« Pour yourself a drink, put on some lipstick... »
Description
Cerise.Cerise, c’est un mètre soixante-huit d’élégance et de charisme. Elle est raffinée, fraîche, laisse dans son sillon un parfum suave et légèrement sucré
–Nina l’Elixir, pour être plus précis– qui ne fait qu’accentuer les délices de sa personne ; séductrice, charmeuse, mais toujours dans une mesure calculée qui en dévoile à la fois trop et jamais assez.
Frustrante, dans un sens.Cerise c’est un visage ovale, un nez droit et fin, des lèvres rouges et pulpeuses qui rappellent systématiquement le fruit dont elle porte le nom –on croirait presque qu’elles en on le goût– et savent donner l’eau à la bouche. C’est un regard d’encre, en forme d’amande, sous l’éventail de longs cils noirs, un regard qui ne cille presque pas, magnétique, intransigeant ; à croire qu’elle sait lire à travers la matière avec ces yeux là. C’est aussi une peau blanche et veloutée, légèrement hâlée en raison de ses origines est-orientales, et une longue cascade d’ébène soyeux qui lui descend dans le dos, qui s’arrête juste avant le tatouage encré dans l’épiderme nacré –des ouïes de violon, de part et d’autres de la colonne vertébrale.
Cerise, elle a la jambe longue, la taille fine et la gorge pleine. Une silhouette d’apparence fragile mais qui a les pieds bien sur Terre ; le premier coup de vent venu ne saurait la déstabiliser. Elle exsude assurance et fierté par tous les pores de sa peau, mais met un point d’honneur à ne pas oppresser les autres de sa présence. Elle est belle, elle le sait –jamais elle ne s’en servirait pour se moquer des moins chanceux.
Peut-être qu’elle est de celles et ceux dont la beauté intérieure fait la beauté extérieure qui sait.
Cerise, c’est à la fois une mère, une soeur, une amie, une confidente, une main tendue. C’est celle qui n’hésite jamais à aider son prochain, celle qui ne fléchit pas devant l’adversité si des vies peuvent être sauvées, et des sourires dessinés.
Cerise, c’est une idéaliste, une battante qui refuse l’injustice. C’est une femme assumée qui prend plaisir à plaire et sait en profiter sans que ce soit aux dépens de l’autre. C’est une matérialiste peut-être un peu trop accroc aux belles choses et à la fête, qui prend sur elle à n’en plus tenir et se noie à l’ombre d’un verre de vin pour évacuer avant de relever la tête, fière face au monde.
C’est un humour mordant, une ironie affirmée, un esprit critique et un sang-froid excessivement dur à perturber. C’est aussi un orgueil parfois trop fort, une jalousie certaine et une possessivité quelque fois excessive vis à vis d’autrui.
Cerise, c'est aussi la peur de l'engagement, la peur de laisser d'autres gens pénétrer son cercle privé –potentiels morts à pleurer. C'est la panique et la colère, la rage qui brûle les tripes et l'amour qui soigne le coeur.
Cerise est calme, mature, responsable ; elle sait ce qui est bon pour elle, pour les autres, pour vous, pour moi. Elle prend toujours le temps de réfléchir avant de faire quoi que ce soit, pèse le pour et le contre, fait des hypothèses et résout les problèmes en une poignée de seconde avant la moindre décision –il faut dire qu’être surdouée depuis l’enfance, ça aide, ça fait comprendre le monde autrement, mieux, plus vite, plus grand.
Aussi, elle a beau avoir le coeur sur la main
Cerise, elle sait les limites à ne pas franchir ; elle sait qu’elle ne pourra pas sauver le monde de la misère toute seule, car cela signerait sa mort et qu’elle ne peut pas se le permettre. Parce qu’il y a une petite vie, un tout petit être qui ne dépend que d’elle, elle arrêtera d’aider l’autre pour s’aider soi-même s’il le faut.
Parce que tant qu’elle sera là, en bonne santé, alors il en sera de même pour le petit bout d’homme qui vit à ses côtés –et aujourd’hui, il est le seul pour qui elle pourrait se damner si cela assurait sa sécurité.Histoire
———Paris ; Cerise & Hyacinthe (3 heures)Dans une chambre au troisième étage, Naomi Martell, une femme exténuée après treize heures d’accouchement s’accorde enfin quelques moments de repos bien mérités. Dans le berceau aseptisé qu’on a placé à ses côtés dorment également deux petits bouts de chou tout entortillés dans des couvertures, couvés par le regard protecteur de leur père qui veille au grain. Le soleil perce à travers les rideaux de la grande fenêtre, un léger courant d’air rafraîchit agréablement la pièce, et seuls les sons extérieurs d’un dimanche de Mai, mêlés aux respirations tranquilles des trois endormis se font entendre.
