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Le PDG de la X-TREM Factory entretiendrait une relation des plus intenses avec sa vice-présidente. On espère que ce n’est pas cette affaire qui a distrait l’ancien Phoenix de son travail et qui a entraîné un manque de sécurité lors de la dernière conférence de presse de l’entreprise où à eu lieu une explosion causant la mort d’un de ses haut-gradés...
Le mystérieux « Mist » dont l’apparition soudaine a récemment secoué la ville serait en fait une association de trolls désoeuvrés voulant profiter de la panique des récents attentats pour gagner plus de popularité sur les réseaux sociaux.
Il paraîtrait que le fondateur de la ville Edward Astrophel aurait été le descendant direct de Diogène, le philosophe grec qui vivait dans un tonneau. Incroyable !
Depuis qu’il s’était levé ce matin-là, Shawn avait un mauvais pressentiment. Cela lui arrivait rarement, n’étant pas le mec avec le plus d’intuition au monde, du coup autant dire qu’il prenait la chose au sérieux quand c’était le cas. Quand il avait cette étrange sensation dans la tête et dans les tripes, il n’était pas tranquille. Aussi, sa sœur et son frère n’avaient pu que remarquer sa mauvaise humeur, essayant d’en savoir plus sans résultat vu que l’adolescent ne voulait pas les inquiéter sans preuves. Après tout, les pressentiments ce n’était pas totalement fiable. Il pouvait très bien imaginer ça, c’était aussi dans sa tête, après tout. Même si une petite voix lui disait que ce n’était pas une erreur cette fois. Il détestait cependant obéir à quelqu’un d’autre que lui-même et il l’ignora donc toute la journée.
Rien de spécial ne se passa pendant le trajet jusqu’à l’école, ni pendant les cours du matin. Enfin, rien d’inhabituel plutôt. C’était en somme une journée scolaire ordinaire. Les cours du matin furent particulièrement barbants ce jour-là et ceux de l’après-midi un peu plus intéressants alors qu’il put utiliser son pouvoir de glace pour une simulation de combat. A croire que si la pression des responsabilités ne s’avérait pas aussi pesante au quotidien, être un héros lui aurait vraiment plu.
Avec un peu de chance, si ses parents n’étaient pas morts, il aurait continué à rêver comme quand il était enfant. Sauf qu’il avait grandi bien trop vite quand l’accident s’était produit, emportant ses tuteurs avec lui. Et maintenant, s’il s’engageait dans cette voie, ce n’était plus vraiment pour lui. Mais plus pour conserver l’image immaculée de son nom, de ses parents. Pour leur succéder, eux qui avaient été de si grands héros adulés de tous ou presque. Ce n’était pas à lui d’être leur héritier, mais comme son grand-frère avait refusé ce rôle, le cadet n’avait pas le choix. Ou du moins, il estimait ne pas l’avoir. Ce qui revenait au même dans le fond.
A la fin des cours, Shawn s’attarda plus longtemps que les autres élèves dans les vestiaires. Son mauvais pressentiment venait de revenir au galop alors qu’il avait réussi à l’oublier jusqu’à présent. Et il n’aimait vraiment pas ça. Rester caché n’était probablement pas la meilleure des solutions s’il voulait savoir ce qui allait lui tomber dessus, surtout qu’il n’était pas un lâche, mais c’était un moyen de défense comme un autre. Aussi, prit-il son temps pour se changer et ranger ses affaires, allant même jusqu’à nettoyer un peu les lieux en ramassant quelques déchets qui n’étaient pourtant pas les siens. Une fois dans le couloir, il s’acheta même une boisson au distributeur, n’ayant pourtant pas soif. Mais il décida quand même d’arrêter de fuir et sortit du bâtiment, l’estomac noué comme rarement.
Ne pas savoir pourquoi ce mauvais pressentiment se montrait si tenace l’angoissait encore plus si possible. De l’extérieur, sa nervosité très inhabituelle ne se voyait pas du tout, mais à l’intérieur il la sentait bien. Devinant ce que sa sœur lui dirait si elle était là, il fit de son mieux pour respirer tranquillement afin de se calmer. Cela marcha. Un peu. Mais alors qu’il s’éloignait enfin du bahut, passant derrière les bâtiments pour rentrer à pied malgré la distance, estimant qu’aller à l’arrêt de bus était trop dangereux aujourd’hui, il vit de grandes silhouettes s’approcher et son estomac se noua à nouveau.
Heureusement, il était rapide avec sa taille et ses grandes jambes, aussi accéléra-t-il le pas, en tenant sa capuche pour éviter qu’elle ne tombe et révèle ainsi, ce qui était souvent la cause de ses brimades. Il sentit son pouvoir crépiter dans ses mains, prêt à s’en servir en cas de réelle nécessité. Ces types, il les avait reconnu. Ils avaient son âge et ils n’avaient pas très bonne réputation, parmi les élèves comme chez les professeurs. Et pour arranger ça, ils avaient l’air de détester tout particulièrement les élèves les plus riches et les plus populaires, venant eux-mêmes de familles assez pauvres et ordinaires. Shawn s’était toujours attendu à avoir affaire à eux, aussi s’était-il étonné de les voir le laisser tranquille.
Il était après tout un des élèves les plus riches et un des plus populaires, si ce n’était le plus populaire. En plus, il était parfois considéré comme une bête de foire au bahut à cause de ses oreilles pointues. Sans compter ses tenues bien différentes de la mode adolescente habituelle. Bref, un tas de raisons pour qu’il soit leur cible plutôt qu’un autre. Mais visiblement, ils n’attendaient que le bon moment et cette pensée lui donna la nausée. Ce genre d’individus jouaient dans une autre catégorie que les petits voyous à qui il avait toujours eu affaire et il savait qu’il ne s’en sortirait pas aussi facilement cette fois. Surtout qu’ils avaient attendu s’il s’éloigne suffisamment des lieux de passage les plus fréquentés pour être tranquilles.
Tout en priant pour qu’un adulte les voie quand même, Shawn décida de se retourner pour leur faire face et ainsi les prendre par surprise. Cela marcha... Pendant quelques secondes. Il réussit quand même à geler un peu le sol, espérant les faire tomber pour pouvoir ensuite s’enfuir. Mais cela ne marcha pas comme prévu, comme souvent. Un coup au ventre le fit se plier en deux et voir des étoiles avant qu’il ait pu faire quoique ce soit d’autre. Il avait beau savoir se défendre un minimum, il n’était pas non plus un expert des combats alors que visiblement c’était le cas de ses bourreaux. Il lutta pour ne pas tomber par terre et se ressaisir, esquivant ainsi un autre coup malgré son état chancelant.
Mais on lui faucha bientôt les jambes et il s’écrasa sur le béton, grimaçant de douleur. A croire qu’il n’était vraiment pas en forme aujourd’hui, d’habitude il s’en sortait quand même mieux. D’instinct, il se roula en boule pour se protéger un maximum et serra les dents en sentant des coups de pieds lui être assénés. Décidément, ils n’allaient pas de main morte aujourd’hui. Mais avant qu’il ait pu y penser davantage, il eut l’impression que quelque chose se passait puisque les coups de pieds s’arrêtèrent. Il lui fallut quelques instants pour reprendre suffisamment ses esprits et une fois que ce fut le cas il aperçut un type qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. C’était lui qui avait détourné l’attention de ses agresseurs et Shawn se sentit étrangement soulagé.
Il ne savait pas si ce type allait tenir face à eux, mais au moins il n’était plus tout seul. Il n’était pas en état pour analyser plus la situation. Il ne savait pas s’il était avec eux ou contre eux, s’il était là pour l’aider ou même s’il allait pouvoir se défendre contre ces adolescents. Le blessé voyait flou et il ne se posa donc aucune question, préférant respirer profondément malgré la douleur pour essayer de récupérer un peu. Nom d’un chien, ça faisait mal ! Se redresser un minimum pour s’appuyer contre le mur derrière lui demander un effort trop grand et sa vision s’assombrit encore plus, sans qu’il perde pour autant conscience complètement.
Un ami apparait toujours quand on s’y attend le moins
Romeo R. Eastwood
Date d'inscription : 24/12/2015 Messages : 599 Dollars : 970 Crédits : bibi pour cette fois Localisation : Hiawatha
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Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo) Mer 26 Avr 2017 - 22:01
être une victime...
