure fierté personnelle et par désir d'échapper aux moqueries que certains ne manqueraient pas de lâcher s'ils en entendaient parler. Son frère en tête de liste, sans doute, raison supplémentaire de garder le secret.

Sur ce, le jeune homme posa ses affaires par terre entre ses jambes et s'installa plus confortablement dans le fauteuil rouge, se mettant à l'aise autant que possible vu sa nervosité refoulée.

Il sentait que Drew l'observait, mais n'y faisait pas vraiment attention, préférant observer la décoration du lieu pour essayer de se détendre un peu plus. S'il voulait aider l'agent avec sa mission, son cerveau devait être libre de toute contrainte et le stress n'aidait pas vraiment.

En plus, ils ne se voyaient vraiment pas assez souvent pour qu'il autorise le stress à lui gâcher ce moment. Faire bonne impression et ne pas ressembler à un gamin boulet un peu trop émotif était sa mission première.

Un sourire quelque peu reconnaissant sur les lèvres, le jeune homme acquiesça à la réponse parfaitement logique sur sa commande et le prix de cette invitation avant de prendre la carte posée sur la table basse pour y jeter un rapide coup d'œil.

Il releva cependant les yeux à la suite des paroles du CIA et fronça légèrement les sourcils, attentif devant le sérieux de la situation. Il était vrai que la ville avait été le terrain de plusieurs évènements inquiétants ces derniers temps.

A commencer par les différents attentats commis par " Mist " dont Fuyuki savait peu de choses en réalité. Comment aurait-il pu imaginer que son propre frère en faisait en réalité parti ? Haha, ouais à l'heure actuelle, il n'en avait absolument aucune idée et ne l'imaginait même pas.

Comme on dit, ah s'il savait...

Enfin, le bleuté s'interrogeait quand même sur cette mystérieuse organisation et sur ses agissements en particulier. Il n'était pas au QG de Persona le jour où il y avait eu cette explosion heureusement, étant officiellement en congé et officieusement chez Farfallina pour une réunion de compte-rendu de sa mission, mais en avait suffisamment entendu parler par ses " pairs " et les médias pour se poser des questions.

Du coup, entendre l'agent de la CIA lui dire que la situation s'aggravait ne l'étonnait pas vraiment, même si ce n'était ni rassurant ni agréable à entendre. Le jeune homme joua nerveusement avec la manche de sa chemise sans vraiment y faire attention, pensif.

- Cela ne m'étonne pas vraiment vu l'actualité en ce moment... Vous devez savoir que le QG de Persona a été touché, j'ai la chance de ne pas avoir été sur place ce jour-là, mais certains de mes collègues se sont retrouvés traumatisés... Ou pire.

L'espion ne prononça pas les mots tabous car c'était absolument inutile. Il fallait être extrêmement naïf, vivre dans un trou paumé ou enfermé chez soi pour ne pas deviner ce qui avait bien pu se passer.

Les terroristes et les attentats ne faisaient en général pas dans la dentelle et ce n'était pas des bombes à eau ou à confettis qu'ils faisaient exploser, hélas. Fuyuki avait beau ne pas se soucier du sort d'inconnus ou de personnes dont il n'était pas proche même s'il les connaissait quand même, il ressentait quand même un peu de compassion pour les victimes, n'étant pas complètement inhumain non plus.

- Si je peux vous aider, dites-le-moi, déclara-t-il donc en plantant son regard bleuté dans lequel on pouvait lire une certaine détermination dans celui de l'homme qui lui faisait face.

Certes, il avait suffisamment de problèmes avec sa propre vie et surtout avec sa propre mission, mais s'il pouvait faire quelque chose de bien sans devenir quand même le bon samaritain, alors pourquoi pas, hein.

Peut-être qu'il pourrait plus facilement se regarder dans la glace comme ça.

C'est pourquoi il se pencha sur la photo que fit glisser le policier vers lui, la soulevant pour la voir de plus près et l'observer attentivement. Une fille banale, de son âge ou peut-être plus jeune qui sait. Plutôt jolie aussi avec ses boucles rousses, son sourire rieur et ses tâches de rousseur.

Le jeune adulte fouilla dans sa mémoire, cherchant à savoir s'il l'avait déjà vue quelque part, de près ou de loin. Mais à première vue, elle ne lui disait rien et ça l'énervait rien que d'y penser.