C’est le début d’un voyage extraordinaire pour la famille Martell.
———Hokkaido ; Cerise & Hyacinthe (5 ans)Ils ont déjà bien grandit les petits bouts. Cinq ans à peine, et les voilà déjà en pleine bataille de boule de neige, goûtant avec délice les joies de leurs premières vacances dans les montagnes japonaises, terre natale de leur mère. Tout en les surveillant du coin de l’œil à travers la fenêtre de la cuisine, Monsieur Martell s’affaire à leur préparer une énorme pile de crêpes pour le goûter tandis que sa femme lit un bouquin sur le sofa du salon. Et soudain, des pleurs et des cris remplacent les rires.
«
MAMAAAAAAN ! Hya’ il m’a fait manger la neige !—
Eh mais c’est même pas vrai d’abord, j’ai rien fait ! Et puis c’est Cerise qu’a commencé, elle m’a jeté la neige dans le cou !—
N’importe quoi ! »
Naomi se lève en roulant des yeux pour mettre un terme à cette petite bagarre. Ils ont de la chance, malgré le fait que leurs enfants soient aussi turbulents l’un que l’autre –en bon jumeaux– les accrochages de ce genre sont relativement rares. Hyacinthe et Cerise sont vraiment très proches l’un de l’autre, et il suffit de les voir s’affairer ensemble à construire un bonhomme de neige après cinq minutes au coin pour le comprendre.
×××××
«
Maman, Maman ! Regarde ce que j’arrive à faire ! »
Hyacinthe se concentre et parvient à faire léviter un petit caillou du bout de ses doigts d’enfants. Les yeux de Naomi s’écarquillent et un sourire surpris fleurit sur son visage.
«
Mais Hya’, tu sais ce que ça veux dire ? Tu as un don toi aussi ! Tu vas pouvoir aller t’entraîner avec papa, c’est génial non ?—
Pff, moi aussi je sais le faire d’abord ! »
Et sans avoir l’air de forcer un seul instant, Cerise se contente de froncer les sourcils pour plonger son frère dans un sommeil de plomb en l’espace d’une seconde à peine ; elle sourit fièrement de toutes ses dents devant l’air hébété de ses parents qui ne s’attendaient pas à ce que leurs enfants développent si tôt des pouvoirs aussi puissants.
Les jumeaux commencent dès lors l’apprentissage de leurs pouvoirs aux côtés de leur père, sous le regard fier et bienveillant de Naomi. Naomi n’est qu’une humaine bien simple comparée à eux, elle n’a pas le moindre pouvoir. Pourtant, elle se fait la promesse d’aider du mieux possible ses enfants à se faire à cette condition, et c’est pour cela qu’elle décide d’attendre un peu avant d’aller s’installer à la célèbre Astrophel où ils pourront approfondir la maîtrise de leurs dons respectifs au-delà de ce que leur père pouvait leur enseigner.
———Astrophel City ; Cerise & Hyacinthe (10 ans)« Madame, Monsieur,
Suite aux résultats exceptionnellement élevés de votre fille Cerise Martell aux tests de QI soumis aux élèves de CM2 à chaque deuxième trimestre, je vous recommande chaudement de vous pencher sur les documents ci-joints. Il y a de fortes chances pour que votre fille soit surdouée, des tests complémentaires pourront le confirmer ou non ; si c’est effectivement le cas, il est vivement conseillé aux parents de se renseigner sur le sujet afin d’accompagner au mieux l’enfant dans sa scolarité. J’aimerais également vous rencontrer, aussi, merci de me faire part de vos disponibilités.
Très cordialement, Mme Miranda. »
Voilà, la nouvelle leur est tombée dessus comme un cheveu sur la soupe. Dix ans, et déjà surdouée. La suite est encore plus incroyable. Particulièrement bien entourée, et suivie par deux psychologues il suffit seulement deux ans à Cerise pour terminer le collège et obtenir son brevet. À douze ans, elle entre au lycée et décroche son diplôme avec mention excellent trois ans plus tard. Pendant ce temps, Hyacinthe suit une scolarité normale, et décroche des notes tout juste correctes. Un véritable fossé se crée entre eux. Pourtant, ayant été élevés dans l’idée que les notes ne font pas la valeur d’une personne, ni l’un ni l’autre ne s’en soucie. Cerise reste humble, mène son chemin discrètement et aide son frère avec ses propres devoirs tandis que Hyacinthe n’éprouve pas de jalousie et aide sa sœur à ne pas se laisser submerger par l’attente pressante que certains font peser sur ses frêles épaules.