Je n’aime pas cet endroit. C’est qu’une école, pourtant, mais je leur trouve toujours comme quelque chose d’un peu malsain — et, si ce n’est pas la mienne, et quand bien même c’est la ô combien prestigieuse école qui formate les Supers de demain, j’imagine que le schéma est le même ici qu’ailleurs. Une représentation de la société en miniature, avec ses leaders, ses moutons et ses victimes. Voilà ce qu’est une école. Une hiérarchie douteuse, une autorité fragile, un lieu d’apprentissage qui devient purgatoire des faibles et terrain de jeu des pires dans le dos des adultes. Pas besoin d’aller voir six pieds sous terre pour avoir un avant-goût de l’enfer. Le pire dans tout ça, c’est que certains n’en réchappent pas ; je suis loin de connaître les statistiques, mais je sais que trop d’adolescents se foutent en l’air des suites de brimades trop virulentes. Le collège, le lycée, c’est le lieu où l’estime de soi, les rêves et les espoirs sont guillotinés à la chaîne et sans vergogne. J’imagine que personne n’en ressort indemne, pas même les loups, mais je mettrais ma main au feu que ceux qui y perdent le plus sont les agneaux — trop gentils, ou trop différents, qu’importe, le système les use et les bouffe. Et si ce n’est pas l’école, c’est le reste, l’extérieur, le travail ou la société toute entière — j’imagine que c’est pas normal, d’être incapable, depuis que j’ai seize piges, de me voir atteindre vingt ans autrement que crevé et enterré.
J’entends le chahut de la fin des cours, les rires, les noms qu’on appelle de loin pour attirer l’attention de l’ami qui s’en va trop vite. On me frôle d’un peu trop près, me bouscule presque ; je suis du regard le jeune perché sur son skate qui file entre les passants, et j’ai l’esquisse d’un lointain sourire au bout des lèvres. Ce serait mentir de dire que je n’ai connu que le pire entre les murs de mon collège public, c’est vrai. J’y ai rencontré les autres, la team, le crew, et Olympe.
« Inséparable » je lâche un jour, sans réfléchir, allongé sur mon lit, elle occupée à gratter des accords sur ma guitare — c’est bien la seule autorisée à la toucher. « Quoi ? » elle lâche, sans même lever les yeux, ce à quoi je réponds un « T’es mon inséparable. » à peine audible, tout à coup conscient de la niaiserie de mes propos. « Pardon ? » elle ricane, en levant les yeux vers moi, moqueuse. « Genre comme ces idiots de piafs qui se laissent dépérir si leur compagnon crève ? » Je me contente de soutenir son regard, sans un mot de plus ; j’ai presque dix-sept ans, et je crois qu’elle comprend, ce jour-là, plus que jamais, son importance à mes côtés.
Une goutte d’eau froide me tombe sur le nez, me fait sursauter en même temps que grimacer. Je la chasse d’un revers de manche, rabat la capuche de mon sweat sur ma tête avant de reprendre mon observation des environs. Le flot de jeunes n’en a pas tout à fait fini de s’échapper de sa prison, et je me surprend à chercher, peut-être, un visage familier dans la foule.
J’abandonne vite, me fond dans la masse jusqu’à m’en écarter, je contourne les bâtiments dans l’espoir de déboucher sur une allée moins fréquentée par les gamins, histoire de pouvoir respirer — juste une dizaine de minutes avant les métros, qui seront bondés à cette heure-ci, évidemment. Au moins le jeu en vaut-il la chandelle — j’ai ma dose pour la semaine.
Je m’apprête à traverser lorsque du mouvement au loin sur ma droite attire mon attention — à ce niveau-là, c’est presque plus une histoire d’intuition de de réel détournement d’attention. Je ne comprends pas tout de suite ce à quoi j’assiste ; j’ai l’impression que c’est mon esprit qui me joue des tours comme d’autres images un peu plus floues viennent se superposer à la scène qui se produit sous mes yeux.
Je me débats, mais on me retient ; j’ai les bras croisés dans le dos, tenus trop fermement pour me défaire de la prise. Ils sont trois, moins celui qui me tient ; deux, l’un rit, l’autre frappe. J’ai le goût du sang dans la bouche, j’en crache au sol ; une douleur me secoue depuis l’estomac, j’ai l’impression que je vais gerber, ça brûle, le bide, le cœur, les yeux — je ne pleure qu’une fois seul dans ma chambre, quand ils sont partis, m’ont laissé à genoux sur le trottoir, quand j’ai balancé une excuse à mes pères, qu’ils n’ont pas crue mais qu’ils ont laissée passer, quand j’ai enfin quitté la table, sans finir le dîner que ce soir, je n’ai pas aidé Marl à préparer. Je pleure pour toutes ces larmes retenues, pour ces muscles endoloris qui me tiraillent, ma faiblesse, mon impuissance — je pleure parce que je suis pitoyable, pathétique, coupable ; mais de quoi ? victime, sans savoir pourquoi.
Je cille, et c’est la colère, la rage qui coule dans mes veines tout à coup, c’est la haine, c’est la rancœur quand je presse le pas dans leur direction, quand je lâche un « hey » une seconde avant de choper l’un des gamins par le col pour le plaquer contre le mur, de lui asséner un coup dans l’estomac, poing serré — ne laisse pas de marque, ne te met pas trop en tort. Ils ont l’air perdu, se sont figés. Je reçois le poing retour sans vraiment reculer ; un croche-patte et une bousculade plus tard, le voilà au sol, et je le surplombe de toute ma taille. J’entends les pas précipités d’un autre que j’esquive avant de le saisir au poignet pour l’immobiliser d’une clef de bras — et c’est plus instinctif qu’autre chose ; les entraînements rudimentaires qui m’empêchent de crever au corps à corps sur le terrain.
Je n’ai pas la carrure, pas la force, mais j’ai la rapidité et la fourberie de mon côté — le fiel, aussi. « Dégagez. Sinon j’appelle les flics. » je siffle, à peine assez fort pour qu’ils m’entendent tous. Ils se jettent des regards en biais, et c’est peut-être mon air un peu trop sérieux dans mes menaces qui finit par les faire fuir. Celui au sol se relève, s’éloigne ; celui que je retiens se débat et je le lâche pour le laisser s’évader avec les autres. J’attends qu’ils disparaissent à l’angle du bâtiment pour me tourner vers toi. T’es toujours à terre, t’as l’air un peu sonné, pas trop amoché au niveau du visage — t’as limité la casse, j’imagine que t’as un bon instinct de survie. Je m’approche de toi, m’accroupis pour être à ton niveau, avance ma main pour la poser sur ton épaule. « Hey, ça va ? Rien de cassé ? » J’ai parlé doucement, pour ne pas te brusquer ; j’ai déjà mon téléphone dans la main, prêt à composer le numéro des urgences si nécessité se présente. « Tu peux te lever ? »
La première chose qui s’imposa à l’esprit de Shawn c’était qu’il avait mal. Sacrément mal, nom d’un chien ! Ensuite, il songea que ceux qui lui avaient fait ça le payeraient très chers s’ils recroisaient sa route un jour. Il n’était pas particulièrement rancunier, mais ce serait trop facile de les laisser s’en tirer ainsi. On ne tabassait pas les gens pour son simple plaisir. Mais Shawn ne pensait pas être capable de leur rendre la monnaie de leur pièce sans finir à l’hôpital, aussi se contenterait-il de porter plainte au commissariat. Ce serait nettement plus mature et le jeune homme ne voulait pas s’abaisser à leur niveau, même si ce ne serait pas aussi satisfaisant que s’il se débrouillerait tout seul comme un grand. Mais le blond n’avait aucune envie de finir à l’hosto ou même au cimetière pour sa simple fierté.
Sa vision devint moins floue au fur et à mesure qu’il reprenait ses esprits ainsi que son souffle. Il avait toujours diablement mal, mais au moins il était sûr maintenant de ne plus s’évanouir. Ce qui était quand même nettement mieux. Autant pour sa santé que pour observer son sauveur qui vérifiait que ses agresseurs partaient bel et bien. La victime se demandait bien pourquoi on avait perdu son temps pour l’aider. Parce qu’on l’avait reconnu et qu’on espérait en tirer un avantage ? C’était la raison la plus plausible et si c’était le cas cela le dégoûtait d’avance qu’on puisse vouloir profiter de lui et de son nom ainsi. Mais il y avait aussi la possibilité que son sauveur ne l’ait pas reconnu et fasse ça sans arrière-pensée. C’était improbable dans ce monde d’hypocrisie, mais pas impossible. Un rictus apparut sur les lèvres de Shawn alors qu’il était toujours appuyé contre le mur. C’est beau de rêver. Pourtant, une partie de lui se surprit à espérer que pour une fois il était tombé sur un chic type qui ne pouvait simplement pas laisser quelqu’un se faire tabasser sous ses yeux.
