ICI LE CARACTÈRE A VENIR ET TOUT CA D'ABORD

chapter one // Il a les épaules carrées, les cheveux blond cendré et les yeux bleus ; vingt-deux ans, étudiant, futur urgentiste — une vie d’ores-et-déjà bien rangée, la suite toute tracée, l’idée fixe, et le rêve qu’il approche au fil des années, frôle depuis qu’il est interne à l’hôpital d’Astrophel City. Il s’appelle Marvel, bien né et promis à un avenir radieux, il vit au jour le jour et prend la vie comme elle vient, depuis qu’elle a failli lui être arrachée, et qu’ils l’ont sauvé — ceux qu’il admire, et dont il suit les traces, un pas après l’autre.

Il a le teint halé, les prunelles couleur d’olive et un léger accent mexicain qu’il peine à faire taire ; il a dans les yeux la guerre, la violence, le deal et le fight. Il s’appelle Santiague, et il a fui sa terre mère, l’adolescence inachevée, biaisée par les rues machistes et homophobes, par les coups qu’il a encaissés et puis rendus — sa propre famille persuadée d’un défi ou d’une ivresse qui se passerait, coupable d’un mépris et un rejet qui l’ont entamé ; passeur engagé, sa vie aux nouvelles teintes d’American Dream, où aimer différemment ne rendrait pas sa simple existence illégitime.

Ils sont une rencontre hasardeuse — l’optimiste et le revêche ; l’un touché par la douceur, l’autre fasciné par l’éclat fatigué d’un regard si jeune. Heurtés dans les couloirs de l’université, ils se quittent sur un au revoir hésitant — et au revoir n’est pas adieu.

chapter two // Elle est belle, belle avec son sourire tendre et son ventre arrondi, mais laide, laide dans le silence qui l’entoure et les larmes dans ses yeux qui trahissent — la peur, les doutes ; terreur sourde, elle n’est qu’une enfant, et le fils qui vit en elle n’est qu’une erreur ;

une erreur — mais quelle erreur ? se demande-t-elle ; comment, comment un amour si beau, si profond, si sincère, pourrait-il être condamnable et condamné ?

« Je donnerai la vie. »
Elle promet — elle promet et, bientôt, elle donne la vie.

chapter three // Il est ce garçon qui ne sait pas d’où il vient, et que la question n’a jamais frôlé ; Ruthel est ce môme rêveur, timide, discret, un peu maladroit et malmené — si frêle et présent entre les murs de l’orphelinat depuis si longtemps que les plus grands s’en amusent et le tourmentent. Tantôt ils semblent lui accorder leur amitié, factice mais dont il se satisfait ; tantôt ils la lui arrachent, sans remords, le rire aux lèvres, et bien trop fiers de faire se serrer de rage ses poings qui tremblent d’une violence qu’il ravale à tous les coups. Bousculé, moqué, enfant chahuté qui peine à trouver sa place dans le monde, un monde immense qu’il ne comprend pas.

C’est un gamin aux cheveux de jais et aux prunelles terre de sienne qui lui offre une chance — une opportunité qu’il ne saisit pas, déjà trop pris en étau par la peur ; un sauveur anonyme, solitaire et qu’il n’avait jamais remarqué, qui n’a pas traîné entre ces murs, et qu’il a envié, peut-être,

comme il envie tous ces gamins sûrs d’eux, bienheureux ou qui donnent le change
et comme il envie tous ces gamins qu’on dérobe à l’endroit avant lui

lui qui manque si cruellement d’amour.

chapter four // Le coup de foudre il n'y croyait pas, pourtant l'électrochoc les ébranle tous les trois. Le gamin les observe l’œil farouche mais curieux, ses gestes se renferment mais ses yeux s'abandonnent – il ne comprend pas ; c'est à moi qu'ils sourient ainsi ?

À moi qu'ils s'adressent, à moi

à moi que ce monde s'intéresse ?

Les adultes discutent entre eux et ceux-là reviennent, une fois, deux fois, dix ; ils reviennent si souvent que le gamin retient leur prénom : Marvel et Santiague. Il leur demande, un peu maladroit, s'ils sont amoureux ; Madame roule des yeux en lui soufflant que ce n'est pas bien poli, mais eux ils rient et de leur tendresse il s'éprend.
Bien sûr, qu'ils sont amoureux,
ils s'aiment à la folie, même,
et tellement fort que cet amour ils voudraient bien le partager ;
à deux on est incomplets, mais est-ce que
est-ce que tu crois que vivre avec nous ça te plairait ?

Son silence s'étire mais ses larmes suffisent ; c'est déjà dans leur bras qu'il trouve refuge tandis que s'échangent au dessus de lui des regards entendus et des sourires attendris.

Il faudra quelques semaines, quelques mois peut-être, avant qu'il ne quitte enfin les murs gris de l'orphelinat ;
ses maigres bagages sous le bras, se découvrant nauséeux à bord de la voiture qui serpente jusqu'à la ville – sur le tableau de bord, quelques papiers qui frissonnent, et son nouveau nom signé à l'encre et tamponné ;

Romeo Eastwood
parce qu'aucun prénom ne parlait mieux d'amour qu'un enfant de tragédie.

chapter five // écrire ici