———Astrophel City ; Cerise & Hyacinthe (15 ans)Elle a réussi. Malgré son jeune âge, son assiduité, son sérieux et son indéniable génie lui ont permis d’intégrer une faculté de médecine prestigieuse du côté huppé de Nahuel District. Les gens n’y sont pas le plus agréables –certains s’amusent même à la bizuter ; après tout, viande fraîche de nouvelle et cinq ans de moins que tous les autres, ça fait de vous une cible facile– et les cours sont compliqués mais Cerise n’abandonne pas. Elle s’acharne même. Elle se forge une carapace en titane avec sa détermination à mieux réussir que ses détracteurs et l’amour et le soutien que lui porte sa famille ; les vacheries lui glissent dessus, l’égratignent parfois, mais ne la font jamais tomber.
Elle est invincible.
Et puis tout s’écroule petit à petit.C’est une de ces soirées étudiantes auxquelles elle avait toujours refusé de venir avant. Trop de travail, trop fatiguée, obligations familiales –elle avait usé de toutes les excuses possibles pour éviter de dire qu’elle ne s’y sentirait pas à sa place, du haut de ses quinze années. Mais cette fois, elle accepte, elle cède aux insistances des quelques amies –connaissances plutôt– qu’elle s’était faites depuis son arrivée.
Elle aurait mieux fait de se casser une jambe ce soir là.
Tout à coup, elle se sent ailleurs, comme si elle n’était plus dans son propre corps ; elle n’a pas tant bu que ça pourtant. Mais elle voit au sourire vicieux qu’esquisse le garçon devant elle, celui qui vient de lui offrir à boire en toute amitié, que la situation est grave, et que ça va mal tourner.
Mais que peut-elle faire quand la drogue anesthésie ses sens, endort son corps et éteint sa volonté ? Que peut-elle faire, du haut de ses quinze ans, contre les desseins tordus d’un homme –d’un enculé– plus fort et plus âgé qu’elle ?
Rien. Elle ne peut rien faire contre ça.Et pour la première fois de sa vie, Cerise est la plus impuissante de toutes.
———Astrophel City ; Cerise & Hyacinthe (17 ans)Elle aura mis un an à encaisser, un an à se décider d’en parler –le plus dur a été de voir que Hyacinthe était le plus affecté par la nouvelle.
« Soit on porte plainte, soit tu m’dis son nom et c’est moi qui finirait en prison quand j’en aurais fini avec lui. » qu’il lui dit même un soir où elle avoue ne pas être sûre de vouloir engager une procédure judiciaire, de peur que ça gêne sa scolarité ; elle a redoublé la première année une fois à cause de ça, entre un absentéisme soudain et des notes en chute libre, elle ne veut pas recommencer.
Mais Hyacinthe sait quels mots font mouche. Et Cerise ne peut qu’abdiquer face à lui –le seul homme au monde contre qui elle veut bien être démunie, parce qu’il est son jumeau, son sang, ses tripes ;
si elle ne peut être fragile et nue devant celui avec qui elle a tout partagé, placenta compris, alors devant qui peut-elle l’être un jour ?La procédure est enclenchée. Avec leurs moyens les Martells se payent un avocat, pas le meilleur de tous, mais qui suffira.
Douze mois plus tard, l’affaire est classée sans suite ; Cerise apprend qu’Il s’est fait enrôler chez Carvel & Son depuis la dernière fois, et comprend sans mal que le sponsor a usé de sa notoriété pour étouffer les faits.
Cerise apprend à dix-sept ans qu’on n’est rien si on ne se montre pas, et que hurler sous les fenêtres ne sert à rien. Alors à dix-sept ans, elle quitte la fac, envoie valser ses années d’acharnement d’un revers de la main et se réfugie dans l’alcool et les soirées pour noyer sa colère.
Heureusement, il y a Hyacinthe, toujours Hyacinthe.
———Astrophel City ; Cerise & Hyacinthe (19 ans)Hyacinthe a toujours eu deux passions, deux rêves : devenir photographe, ou super-héros. La vie l’ayant doté du don de télékinésie, il ne s’est pas posé la question plus longtemps ; au sortir de l’Académie, c’est vers la X-TREM Factory qu’il s’est tourné.
Mais la photo était restée son hobby favori, et sa soeur son modèle préféré.
Et à force d’observer minutieusement sa posture droite et élancée sur l’argentique de ses clichés, il a su déceler chez elle un potentiel particulier –certes loin des idéaux de médecine de Cerise, mais il fallait bien qu’elle retombe sur ses pattes, et au plus vite.
Il parvient à la convaincre de passer un casting pour une agence de publicité renommée en ville ; et elle est prise, à condition qu’elle cesse de se laisser aller et qu’elle apprenne au plus vite les ficelles du métier.