Les types étaient tous partis d’après ce qu’il arrivait à percevoir de son environnement. Il était encore un peu dans le brouillard, mais ça pouvait encore aller vu les circonstances. Il avait eu de la chance, il le savait. Heureusement qu’il avait un minimum de réflexes et un ange gardien. D’ailleurs, ce dernier s’approcha de lui et Shawn ne put s’empêcher de se raidir un peu. Encore un réflexe de survie. Même si ce gars ne devait pas lui vouloir du mal, c’était plus fort que lui. Néanmoins, le blond apprécia les précautions du type pour ne pas l’effrayer. Il retint un sarcasme sur cette douceur peu virile, s’empêchant de se calmer par la moquerie, c’était bien trop bas pour un Anderson, ses parents auraient eu honte de lui. Et il pouvait parler avec ses vêtements d’un style indien et ses oreilles d’elfe qui n’étaient plus cachées par la capuche depuis longtemps.
La main sur son épaule était étrangement réconfortante et il hocha lentement la tête pour dire que ça allait. Après tout, il avait connu pire. La douleur ce jour-là quand il avait appris de la bouche de son propre frère leur mort avait été bien pire que celle qui fusait dans tout son corps en ce moment même. Il n’arriva pas à parler tout de suite, probablement encore sous le choc et ce malgré toute sa force intérieure. Par contre, il parvint parfaitement à voir le téléphone dans la main de l’inconnu et cela ne lui plut pas quand il devina ce qu’il voulait faire.
- Pas besoin d’appeler les urgences, je vais bien, articula-t-il difficilement.
Non, il n’allait pas bien, mais ce n’était pas à ce point. Et il n’avait vraiment pas envie de quitter l’endroit sur une civière et encore moins d’inquiéter sa fratrie qui paniquerait à coup sûr si les secours les appelaient. Il tenta de se lever sans pouvoir cacher sa grimace de douleur, mais sa tête lui tourna et il renonça pour le moment. Génial, son ange gardien n’allait jamais croire que ça allait et il allait sans doute l’embêter à insister pour appeler les urgences.
- Merci, sans toi je ne sais pas comment ça se serait fini.
Le remerciement était sorti naturellement, sans même qu’il y pense. C’était rare qu’il soit sincère, surtout pour remercier quelqu’un, mais si cela se trouvait il lui devait la vie. Et même lui n’était pas assez ingrat pour ignorer cela. Il se força à sourire pour rassurer ce type qu’il ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam. Il se sentait un peu curieux, il voyait bien à présent que l’autre était plus âgé que lui et qu’il ne venait probablement pas de l’Académie, même s’il ne pouvait pas l’affirmer à cent pour cent. Qui était-il ? Shawn avait toujours été très curieux et il se retint de bombarder l’autre de questions. Quoique ce serait un bon moyen de détourner son attention de son état. Mais il opta finalement pour autre chose, suivant comme bien souvent son instinct.
- Je suis Shawn. Et toi ?
Bien sûr qu’il n’allait pas dire son nom. Il sentait qu’il avait peut-être enfin une chance pour qu’on se comporte avec lui naturellement, il n’allait pas la gâcher. Même si son sauveur n’avait pas l’allure des personnes qui baisaient les pieds des types célèbres, on n’était jamais trop prudents. En tout cas, le blond aimait bien son allure de voyou. C’était plutôt ironique de se faire agresser par certains et de se faire sauver par un autre. Sa mère lui avait toujours dit de ne pas se fier aux apparences, qu’elles étaient plus trompeuses que n’importe quoi d’autre et il trouvait qu’elle avait bien raison. Il en était le parfait exemple, après tout.
- C’est vraiment sympa de m’avoir aidé. Beaucoup de personnes se seraient contentées de passer leur chemin en faisant comme si elles ne voyaient rien...
Il y avait une certaine amertume dans la voix du jeune homme et on pouvait aisément deviner que ce n’était pas la première fois qu’il lui arrivait un truc pareil. Vraiment, l’hypocrisie c’était ce qu’il détestait le plus au monde. A se demander comment il pouvait aussi souvent en abuser. Pour l’image de ses parents et de sa famille, il jouait un autre rôle que le sien. Parce que si tout le monde connaissait le vrai Shawn Anderson, sans nul doute qu’ils ne l’apprécieraient pas autant. Et oui, certaines personnes ont une bien piètre image d’eux-mêmes, que voulez-vous. Cette amertume qui englobait tout son être était une de ses caractéristiques premières, presque un indice pour le reconnaître. A se demander si quelqu’un parviendrait un jour à l’effacer...
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Romeo R. Eastwood
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Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo) Jeu 27 Juil 2017 - 22:37
être une victime...
« Pas besoin d’appeler les urgences, je vais bien. »
A d’autres. Si tu vas bien, tu n’en as pas l’air, tes gestes contredisent tes mots quand ils sont bancals, maladroits. C’est peut-être un vertige qui te saisit, je ne sais pas ; tu restes assis à même le sol quand tu semblais pourtant vouloir t’arracher au bitume. Malgré l’inquiétude, un rictus — trop de fierté, peut-être ? Ou d’autres raisons cachées, je ne sais pas, je m’en fous. T’as de la chance, je ne suis pas de ceux qui essaieront de t’avoir à l’usure pour t’embarquer dans une ambulance — parce que je hais les hôpitaux, les murs trop blancs, les odeurs d’antiseptiques, les infirmières et leur sourire surfait ; puis j’aurais trop peur d’y croiser mon père, j’aurais l’air fin, j’aurais l’air con, j’aurais trop peur qu’il devine la drogue dans la poche arrière de mon jean. J’ai fui pour ne plus leur infliger ça, j’aimerais autant limiter les hasards malencontreux.
« Merci, sans toi je ne sais pas comment ça se serait fini. — Y’a pas d’quoi. »
J’ai pas de mérite ; j’suis pas un connard fini, j’ai des principes, puis un vécu, c’est l’expérience qui parle, c’est l’instinct, c’est la rage d’antan. Les coups que je n’ai pas pu donner à ceux qui m’acculaient dans les recoins, je les donne à ceux qui s’en prennent à d’autres, je les donne à tous ces lâches qui croisent ma route, ces moutons, ces brebis qui se croient lions face à souris. Je connais trop ça, d’être la proie de ces imbéciles qui ignorent tout de leur bêtise. J’pouvais pas les laisser faire.
« Je suis Shawn. Et toi ? — Romeo. — C’est vraiment sympa de m’avoir aidé. Beaucoup de personnes se seraient contentées de passer leur chemin en faisant comme si elles ne voyaient rien... »
Je fronce les sourcils, légèrement ; le ton employé me dérange, trahissent d’autres mots que tu ne prononces pas. Comme de la rancoeur, de l’amertume de celui qui en a déjà trop vu de ces choses-là — de la stupidité des gosses, de leur méchanceté, le harcèlement qu’on tait par honte ou parce que personne n’écoute. On parle de querelles d’enfants qui passeront bien un jour — on ferme les yeux sur leur potentiel destructeur, on laisse couler en se disant que ça finira bien par les endurcir, par leur mettre du plomb dans la tête, à ces gamins. A quel prix ?
« J’ai pas pour habitude de lever l’nez vers le ciel quand j’croise des connards. »
Je me redresse, juste assez pour ranger mon téléphone dans ma poche — finalement, tu m’as tout l’air d’avoir la tête un peu plus solide que je ne le pensais —, balaie ma capuche d’un revers de la main pour qu’elle retombe dans ma nuque, puis je repose les yeux sur toi. T’es qu’un mioche, quoique tu dois n’avoir que trois ou quatre ans de moins que moi à tout casser, j’dirais, comme ça, au pifomètre. Je me relève, recule d’un pas, sans me dérober ;, je tire une cigarette de mon paquet déjà bien entamé, l’allume, tire une taffe dont je laisse échapper les volutes de fumée dans l’air frais de la fin d’après-midi.