Il aurait voulu être davantage utile à l'homme qui avait fait beaucoup pour lui, pour que leur relation ne soit pas à sens unique. Néanmoins, il fallait être réaliste et lui faire perdre davantage son temps ne l'aiderait pas non plus.

Aussi le bleuté secoua la tête à regret avant de rendre la photo à son propriétaire.

- Désolé, je ne la connais pas et je ne pense pas l'avoir déjà vue. Je peux vous demander pourquoi vous la recherchez ?

La question avait été posée d'une voix prudente et hésitante, Fuyuki devinant que cette affaire n'était pas anodine. Après tout, il pouvait très bien s'agir d'un enlèvement, d'une fugue ou d'une criminelle en fuite. Toutes les hypothèses étaient possibles et si Drew Connor la cherchait, ce n'était sans doute pas pour rien...

Et pourtant sa curiosité était plus forte que la prudence.

La serveuse arriva avant que l'agent ait pu répondre et Fuyuki se demanda si elle avait entendu leur conversation. Probablement pas vu que ce serait indiscret d'espionner les clients, elle avait sûrement attendu le bon moment pour frapper et entrer.

- Je prendrai un cafe latte avec une tarte tatin, merci.

Bah quoi ? Il revenait tout juste du boulot, normal qu'il ait faim, hein. Et si Fuyuki n'était pas gourmand, ça se saurait depuis longtemps. Quant à sa crédibilité d'adulte, elle passait après son estomac nous sommes d'accord.

Après tout malgré son envie de faire bonne impression, le cadet savait également qu'il pouvait se montrer sous son vrai jour devant l'autre adulte sans trop s'en faire. Et ça faisait du bien dans un sens de ne pas avoir à mentir ou de se cacher pour une fois.

Parce que l'état dans lequel il était lors de leur première rencontre était bien plus humiliant et difficile à accepter que tout le reste. Si Drew l'avait vu comme ça, il pouvait le voir de toutes les façons sans que le bleuté en ait trop honte en y réfléchissant bien.

Une fois la collègue de son frère repartie, le bleuté adressa donc un sourire au brun qui lui faisait face tout en réfléchissant à cette fille que son aîné devait retrouver. Il espérait sans trop se faire d'illusions que son protecteur n'était pas dans une situation trop dangereuse, même s'il se doutait qu'il en avait connu d'autres et qu'il n'avait pas besoin de son inquiétude à son sujet.

On ne devenait sans doute pas agent de la CIA pour des prunes, comme lui n'était pas devenu espion chez Farfallina pour rien. Et probablement que le policier avait bien plus de légitimé et d'expérience que lui dans son domaine.

- J'espère que vous retrouverez cette fille, Connor-san. Si je peux faire autre chose pour aider, n'hésitez pas.

Fuyuki se contenta de la brève réponse qui lui fut accordée, acquiesçant d'un simple signe de tête reconnaissant sans paraître le moins du monde déçu. Il n'en avait pas le droit de son opinion.

L'agent lui faisait sûrement déjà une faveur en laissant échapper cette information et surtout en lui demandant son aide à lui pour cette enquête. Ce serait ingrat de sa part d'en exiger plus ce soir.

La déception envahissait d'ailleurs le bleuté à la pensée qu'il ne pourrait pas rendre service à son protecteur aujourd'hui. Bien sûr, l'agent se remettrait sans aucun doute de son manque de réponse. Il était suffisamment compétent pour trouver les réponses ailleurs, le fils Nishimura n'en doutait pas une seconde.

Mais Fuyuki aimait rembourser ses dettes. Or, de son avis, il en avait plus d'une envers son protecteur et aurait aimé lui rendre efficacement service pour en effacer au moins une partie, autant pour sa fierté personnelle que par reconnaissance.

De plus, échouer était toujours douloureux et frustrant de son opinion. La saveur de l'échec et de l'impuissance était bien trop amère pour qu'il l'apprécie. Et ne pas connaître cette fille alors qu'elle était visiblement importante sonnait comme tel à ses yeux.

- Désolé de ne pas pouvoir vous aider davantage, monsieur.

Son désappointement et son amertume se firent parfaitement ressentir dans ces quelques mots soufflés d'un air presque contrit, comme celui d'un gamin pris en faute. Pourtant, il n'y pouvait rien s'il ne connaissait pas cette fille, n'est-ce pas ?