C’est aujourd’hui une vérité générale : le milieu de la mode et de la publicité est étouffant. Pourtant pour Cerise, c’est une respiration, un moyen de s’accrocher, de se plonger toute entière dans une tâche qui l’empêche de penser à quoique ce soit d’autre, et surtout pas aux mauvais souvenirs. Elle perd toujours un peu pied, de temps en temps, mais se relève constamment.
Jusqu’à ce que tombe l’ultime coup de massue.
———Astrophel City ; Cerise & Hyacinthe (20 ans)Un coup de fil. Sa mère qui décroche, et son visage qui se décompose au fur et à mesure que l’interlocuteur lui explique que son fils Hyacinthe Martell –aka. Gravityfall– a trouvé la mort sur le terrain lors d’une mission qui a mal tourné. Cerise voit sa mère s’effondrer au téléphone, et c’est comme si elle venait de plonger dans un océan glacé sans fond, et sans aucune lumière pour l’éclairer –
sa lumière, elle est morte, on lui a enlevé.Les circonstances de la mort de Hyacinthe ne seront jamais élucidées.
Tout ce qu’elle sait, c’est qu’encore une fois le système d’Astrophel l’a trahie.
Et cette fois il lui a pris ce qu’elle avait de plus cher au monde.
———Astrophel City ; Cerise (21 ans)Cerise n’a plus de famille.
À la mort de son frère, a suivi le divorce de ses parents qui se remettaient constamment la faute, la culpabilité et les « tu aurais dû… ». Et puis au bout de six mois de disputes interminables, le papier est signé, le mariage est rompu, et Cerise doit dire au revoir à son père qui met les voiles là où il pourra faire son deuil en paix.
Comment faire son deuil après tout quand on a la réplique exacte et vivante de son fils qui vit et parle sous votre nez ?Alors exit Thomas Martell. Ne restent que Cerise et Naomi, Naomi qui se cloître dans une bulle de solitude et de dépression. Les deux hommes de sa vie sont partis, et c’est comme si sa propre fille n’était plus de ce monde à son tour –alors que non putain, Cerise est là, Cerise vit, Cerise parle, elle respire et surtout elle pleure sur les restes brisés d’une famille qui au lieu de s’unir dans l’adversité se fissure en milles morceaux.
Alors quand sa mère lui présente quelques mois après son « nouveau fiancé » et lui annonce qu’elle est enceinte
Cerise explose de rage quand elle lui apprend vouloir nommer Hyacinthe le futur bébé.———Astrophel City ; Cerise (23 ans)Pendant deux ans, elle s’efforce de perpétuer l’oeuvre de Hyacinthe ; elle s’acharne au travail, et monte les échelons pour atteindre une réputation confortable –ni trop reconnue dans la rue, ni pas assez pour être dénigrée des bons défilés. De plus elle a pris contact avec les révolutionnaires de Mist pour pouvoir les rejoindre, la rage au coeur et l’envie de foutre en l’air ce système injuste pour seule motivation ; la vengeance pour seule raison de vivre.
Mais à côté elle s’effondre, elle s’attache aux premiers venus, l’alcool aidant, et pleure les ruptures, même si elle en est la cause. La colère l’aide à se lever le matin certes, mais émousse son âme et son corps.
À vingt-trois ans, Cerise est fatiguée.
À vingt-trois ans, Cerise à déjà pensé à en finir.
Mais à vingt-trois ans, Cerise est sauvée par une lettre qui arrive un matin de mai.
Elle y apprend que sa mère s’est séparée de son dernier fiancé. Que de leur union est né un petit garçon –son demi-frère– et qu’à l’heure actuelle, personne ne pouvait s’en occuper. Que si elle ne se dévouait pas pour le faire, ce seront les foyers et les orphelinats qui le feront.
Cerise n’a pas cherché à y réfléchir raisonnablement. Elle est partie chercher son frère un point c’est tout.
Une fois que les services sociaux se sont assurés de sa capacité à accueillir un enfant d’un an chez elle, et que les papiers sont signés, il lui reste une chose à faire. Changer son nom.
Car avec horreur, elle a découvert que sa mère, perdue dans son chagrin, avait bel et bien nommé son second fils du même nom que le premier –et non, définitivement, il n’y avait qu’un Hyacinthe Martell, c’était son jumeau, son sang, ses tripes, et il était irremplaçable.
Mais puisque c’est l’amour enfin qui guide à nouveau sa vie, c’est d’amour qu’elle renommera l’enfant blond aux yeux noirs comme les siens.
«
Voici les papiers, veuillez signer ici, ici et là s’il vous plaît. Quel prénom avez vous choisis ?—
Solis. Il s’appellera Solis Martell. »
Solis.
Parce qu’il n’y a que lui qui m’éclaire.