« C’est régulier ? je lance, finalement, quand j’en ai assez ; j’estime être en droit de savoir un minimum la situation de laquelle je viens de te tirer. Tu me dois bien ça, pas vrai ?Je veux dire, ils s’en prennent régulièrement à toi ? Au point de te frapper comme ils le faisaient, là ? »
Vas-y, fais-moi rêver donne-moi une énième bonne raison d’vouloir leur péter les dents.
Non, Shawn n’irait pas à l’hôpital. Ce serait sans doute plus prudent, ces types ne l’avaient pas raté même si son sauveur et lui avaient limité la casse, mais il n’en avait pas envie. Oh, il faisait souvent des choses qu’il ne voulait pas faire. Aller à toutes ces réceptions, jouer les hypocrites, porter ce fardeau sur ses épaules... Il s’en serait bien passé s’il avait le choix. Mais voilà, il ne l’avait pas de son noble avis. Cela ne concernait pas que lui, cela concernait sa famille, leur honneur, leur réputation... Ces derniers étaient déjà ternis par la mort de leurs parents, c’était donc aux aînés qu’incombait la responsabilité de les faire de nouveau briller. Et comme son frère faisait parti de la résistance et que comme sa sœur jumelle il ne comprenait pas pourquoi c’était si important, Shawn devait le faire.
Donc oui le cadet Anderson n’en avait pas envie, mais avait-il seulement le choix ? Lui n’y croyait pas. Cela ne concernait pas que lui et il n’était pas aussi égoïste que ce que les apparences laissaient paraître. Surtout que la fierté, l’honneur et la réputation étaient des valeurs importantes à ses yeux. Sa fratrie n’en avait peut-être rien à faire de leur image, de la sienne, de celle de la famille, mais ce n’était pas son cas. Alors oui, il faisait parfois des choses dont il n’avait pas envie, sauf que c’était une chose de sauvegarder son image et une autre de mettre les pieds dans un hôpital. Shawn n’avait rien contre les hôpitaux, ils sauvaient des vies et le monde serait bien embêté sans eux. Mais il n’aimait pas y mettre les pieds pour autant. En même temps, vous connaissez des gens qui adorent y aller ? C’est bien ce qui me semblait.
Plus l’elfe évitait ce genre d’endroits, mieux il se portait. L’odeur de désinfectant le prenait à la gorge, tant de blanc lui donnait la migraine et il n’appréciait pas du tout de se faire prendre pour un gamin par le personnel médical. Sans compter que ce serait difficile de dissimuler son identité et qu’il aurait droit aux sourires mielleux et aux meilleurs traitements juste parce qu’il pouvait payer cher. Ce système le dégoûtait, alors autant l’éviter quand il pouvait se le permettre. Comprenez qu’il n’y entrera jamais tant qu’il ne se videra pas de son sang ou sera plongé dans le coma. En tout cas, il était prêt à se battre si son sauveur insistait pour l’y emmener. Les dents serrées, il attendit sa réaction, prêt à montrer les crocs, malgré toute sa reconnaissance. S’il y avait bien quelque chose qu’il détestait, c’était d’être forcé.
Heureusement, l’autre ne sembla pas en avoir envie et le laissa tranquille. Tant mieux, Shawn se sentait trop vidé pour se battre, même si cela ne l’aurait pas arrêté. Il n’était pas assez mal pour l’hôpital, il avait ce qu’il faut à la maison et pourrait très bien se débrouiller seul. A la limite, si son aîné était présent ce soir, le cadet lui demanderait de l’aider. Joshua serait sans doute mécontent, mais il n’insisterait pas pour qu’il voie un médecin comme Raven le ferait sans nul doute si elle apprenait son état. Il n’y avait pas plus surprotectrice qu’une sœur jumelle. Et si le fils Anderson adorait sa sœur, il avouait sans problème qu’elle l’embêtait dans de pareilles situations. Enfin, il était inutile d’y penser pour l’instant. Il avait toujours été doué pour dissimuler des choses aux autres, après tout.
La première chose qui traversa l’esprit de Shawn quand il quitta ces pensées-là fut que son chevalier servant était peu bavard. Ou plutôt d’après son ressenti qu’il ne s’embarrassait pas de paroles inutiles. Cela allait très bien au miraculé. Sa tête était encore trop engourdie pour qu’il se perde dans de grands discours. Et cela le changeait agréablement de ceux des bourgeois. La simplicité manquait cruellement dans son monde. Même si certaines personnes l’aidaient à briser les codes pesants de l’aristocratie, comme Jude ou encore son sauveur. D’ailleurs, en parlant de ce dernier, il se présenta à sa suite comme le voulait les bonnes manières dans un monde civilisé. Ce qui était encore à prouver dans ce monde pourri.
Romeo. Un sourire en coin apparut sur ses lèvres et il regarda l’autre garçon avec un certain amusement quelque peu moqueur. Néanmoins, il ne fit pas de remarque, ce n’était pas la peine, l’autre devait se douter de ce que son nom suscitait chez les autres. Le blond trouvait ça hilarant, notamment. Mais il fallait avouer que ce prénom était classe d’une certaine façon. Bien que l’œuvre soit un peu trop dramatique – dans le mauvais sens du terme – à son goût. Enfin, il ne fallait pas juger quelqu’un ou quelque chose sur sa couverture, il était bien placé pour le savoir. Ses yeux bleus fixaient maintenant avec une certaine intensité l’autre gars, comme s’il voulait lire en lui, ce qui était probablement le cas.
Cela faisait longtemps que quelqu’un ne l’avait pas intrigué. Probablement parce qu’on ne lui sauvait pas souvent la mise comme ça. A croire qu’il était toujours aussi déconcerté quand on sauvait sa peau. Ce qui n’était franchement pas normal, vous en conviendrez. D’ailleurs, vu le froncement de sourcils de son héros du jour, il devait penser un truc du genre. En tout cas, il n’approuvait pas, c’était clair et net et sans vraiment sans rendre compte, un poids quitta les épaules du blond, comme s’il se sentait tout d’un coup moins seul. Une esquisse de sourire apparut furtivement sur ses lèvres aux paroles qui suivirent et il décida enfin à se lever. Son corps grinça un peu, protestant sans doute, mais il n’allait pas rester au sol comme un faible plus longtemps.
Néanmoins, il se releva prudemment lentement, pour s’assurer qu’il ne retomberait pas d’un coup par terre, ce serait franchement idiot. Une fois debout, il bougea un peu les bras, les jambes, la tête pour s’assurer qu’il était en un seul morceau. Bon, il devait avoir des hématomes et une certaine douleur dans tout le corps, mais cela aurait pu être bien pire.
- Tu m’en vois heureux.
Sa voix n’était pas teintée de son ironie habituelle, sans doute à cause de sa reconnaissance toujours présente. Il était parfaitement conscient qu’il avait eu de la chance et que sans Romeo il aurait probablement fini à l’hôpital. Voir même dans un cercueil, dans le même cimetière que ses parents. Ce qui n’était pas très réjouissant, vous en conviendrez. L’autre se redressa aussi et rangea son téléphone, ce qui provoqua un certain soulagement chez l’Anderson. Au moins, il était sûr maintenant qu’il n’appellerait pas les secours. Pardonnez-lui sa légère méfiance, elle n’était due qu’à l’habitude. Romeo enleva sa capuche et Shawn put enfin l’apercevoir en entier. Il devait être un peu plus vieux, mais pas de beaucoup et ce n’était pas complètement flagrant.
Le blond fronça les sourcils quand il sortit une cigarette. Il n’était pas vraiment un fan de ces choses, c’était même tout le contraire. Néanmoins, il ne dit rien, un peu trop conscient de la dette qu’il avait. Il se contenta de plisser quelque peu le nez quand il sentit l’odeur désagréable et de remettre sa capuche qu’il avait failli oublier. L’autre n’avait pas l’air d’avoir fait attention à ses oreilles si inhabituelles, mais c’était devenu un réflexe, une habitude très bien ancrée. Il espérait que Romeo ne ferait aucune remarque, sur ses oreilles comme sur la capuche, il était trop fatigué pour s’expliquer et n’en avait pas vraiment envie. Ses sourcils se froncèrent davantage encore quand il reprit la parole, il ne fallait pas être un génie pour comprendre où il voulait en venir.