Cela ne l'empêcha pas d'éviter de croiser le regard de son aîné et de fixer plutôt le verre que ce dernier tenait entre ses mains. Essayer de deviner quel alcool s'y trouvait lui permettait de ne pas voir la déception qui se lisait probablement dans les yeux bleus.

La fatigue et la lassitude se faisaient trop ressentir ce soir pour que le gamin sous les airs d'adulte veuille affronter ce genre de situations ce soir en particulier.

La journée avait été tranquille en apparence, comme souvent quand il exerçait ses métiers de photographe ou de graphiste au lieu de celles de héros, d'espion ou de vilain, mais cela ne l'avait pas empêché d'être animée et mouvementée.

Sans compter que l'enveloppe qu'on lui avait fait livrer au boulot qui contenait les derniers ordres en date pour sa mission secrète ajoutait de la fatigue mentale à celle purement physique d'une journée éreintante.

La perspective de devoir ramasser des informations sur un de ses collègues directement dès le lendemain ne l'enchantait guère. Cela ne faisait qu'ajouter de la réalité au sentiment de trahison qu'il ressentait parfois.

Il ne supportait peut-être pas aussi bien la pression que ce qu'il prétendait si souvent.

Soudain profondément las alors que les souvenirs remontaient à la surface, le jeune homme porta une main à son visage. Il avait intérêt à pouvoir dormir ce soir quand il rentrerait s'il voulait ne pas ressembler à une loque ambulante demain.

Comment pourrait-il s'occuper efficacement de sa mission sans se trahir s'il n'arrivait plus à dissimuler ses émotions ? C'était mauvais. Sa carapace ne devait pas s'effriter ainsi, il ne pouvait pas perdre le contrôle.

Les paroles de Drew le firent relever brusquement la tête et il écarta finalement sa main pour pouvoir voir correctement le visage en face du sien. Légèrement interloqué par la question, il l'observa pendant quelques secondes sans répondre.

Ses mains se crispèrent cependant sur les accoudoirs de son fauteuil et son regard s'assombrit légèrement en même temps que son visage. Il n'y avait pas de peur apparente, elle était trop profondément enfouie encore.

Il aurait voulu demander pourquoi l'agent posait cette question maintenant, mais il s'en abstint. Après tout, c'était lui qui avait évoqué les attentats, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui si l'inquiétude le rongeait de l'intérieur.

Pour mille raisons.

Pour Akainu qui rentrait bien tard depuis sa libération par exemple.

Pour ses parents.

Pour lui, aussi, accessoirement.

Ou pas tant que ça finalement.

- Je...

Le bleuté hésita, ne sachant pas vraiment comment il pouvait avouer ce qu'il ressentait sans se ridiculiser. Ce n'était pas son genre d'avouer ce genre de choses à vrai dire. En général, il préférait tout garder pour lui. Ou en dire le moins possible.

Mais cette fois, il prit une inspiration profonde, les mains tremblantes désormais sur ses accoudoirs et laissa la vague s'échapper en emportant tout sur son passage.

- Bien sûr que je suis inquiet, Connor-san. Qui ne le serait pas ? Je veux dire... Personne ne s'attendait à ces attentats. Ils nous sont tombés dessus sans prévenir et ça pourrait... ça pourrait recommencer. Demain si ça se trouve.

A cette pensée, le jeune homme sentit un frisson glacé traverser son échine. Il y avait eu des morts la dernière fois et même lui n'était pas assez indifférent à la vie pour ne rien ressentir ou en être satisfait.

Surtout quand cela pouvait être la vie de ses proches ou la sienne qui pouvait être fauchée.

- Je ne veux pas mourir, avoua-t-il désespérément, faiblement.

Le garçon ramena alors ses mains sur ses genoux et les croisa, le regard fixé dessus en essayant de se reprendre. Mais les tremblements ne semblaient pas vouloir s'arrêter et malgré ses efforts pour se calmer, il sentait sa respiration s'emballer et sa vision s'assombrir.

Il était terrifié à l'idée de mourir, terrifié à l'idée de perdre son frère une fois encore, de voir disparaître leurs parents ou encore de devoir à son tour commettre l'impardonnable pour protéger sa couverture.

Parce que si on lui demandait de trahir ses amis maintenant, que lui demanderait-on la prochaine fois ?

- Je ne veux pas, répéta-t-il d'une voix mal assurée, mais ce n'était plus seulement de sa mort qu'il parlait cette fois.