veni. vidi. amavi.
(we came. we saw. we loved.)
Caractère
Sansa est la lumière au bout du tunnel. L'oasis dans le désert. Le retour à la maison au terme d'un long voyage. Elle tend la main ; au bon et au mauvais, au riche et au miséreux, sans distinction aucune, sans jugement préalable. Elle donne sans attendre de recevoir, elle a l'âme généreuse, l'esprit ouvert et le cœur sur la main. Elle est la bonté qui incite à l'indulgence et au pardon. Elle est pleine de qualités exacerbées au point d'en étouffer ses défauts, tout ça pour ne pas en ajouter à ceux qui rongent déjà le monde.
Sansa a le rire, les larmes faciles. Elle est un livre ouvert ; s'attendrit de rien et s'émerveille de tout. D'une curiosité presque maladive, elle est de celles qui sont attirées par l'inconnu sous toutes ses formes, cherchant à comprendre tout ce qu'elle ne sait pas pour le seul plaisir d'en apprendre plus sur le monde qui l'entoure.
Dans son profond désir de rendre le monde plus beau, elle est persuadée de pouvoir aider -aimer- tout le monde de la même façon -
inconditionnellement. Mais à trop donner on finit par se perdre, et elle s'oublie quand elle se force à rester neutre. Elle s'efforce d'être la plus impartiale, et finalement c'est la culpabilité qui la ronge quand la nuit tombe. Elle souffre d'anxiété quand elle se retrouve suffisamment seule pour ne plus se soucier de qui pourrait la voir se briser.
Sansa, idéaliste, rêve de paix. Elle voudrait continuer de prier pour un monde meilleur, sans avoir peur de délaisser les uns par rapport aux autres. Elle voudrait soigner des blessures superficielles et non plus des mutilations. Elle voudrait aimer sans avoir à se parjurer. Mais elle doit faire preuve d'abnégation. Alors elle renonce à ses désirs égoïstes.
Elle a des regrets. Mais elle continue de rêver, car c'est la seule façon pour elle de ne pas cesser d'espérer.
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— Hygiène de vie irréprochable.
— Chrétienne pratiquante.
— Allergique aux poils d'animaux.
— Joue avec ses cheveux lorsqu'elle est nerveuse.
— Ne pose jamais une seule question à la fois.
— La lecture est son passe-temps favori.
— A la phobie des grenouilles.
— Plus sucré que salé.
— Très déterminée et trop têtue.
Histoire
Elle n'était pas obligée d'aller aussi loin -et lorsqu'on y pensait, ce n'était pas
si loin. Juste un peu plus que d'habitude.
Mais les deux fillettes qui s'accrochaient à ses jambes ne voulaient pas l'entendre. Cela faisait bien un quart d'heures qu'elles étaient inconsolables, les pauvres chéries ; que Claire tentait de calculer le nombre d'heures de décalage entre leur Vancouver natale et Boston, et qu'Olivia paniquait à l'idée de devenir la plus grande de la famille maintenant que son aînée s'en allait.
— Du calme, les filles. Tout va bien se passer.Elle avait travaillé si dur, Sansa, pour atteindre le niveau demandé par l'
Ivy League, qu'elle avait commencé ses valises dès l'instant où la réponse de la
Harvard Medical School lui était parvenue.
— On se verra à Noël, c'est promis.Elle avait embrassé ses sœurs, enlacé ses parents, puis avait passé le portique de l'aéroport sans se retourner.
Ce n'est que lorsqu'elle se retrouva seule que Sansa versa les larmes qu'elle retenait pour ne pas inquiéter la famille qu'elle venait de quitter.
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Les Chase étaient descendus sur la côte ouest des Etats-Unis, où Sansa était installée depuis qu'elle avait quitté Boston pour Astrophel City après l’obtention de son bachelor. Sa mère en larmes photographia les sœurs Chase, toutes fraîchement diplômées de leurs établissements respectifs, et à peine l’instant capturé, Sansa kidnappa les fillettes quelle n’avait pas vues depuis trop longtemps.
— Viens avec moi Liv, il faut que je te présente Cerise.— Eeeehh ! M'oubliez pas, moi aussi je veux venir avec vous !Sansa tendit la main à la plus jeune de ses sœurs, qui avait encore grandi depuis Pâques, et toutes les trois s'enfoncèrent dans la foule d'étudiants en robe de remise de diplôme.
Et la photo qu'elles avaient pris ce jour-là, Sansa la gardait précieusement encadrée sur sa table de chevet, pour ne jamais oublier à quel point les petits moments comme ceux-là rendaient sa vie plus belle.
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Ce n'était pas à elle de changer le bandage de ses patients -ni à elle de veiller à leur chevet. Ce n'était pas à elle de les visiter toutes les trois heures ; le travail ingrat était réservé aux infirmiers.
Mais depuis qu'elle avait retiré les balles de son abdomen, depuis qu'elle avait été chercher les restes jusqu'à l'intérieur de la cage thoracique -ça lui avait pris la nuit, la plus éprouvante de sa vie à ce jour- Sansa ne pouvait s’en empêcher.
— Est-ce que ça fait moins mal, la deuxième fois ?Elle termina de retirer le bandage qui découvrit les marques à peine cicatrisées sur l'épaule de
son patient ; sa première véritable opération depuis qu'elle faisait son internat. Elle sentit le regard clair de Drew sur elle, en dépit du fait qu'il ait répondu à sa question d'un simple hochement de la tête.