- Quelque fois. Mais ce n’est pas toujours eux. En général, ça ne va pas très loin...
En général. Cela prouvait bien que parfois cela allait plus loin. Mais Shawn n’avait pas l’habitude de se plaindre et encore moins de rapporter. Oh, ça serait tellement facile avec son nom, le favoritisme dont il faisait l’objet auprès de la majorité des adultes au bahut et même parfois de la société. Trouver un ou deux flics qui avaient été fans de ses parents, cela devait être possible et peut-être même facile. Mais il n’avait pas envie de s’abaisser à ça. Il préférait croire qu’il n’avait besoin de personne, qu’il pouvait gérer tout seul comme un grand. Et jusqu’à maintenant cela ne lui avait pas trop mal réussi, en espérant que ça dure... Shawn détestait avoir des dettes.
- Faut croire qu’ils n’apprécient pas le favoritisme dont je fais l’objet à cause de la célébrité de mon nom.
Cela lui avait échappé. L’amertume dans son ton également. Ses dents se serrèrent face à cet instant de faiblesse. Peut-être était-il plus ébranlé que ce qu’il avait cru. Et qu’il en souffrait plus que ce qu’il voulait bien admettre. Ses épaules se haussèrent, plus pour se donner une contenance que par réelle indifférence. Ses yeux se perdirent dans le vague alors que des souvenirs l’assaillaient. D’enfance heureuse, de brimades, de tragédie, de solitude. Il secoua la tête pour les effacer et tourna le dos au châtain pour passer une main sur son visage sans être vu. Il n’allait pas si bien que ça, mais ce n’était pas grave. Il avait l’habitude. Et il n’avait pas encore suffisamment jeté sa fierté aux oubliettes pour demander de l’aide. Oh, il acceptait celle qu’on lui donnait comme aujourd’hui, mais ce n’était parce qu’il la demandait.
Romeo devait se demander de quoi il avait parlé et dans d’autres circonstances cela l’aurait sûrement fait sourire. Il se retourna à moitié pour le fixer, attendant sa réaction avec quelque peu d’incertitude. Les réactions des gens quand ils apprenaient qui il était – même s’il ne l’avait pas encore dit – étaient souvent les mêmes et pas très agréables car trop hypocrites, trop intéressées. Et si Romeo n’avait pas l’air d’être de ce genre, le blond y était trop habitué pour s’en rendre compte.
Un ami apparait toujours quand on s’y attend le moins
Romeo R. Eastwood
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Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo) Lun 7 Aoû 2017 - 1:51
être une victime...
« Quelque fois. Mais ce n’est pas toujours eux. En général, ça ne va pas très loin... »
En général. En général. Quelques fois, c’est déjà de trop, une seule et faudrait leur faire la fête, leur faire la peau, qu’ils ferment leur gueule et qu’ils comprennent les conséquences de leurs actes, qu’ils saisissent la peur, la douleur et les dommages, les cicatrices qui suivent, internes ou externes, plus ou moins visibles, dissimulées ou marquées. Faudrait qu’ils sachent, faudrait qu’ils souffrent, faudrait qu’ils remballent, une bonne fois pour toutes.
Mais c’est moi qui remballe, mes idées noires, mes idées violentes, mes pensées qui gueulent douleur, qui gueulent revanche. J’me rends compte des poings serrés quand j’les relâche, de la mâchoire tendue quand elle se fait douloureuse, des nerfs à fleur de peau quand je frissonne — vent glacial à l’intérieur, vide intense entre les parois de verre où résonne l’ouragan en une cacophonie silencieuse.
Fixette sur les yeux ; prunelles océan, quelque chose d’apaisant. Calme apparent, c’est physique et ça gagne le dedans, je laisse tomber, creux béant au bord de la haine, au bord de la rage. Debout, je te dépasse encore, distance suffisante pour n’avoir pas l’air de te regarder de trop haut. La cendre tombe, la cigarette se consume entre mes lèvres quand j’avale une nouvelle bouffée de poison — la recrache dix secondes plus tard, en prenant soin de ne pas envoyer la fumée en direction de ton visage ((grimace repérée)).
« Faut croire qu’ils n’apprécient pas le favoritisme dont je fais l’objet à cause de la célébrité de mon nom. »
Je hausse un sourcil ; tu te plains ou tu te vantes ? Question d’une seconde — celle d’après, y’a cette tension dans ton corps, et l’acidité dans ta voix, ça me claque à la gueule, les émotions à la volée plus vives que le filtre de l’esprit. La tête penchée, je t’observe te détourner, et y’a dans tes gestes comme cette détresse, et empressement à sauver la face, préserver l’image, garder la fierté intacte ; y’a ce besoin de reconstruire les murs de la barricade qui s’effrite béton armé entre le reste du monde et ton être.
Inspiration meurtrière, fumée épaisse dans le jour gris.
« La célébrité de ton nom ? »
J’sais pas d’quoi tu parles, gamin. J’sais pas qui t’es, jamais entendu parler d’un quelconque Shawn avant toi, et tu pourrais me sortir n’importe quel nom de l’usine à Supers — parce que c’est ça, pas vrai ? — qui soit que je suis presque sûr que ça ne me dirait rien.
« J’ai aucune foutue idée de c’que t’entends par là, mais sache que j’m’en fous. »
J’sais pas d’quoi tu parles, mais la solitude qui émane de toi, qui s’écoule par tous les pores de ta peau, celle-là, j’peux t’assurer que j’la connais. Je sais ce qu’elle est, ce qu’elle signifie ; je sais ce qu’elle représente, partie émergée de l’iceberg. Le reste est encore moins glorieux, encore moins heureux — y’a comme un étrange écho, j’me demande quel âge t’as, quelle douleur tu connais, j’voudrais te dire tiens bon mais j’sais pas dire les mots qu’il faut aux inconnus.
« Sérieux, tu peux être le fils de n’importe quel roi, de n’importe quel héros, de n’importe quel financier ou de n’importe quel Président, j’m’en fous, j’ai même pas envie d'le savoir, je hausse les épaules, tire les deux dernières taffes de ma clope avant de l’écraser sous mon talon. C’est complètement con d’juger la personne sous prétexte d’un nom. »
J’ai jamais été doué quand il s’agit d’être sérieux, de dire les bons mots au bon moment, les choses qu’il faut quand on les attend, les choses qui font du bien quand c’est ce dont on a besoin — j’sais pas les assembler pour en faire quelque chose de concret en dehors des chansons.
« Ça doit craindre d’n’être que le fils de. »
J’peux pas comprendre, j’peux pas le vivre, mais j’ai toujours eu ce don de me fondre en les autres pour les saisir, d’une façon ou d’une autre, me perdre en eux l’espace d’un instant, partager leur peau quelques secondes, à peine ce qu’il faut pour effleurer du bout des doigts le mal-être, ce qui étouffe et qui tue, ce qui blesse et condamne. Tu n’y échappes pas, gamin, en toi aussi j’ai lu les fêlures d'une vie à l’instant.
Shawn avait l’impression que Romeo était furieux en cet instant. Mais pas contre lui, il le devinait sans savoir vraiment d’où venait cette intuition. Contre qui alors ? Ceux dont il avait fait allusion ? Avait-il deviné qu’il était le bouc émissaire préféré de certains au bahut et qu’il en souffrait plus que ce qu’il montrait au quotidien ? Peut-être. Et le blond en était déconcerté. Non, vraiment, il n’avait pas l’habitude qu’on se soucie de lui ainsi, de manière sincère en dehors de sa famille. Et encore moins qu’on se mette en colère pour lui. Il ne savait pas vraiment comment réagir. Ou même ce qu’il devait ressentir. Du soulagement parce que ça faisait du bien d’être compris, de l’arrogance du genre « je suis capable de me débrouiller tout seul », de la peur qu’il s’attire des ennuis ou encore de la reconnaissance.
Non, il ne savait pas. Et il n’avait pas l’habitude d’être pris au dépourvu ainsi. Il ne le remercia pas, autant parce qu’il sentait que l’autre ne serait pas d’accord que pour sa propre fierté. Néanmoins, la lueur de reconnaissance qui éclaira ses yeux un instant voulait probablement tout dire. Son aîné était aussi plus grand que lui, mais Shawn ne se sentait pas écrasé en sa présence comme avec certains. Celui-là ne cherchait pas à le dominer ou à le prendre de haut. Cela le faisait bien rire à chaque fois. Le prendre de haut, vraiment ? Il était probablement un des élèves les plus riches et les plus célèbres du bahut. Peu lui arrivaient à la cheville, c’était une certitude. Contrairement aux apparences, Shawn n’était pas quelqu’un d’arrogant de nature.
Fier, oui, mais arrogant ? Seulement avec ceux qui le méritaient comme ces idiots jaloux ou pire ceux encore plus arrogants que lui pour croire qu’ils étaient à son niveau, qu’ils le surpassaient. Shawn ne cherchait jamais les ennuis à l’Académie, c’était eux qui le trouvaient et il n’aimait pas se faire marcher sur les pieds. Mais en même temps, il voulait prouver qu’il n’avait pas besoin des autres pour s’en sortir. Il était peut-être un bourgeois et une célébrité, mais il savait se débrouiller. Peut-être qu’en réalité il était vraiment arrogant, qui sait. Le blond reporta son regard vers Romeo et remarqua qu’il fumait ailleurs que vers lui. Il avait probablement remarqué que son cadet était incommodé par la fumée, tant mieux. Shawn n’avait pas envie de se faire tuer de cette manière, avec ce poison dans ses poumons. Ce n’était pas assez classe à son goût.
Le jeune homme était bien conscient que l’autre gars ne pouvait pas comprendre ce qu’il venait de dire. Il n’avait pas l’air d’être du bon milieu pour cela. Et si cela aurait pu sonner comme une insulte pensée par un autre, ce n’en était pas une venant de Shawn, bien au contraire. Il était presque jaloux, il aurait aimé appartenir à un monde moins aveuglant, moins hypocrite, plus vrai, aussi dur soit-il. Bien sûr, il ne pouvait pas être certain de la classe sociale de Romeo, mais il avait fréquenté assez de beau monde pour savoir qu’il était improbable qu’il en fasse parti. Et le fait qu’il n’avait pas l’air de savoir qui il était confirmait presque à lui seul ce fait. Dans ce milieu, quasiment tous connaissaient sa tête. Et puis, il le devinait, son intuition visait souvent juste et il avait appris à s’y fier en plus des preuves.
Alors ouais, Romeo ne devait rien comprendre à son charabia. Et étrangement, cela faisait du bien. Il aurait peut-être dû se vexer, mais il ne ressentait qu’un profond soulagement. Quelqu’un ne le connaissait pas. Quelqu’un le considérait pour ce qu’il était, pour ce qu’il voyait et non par les apparences. Ou un simple nom qu’il avait hérité de parents célèbres. Les poings de l’elfe se serrèrent sans qu’il ne s’en aperçoive vraiment. Il ne l’avait jamais vraiment réalisé, mais cela lui pesait de n’être qu’un fils de aux yeux de presque tout le monde. Il était fier d’être le fils de ses parents, n’en doutez pas, mais à la longue c’était vachement pesant. Il tressaillit de manière invisible quand l’autre déclara qu’il s’en foutait. Il avait raison, ils se connaissaient à peine. Pourquoi s’intéresserait-il plus à lui ? Le châtain en avait déjà fait beaucoup. Bien plus qu’il ne le méritait et espérait, sans doute.
- Ouais, t’as raison. C’est rien d’intéressant en plus.
Rien d’intéressant. Juste son histoire, juste son fardeau trop lourd pour ses frêles épaules. Mais c’était justement son histoire, son fardeau et il ne voulait imposer à personne de les porter avec lui. Probablement qu’il avait assez embêté Romeo comme ça, il ne pouvait rien lui demander. Et puis, il en était incapable, de demander de l’aide, de craquer sur l’épaule d’un autre, d’avouer sa souffrance, de pleurer ses parents, d’avouer qu’ils lui manquaient horriblement, qu’il en voulait à son frère, à sa sœur, pour le laisser porter tout ça seul. Il était trop fier et surtout trop faible pour cela. Son regard azur se posa sur le mégot au sol, mais il ne dit rien cette fois non plus. S’il était en forme, il aurait probablement fait une remarque sarcastique voir hautaine sur le fait qu’on ne laissait pas sur le sol ses déchets, mais il ne l’était pas et il n’en avait pas envie. Ce type, il lui en était reconnaissant.
Un sourire maussade apparut sur ses lèvres. Con, ouais. Bien sûr que c’était con. Mais dans la haute société il n’y avait pratiquement que cela, Shawn le voyait depuis longtemps. Généraliser, c’était sans doute mal, mais il en avait malheureusement fait l’expérience. Plus ils étaient riches et plus les gens prenaient la grosse tête et devenaient idiots. Ils en cherchaient toujours plus quand ils goûtaient à la valeur de l’argent. Et ce sur le dos des simples gens ou des gamins comme lui. Heureusement que lui était sans doute un peu moins idiot que la plupart de ses semblables. Quoique, le fait de jouer un autre rôle que le sien était probablement idiot aussi. Il laissait tout cela le contaminer comme les autres au fond.
Ses yeux vides se posèrent à nouveau sur Romeo et se remplirent d’un peu de reconnaissance et de soulagement à nouveau. Ce type savait décidément mettre du baume sur ses blessures, que ce soit involontaire ou volontaire il s’en foutait. Cela faisait drôlement du bien. Et il était assez intelligent pour se l’avouer, à défaut de l’avouer aux autres. Son corps s’en chargeait à sa place pour ça. Il haussa les épaules, mais plus que d’exprimer une indifférence que décidément il ne ressentait pas cette fois, ce simple geste exprima un immense fatalisme. Ça craignait, ça craignait horriblement, mais que pouvait-il faire ? Probablement rien. Il n’en avait aucune foutue idée en tout cas. Il aurait tellement voulu changer de vie, mais il n’y avait pas que lui dans l’histoire.
Sa fratrie ne voudrait pas partir de la ville et il avait ses propres études, ses propres responsabilités. Mais il aurait tout donné pour pouvoir partir loin d’ici et devenir enfin celui qu’il était sous ses couches d’hypocrisie, de mensonges et de faux semblants. Vivre à la campagne sans doute, dans une ferme peut-être, entouré d’animaux, avec quelques passages seulement en ville. Cette dernière l’avait toujours étouffé, même s’il savait diablement bien le cacher. Faire plus de natation pendant son temps libre, aussi. Cela lui manquait, il n’avait que peu de temps à consacrer à son sport. Tout comme regarder le ciel, bien trop souvent assombri par la pollution de l’atmosphère ou cachée par les gratte-ciels à son goût. Ouais, changer de vie, ce serait cool, mais on n’avait pas toujours ce qu’on désirait, pas vrai ?
- Ouais, je suppose que ça craint.
Il y avait une telle amertume dans sa voix que Shawn ne se reconnut pas là tout de suite et ses épaules ne se haussèrent pas cette fois. Il était fataliste, mais il se sentait vidé et vide comme jamais. Il ne pouvait pas faire comme si de rien n’était cette fois. Car ce n’était pas vrai, ce n’était que mensonge. Le rire qui sortit de sa gorge était tout sauf joyeux, mais amer, cassé, vide. Etait-il en train de craquer ? Peut-être. Il ne savait pas vraiment. Il ne savait pas vraiment ce qui lui arrivait là tout de suite. Peut-être une crise de panique, voir de folie, qui sait. Il n’était pas à ça près. Sa main passa sur son visage comme pour effacer son immense fatigue, ses souffrances intérieures et sa lassitude. Il était tellement vide en cet instant.
Un frisson traversa son corps car il commençait à faire froid à cette heure de la journée, mais il s’en rendit à peine compte. Brisé, tel était probablement au final le meilleur mot pour le désigner. Un homme brisé désespérément seul. Du moins, c’est ce qu’il croyait, car il ne l’était peut-être pas autant que ça, n’est-ce pas ?
Un ami apparait toujours quand on s’y attend le moins
Spoiler:
Je pensais pas que Shawn se laisserait tant aller dans ce rp, mais faut croire qu'avoir quelqu'un qui le comprend pour la première fois ça aide xD j'espère que t'as assez d'éléments pour répondre, si c'est pas le cas tu me fais signe :B je pensais qu'ils pourraient peut-être aller se réchauffer dans un café (ou un bar *tousse*) pour la suite du rp. Shawn est pas vraiment en état de prendre l'initiative ou de rester seul là tout de suite xD et puis j'aime trop ce rp pour arrêter là *out* mais faut voir si t'es d'acc 8D
Romeo R. Eastwood
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Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo) Jeu 14 Déc 2017 - 9:47
être une victime...