— Qu'est ce qu'il y a ?— J'attends la prochaine question. Tu n'en poses jamais qu'une seule.Elle eut un léger rire et baissa les yeux sur ses mains qui enlevaient précautionneusement la seconde série de bandages. Ce n'est qu'une fois son travail terminé qu'elle se décida à affronter le regard posé sur elle -le même qui lui donnait des chatouillis dans le ventre chaque fois qu'elle se risquait à plonger dedans.
— Est-ce que je dois me préparer à te revoir sur ma table d'opération ?• • •
Assise près de la cheminée, Sansa observa d'un œil attendri Drew et Claire discuter dans un coin de la pièce -les Chase avaient toujours été connues pour être de véritables pipelettes et la dernière de la famille n'échappait pas à la règle. Olivia s'assit à côté d'elle, suivit le regard de sa sœur à travers le salon de la maison familiale et se pencha vers elle avec une expression amusée sur le visage.
— D'où tu le sors celui-là, déjà ? Il est tellement beau, on dirait un acteur.Sansa leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de rire. Elle resta un instant muette, avant que son regard ne croise celui de son petit ami. Ils s'adressèrent un sourire, et elle attendit que l’aiguille de l’horloge fasse un tour avant de se lever pour les rejoindre.
— Monte te préparer, Claire. On part dans dix minutes.L'adolescente s'exécuta, laissant Sansa seule avec Drew. Il ouvrit les bras pour qu'elle vienne se blottir dedans, profitant de l'absence temporaire de la famille Chase partie enfiler de quoi survivre à la messe de Noël en Colombie-Britannique pour partager un des moments privilégiés dont elle ne se lasserait probablement jamais.
— Tu n'es pas obligé de nous accompagner. L'église est seulement à cinq minutes, on sera de retour dans une heure.— Je vais venir.Elle ferma les yeux lorsqu'il se pencha pour l'embrasser, et le serra contre elle ; en se demandant ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter sa présence dans sa vie.
— Merci.Sa prière cette année-là compta un nom en plus de ceux qu’elle récitait depuis des années. Et si les choses pouvaient rester ainsi pour toujours, alors elle serait comblée.
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Allongée dans le lit d'hôpital, elle écoutait attentivement chaque bruit de l'électrocardiogramme, essayant de déceler la moindre anomalie -quelque chose qu'elle aurait manqué. Mais rien ne vint, ses constantes ne lui révélèrent rien de plus qu'elle ne savait déjà.
Tu n'es pas malade, Sansa. Juste moins solide que les autres.Ce n'était rien de bien grave. Rien ne changerait une fois qu'elle sortirait ; elle ne pouvait rien y faire alors pourquoi ralentir le rythme ?
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Le mal qui rongeait la ville, Sans pensait naïvement pouvoir y échapper. Mais elle ne se doutait pas qu'un jour ce mal frapperait à sa porte, emportant ce qu'elle avait construit de plus égoïste dans sa vie -la seule chose qu'elle ait jamais fait pour elle et pour elle seule.
Les photos étaient arrivées dans une enveloppe sans timbre à son nom. Elle avait mis un certain temps avant de se résoudre à les regarder dans le détail ; mais elle s'y était résolue et ce qu'elle y avait découvert l'avait brisée.
Mais n'est-ce pas ce qui est sensé arriver lorsqu'on découvre les clichés de son bien-aimé en train de mutiler les pauvres gens qu'elle était supposée sauver ?Ce qui avait détruit Sansa ce soir-là, ce fut de claquer la porte de son -
leur- appartement. De mettre un terme à trois ans de relation d'une telle intensité que toutes les années qui les avaient précédées lui semblaient soudain bien ternes, en comparaison.
Mais ce qui finit par l'achever, ce fut la facilité avec laquelle les choses prirent fin. Malgré tous les souvenirs, tout l'amour et l'affection qu'il avait pu y avoir ; leur histoire s'était terminée sans explications.
L'anxiété frappa à nouveau et elle se résolut à l'idée qu'il n'y avait peut-être jamais eu tout ce auquel elle avait cru -que ce n'était qu'une invention de son esprit d'idéaliste.
Qu'il n'avait rien fait d'autre que la remercier pour lui avoir sauvé la vie une fois -et que maintenant que tout était fini, sa dette était finalement payée.
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Son sac sur le dos, Sansa descendit les marches vers le hall d'entrée de l'aéroport, cherchant du regard les deux têtes rosées supposées venir la chercher. Les cris hystériques ne tardèrent pas à retenir, alarmant la demoiselle de la présence de ses cadettes. Elles se sautèrent dans les bras dès le palier de l'escalator franchi, oubliant la présence de toute ce qui les entourait.
— Pour quelqu'un qui a passé deux ans à reconstruire des maisons à Puerto Rico, je te trouve bien blanche !— J'adore ta nouvelle coupe, Sans' !Sansa essuya les larmes qui avaient roulé le long de ses joues malgré elle. Son expérience avait beau l'avoir rendue plus forte sur bien des domaines, elle avait gardé la sensibilité qui la caractérisait tant.
L'ouragan qui avait encore frappé l'Amérique Centrale lui avait servi d'excuse pour se lancer dans un pèlerinage qu'elle avait depuis trop longtemps repoussé. Et après deux ans passés à se dévouer corps et âme aux autres, Sansa rentrait enfin chez elle.
Prête à donner à cette ville qu'elle chérissait tant tout ce qu'elle n'avait pas été capable de sacrifier pour elle, dans le passé.