« Ouais, je suppose que ça craint. »
Et j’ai ce sourire au bord des lèvres, désolé et presque triste ; un sourire sans joie, un sourire pour remplir les vides que je ne peux combler autrement. L’amertume de ta voix ne m’échappe pas, ton être tout entier suinte de ce mélange de rage, de douleur, d’autre chose que je ne saisis pas tout à fait mais qui se lit dans tes yeux — et j’aimerais avoir les mots, ceux qui sauvent et recollent les morceaux, j’aimerais être capable de plus que ce que je fais déjà ((pas grand chose en soi)). Mon impuissance me tue — la même qu’à l’époque, s’agissait de serrer les dents, de rendre les coups tant que c’était possible, puis de fermer les yeux et d’attendre que ça passe, laissé derrière un bâtiment ou sur le trottoir. Trop honteux pour parler, pour avouer — une faille parmi tant d’autres qu’il fallait cacher.
« Te mine pas, je lâche après un soupir, qui soulève un écran de buée dans l’air frais. Ça aussi ça craint. »
Plus facile à dire qu’à faire — je ne le sais que trop bien. Je ne te dirai pas que tout ira mieux, j’te balancerai pas ces formules toutes faites façon la roue tourne ou mieux encore le karma s’en chargera bientôt, parce que la vie ne fonctionne pas comme ça ; la société c’est marche ou crève, même les enflures ont des happy end.
J’hésite à partir — j’aime moins l’idée de traîner dehors, sachet de poudre dans la poche ; comme l’impression que c’est écrit en gros, grand et gras sur ma gueule, affiché à la face du monde. Mais j’peux pas, quelque chose me retient, j’esquisse à peine un pas en arrière et je sais que je ne partirai pas bien loin — parce que t’as l’air d’un môme perdu, d’un gosse brisé, que j’remercie trop ce gosse de l’orphelinat, et puis Olympe, ces mains tendues dans les jours les plus sombres, pour ne pas essayer d’être à mon tour cette main qui se tend dans la direction d’un autre. Je sais le bien que ça peut faire, une fois ou mille, de se sentir exister face à quelqu’un — dans tes yeux, la solitude qui me retient de t’y renvoyer.
« Hey, je lance, balance mon poids d’une jambe à l’autre, quelque peu hésitant — puis je balaie mes doutes, et le naturel revient au galop. Si t’es pas trop attendu chez toi, y’a un café à deux pas d’ici, le Coffee’in si tu vois, s’tu veux on peut s’y poser, commander un truc. Ça t’dit ? »
Tête penchée, sourire aux lèvres, un peu plus franc et plus engageant. Je m’attends presque à un refus, pour tout avouer, parce que qu’est-ce que j’en sais si t’as pas un entraînement quelconque, des courses à faire ou une frangine dont t’occuper — mais c’est un oui, et j’me fais pas prier ; les gouttes grossissent et clapotent autour de nous, je devine d’ici le déluge.
« Viens, avant qu’on s’prenne la saucée. »
Et je traverse, file dans la rue animée par les jeunes et les moins jeunes, les voitures ralenties par les bus et les gamins qui traversent, ceux qui dribblent et perdent leur ballon en plein milieu de la route, qui chahutent ou envoient des textos, les yeux rivés sur l’écran de leur Iphone dernier cri, sans prêter la moindre attention aux conducteurs qui se tapent des frayeurs tous les cinq mètres.
La pluie redouble et, quand je pousse la porte du café, mon sweat serait bon à essorer, et mes cheveux me tombent sur le front en des mèches informes entre lesquelles je passe mes doigts en une vaine tentative de leur rendre un peu d’allure.
« On ne l’aura pas évitée, finalement, je lance en ricanant, plus amusé qu'autre chose par la situation, et l’image pitoyable qu’on doit bien offrir — deux adolescents trempés jusqu’aux os, dégoulinants façon serpillère mal essorée. »
J’indique une table près des fenêtres, m’installe sur l’une des chaises en bois après avoir retiré mon sweat — et replacé mes bracelets sur mes poignets, de sorte que les blessures et cicatrices se soustraient à ta vue, et à celles du monde, tant que faire se peut — et, lorsque la serveuse vient prendre commande, je te laisse parler en premier. Pour moi, chocolat viennois et chocolate chip cookies.
Un silence, un regard alentour, et puis je me penche vers toi, légèrement, les bras croisés sur la table, l’intérêt non simulé — les questions directes et sans détour, parce que je ne sais pas y faire en small talk.
« Alors, dis-moi, parle-moi de toi. Si tu n’étais pas le fils de, qu’est-ce que tu voudrais être ? »
Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo) Dim 17 Déc 2017 - 18:42
Une ombre de sourire se dessina sur les lèvres de Shawn en entendant les paroles que lui offrit l’autre homme. Il y avait toujours l’amertume et la douleur en lui, mais son cœur se réchauffait déjà un peu. Ce n’était pas grand-chose certes, mais c’est à partir de petites choses qu’on construit un monde. Et si l’âme du fils Anderson en était un, elle commençait peut-être à se reconstruire.
Le blond haussa les épaules dans un geste nonchalant sans répondre de vive voix. Les paroles de Romeo sonnaient trop justes pour qu’il perde son temps à se justifier. C’était vrai, il perdait son temps à se morfondre. N’avait-il pas décidé d’aller de l’avant depuis longtemps ? Apparemment pas autant que ce qu’il aurait aimé imaginer. Il faudrait changer ça. Mais ce n’était pas le moment pour être philosophe et faire un travail sur lui-même. Sans compter que ce n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait au premier abord.
Le jeune homme se força alors à chasser de sa tête toutes ses idées noires. Pour l’instant, du moins. Il aurait tout le temps de s’y attaquer plus tard, quand il serait de retour chez lui et seul, sans personne à déranger et sans personne pour le déranger. Peut-être cette nuit, dans son lit, même si cela voudrait dire de passer une courte nuit et d’avoir des cernes le lendemain matin.
Bah. Ses harceleurs trouvaient de toute façon toujours une raison de lui mener la vie dure, même quand il faisait des efforts pour qu’ils n’aient à priori rien à redire. Depuis le temps, il avait appris à vivre sans perdre son temps à essayer de gommer tout ce qui les dérangeait. Et elles étaient nombreuses, les choses qui dérangeaient chez lui, vous pouvez me croire.
Une fois à peu près satisfait de son ménage, Shawn reporta son attention sur son sauveur du jour. Il se sentait toujours amer et vide, mais cela ne partirait sans doute pas d’un simple claquement de doigt ou avec l’aide d’une baguette magique. La magie n’existait malheureusement pas dans ce monde.
Shawn haussa un sourcil à la proposition de Roméo. Il était un peu surpris, il ne s’y était clairement pas attendu. Il pensait qu’ils allaient se séparer dès maintenant, après qu’il ait remercié encore une fois l’autre pour lui avoir sauvé la mise. Plus par politesse qu’autre chose. Les habitudes avaient la vie dure. Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’était pas réellement reconnaissant. C’était juste… Il était juste quelqu’un qui ne savait pas trop exprimer ses sentiments. Du moins, avec sincérité, autrement que par réflexes d’éducation et hypocrisie.
Et une fois les remerciements de convenance faits, ils seraient partis chacun de leur côté sans se retourner, sans jamais se revoir probablement. Romeo lui aurait peut-être juste avant adressé une remarque comme quoi il perdait son temps à le remercier sans cesse ou quelque chose de ce genre auquel il aurait répondu d’une esquisse de sourire et d’un haussement d’épaules détaché.
Mais visiblement, cela n’allait pas se passer ainsi. Et l’hésitation apparut dans la tête de « l’elfe » à cette demande inattendue. La politesse voulait qu’encore une fois il accepte la proposition. Il n’avait rien de prévu pour ce soir, si ce n’était une hypothétique rencontre avec lui-même dans son lit.
Sa sœur et peut-être son frère s’il leur faisait l’honneur de sa présence l’attendaient sans doute, mais un simple sms pour les prévenir de son retard les empêcherait de s’inquiéter. Et peut-être même qu’ils seraient contents de savoir qu’il passait du temps avec un « ami » - puisque ce serait ainsi qu’il leur désignerait Romeo – pour d’autres raisons que l’habituel entretien social de leur nom.
A priori, il n’y avait donc rien qui empêchait le blond d’accepter la proposition amicale d’aller boire un coup – probablement une boisson chaude vu la chaleur ambiante et de toute manière sans alcool vu son âge, n’est-ce pas. Sauf peut-être qu’il n’avait pas l’habitude de faire ça.
Il n’avait pas l’habitude d’aller dans un café avec ses amis pour passer un bon moment entre potes, pour faire connaissance. Pas sans objectif intéressé derrière, du moins. Car aller à des soirées pour montrer quel bon fils Anderson il était et pour rappeler à tous que sa famille n’était pas encore finie malgré la disparation tragique de ses parents, il savait faire. Entretenir des relations pour son intérêt et celui de ses proches, il savait aussi. Mais le faire juste par plaisir, par envie de se faire de nouveaux amis, parce que c’était quelque chose de normal à son âge, il ne savait pas.
Bien sûr, ce fut à ce moment que le visage de Jude s’imposa à son esprit, mais il la chassa aussitôt. Certes, la relation avec le brun à tête d’hérisson se rapprochait probablement le plus de l’image que les gens avaient d’une amitié, mais ce n’était pas vraiment ça non plus. Après tout, neuf fois et demi sur dix c’était l’autre qui s’imposait à lui. Allez, admettons qu’il l’appréciait quand même, c’était encore trop frais, trop nouveau pour lui donner une réelle expérience des amitiés sincères, spontanées et sans faux-semblants.
Pourtant, Romeo avec sa tête penchée et son sourire franc et engageant lui donnait envie d’accepter, aussi inhabituel cela soit. Encore une hésitation l’espace d’une seconde et il finit par hausser les épaules légèrement et avec désinvolture.
- Pourquoi pas. D’accord.
D’accord, il y avait des progrès à faire dans la communication. Mais c’était déjà bien quand on connaissait son niveau de sociabilité. Il était peut-être extrêmement doué et expérimenté quand il s’agissait de mentir et d’afficher une autre image que la sienne, mais dès qu’il voulait être sincère et se montrer tel qu’il était, c’était une toute autre histoire. Ouais, il y avait clairement du boulot comme on dit. Et peut-être qu’il allait apprendre à se détendre avec un peu de chance.
Notre héros emboîta le pas à son camarade et leva les yeux vers le ciel pour voir qu’effectivement la pluie semblait s’amplifier. Il grimaça, guère emballé par l’idée de finir trempé jusqu’aux os– il faisait assez froid comme ça et sa tunique était loin d’être imperméable – et accéléra le pas.
Shawn ferma la porte derrière lui et retint un soupir de soulagement qui aurait sans doute attiré un regard ou une remarque moqueuse. S’il était un chien, il se serait clairement ébroué pour chasser l’eau qui dégoulinait de sa tête et de ses habits. Il adressa un regard d’excuse au patron derrière son bar qui se contenta de hausser les épaules avec fatalisme.
Le lycéen rendit son sourire à Romeo malgré lui, contaminé par son amusement. Non, ils ne l’avaient pas évitée et cela se devait certainement se voir. Le blond détacha ses cheveux en en retirant l’élastique et chassa les mèches trempées de sa figure. Il retint un grognement, quelle idée d’avoir les cheveux plus longs que la normale pour un garçon.
Il finit par soupirer et hausser les épaules avec le même fatalisme que le barman. Bah, on ne pouvait rien contre Mère Nature. Rejoignant Romeo à la table choisie, le garçon se laissa tomber sur une chaise en face de lui avec moins d’allure qu’à son habitude. On ne pouvait guère le lui reprocher, il avait l’impression d’avoir passé dans la machine à laver.
Imitant Romeo, il enleva sa tunique turquoise, révélant un T-shirt du même bleu, même s’il était exempt de tout dessin ou motif indien, au contraire de l’autre. Une fois cela fait, il dut combattre l’envie de se laisser tomber sur la table sans la moindre allure. Les réflexes avaient la vie dure et il ne parvenait pas à laisser tomber entièrement son image de gosse parfait. Même si pour le coup la tentation était grande.
La serveuse les rejoignit vite et Shawn commanda un thé chaud et un macaron framboise. Il n’avait pas vraiment faim et n’aurait certainement rien commandé si une des gâteries proposées aux clients ne contenait pas son fruit fétiche. Mais comme ça il était sûr de ne pas subir de remontrance de la part de sa sœur quand elle apprendrait à son retour qu’’il n’avait encore rien mangé. C’était toujours ça d’avalé, après tout.
Notre héros devait lutter contre le sommeil que la longue journée, la chaleur ambiante et la pluie avaient suscité, mais toute fatigue s’envola quand Romeo se pencha sur lui pour lui demander sans le moindre détour ce qu’il aurait voulu être si les choses s’étaient passées autrement.
Shawn se tendit un peu. Il n’en savait tellement rien. Toute sa vie était bâtie sur le fait qu’il était justement le fils de. Et ça faisait mal de se l’avouer. Et peut-être même de s’en rendre compte…
- A vrai dire, je n’y ai jamais vraiment réfléchi… Petit, je voulais absolument devenir héros comme eux, mais maintenant... Je crois que je me sens obligé de l’être. Et je ne saurais pas te dire ce que je désire vraiment.
Comment pouvait-on savoir quelque chose à laquelle on n’avait jamais pensé ? Shawn en était en tout cas incapable, mais cela réveillait sans aucun doute quelque chose en lui. A quoi voulait-il réellement ressembler ? Que voulait-il vraiment être ? Sans faux semblants, sans se sentir obligé par soi-même ou par quelqu’un d’autre. Le regard du garçon se perdit dans le vide alors qu’il réfléchissait sérieusement à la question. La question ne cessait de se répéter dans un coin de sa tête à présent.
Un ami apparait toujours quand on s’y attend le moins
Romeo R. Eastwood
Date d'inscription : 24/12/2015 Messages : 599 Dollars : 970 Crédits : bibi pour cette fois Localisation : Hiawatha
Paris-Brest crémeux
Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo) Sam 31 Mar 2018 - 16:57
être une victime...
Sur ton visage, comme un doute, une hésitation ; je me recule légèrement sur mon siège, avise ta posture. Je sens mon sourire à l’image du dedans — un peu désolé, un peu déconfit, ton monde je ne le connais pas, pardonne-moi si je suis maladroit. Sur mes épaules, on n’a jamais fait peser plus d’espoirs que je ne pouvais en porter. Pas de nom à glorifier, pas de blason à dorer ; on n’a jamais décidé de mes études, de mon avenir, on ne m’a jamais dit qui aimer ni qui haïr — je me suis déterminé moi-même, je ne sais pas s’il aurait mieux valu que les choses soient différentes. N’a toujours compté que mon bonheur — et pour moi ne comptaient que chanson et guitare, à mes pères ça leur convenait. Où j’en suis aujourd’hui, c’est un condensé des opportunités qu’ils m’ont laissées, et des faux pas que j’ai commis. On m’a laissé le choix, le droit — le droit de choisir, de rêver, de me planter. Le choix d’exister comme je l’entendais. J’aurais pu sauver des vies comme Marvel, m’enterrer sous les papiers comme Santiague, j’ai choisi la musique, les salles combles, les lumières vives et les basses qui cognent. Parce que personne n’attendait rien de plus de moi que je fasse ce qui me donnerait la force de me lever, chaque matin.
« A vrai dire, je n’y ai jamais vraiment réfléchi… Petit, je voulais absolument devenir héros comme eux, mais maintenant... Je crois que je me sens obligé de l’être. Et je ne saurais pas te dire ce que je désire vraiment. »
J’acquiesce, lentement, sans un mot ; je ne te regarde plus, épris de fascination pour la pluie qui frappe le bitume et les pare-brise de l’autre côté de la vitre trouble de buée. J’écoute le silence — le bruit de fond des conversations, des verres et des tasses contre le marbre et le bois des tables et du comptoir, le ronronnement du percolateur, le cliquetis de la caisse enregistreuse à l’ancienne. Ce n’est que lorsque la serveuse dépose nos commandes devant nous que je relève les yeux vers elle pour la remercier — et mes yeux glissent le long de ses courbes lorsqu’elle nous tourne le dos et s’éloigne, le pas dansant dans ses ballerines lustrées. Une seconde, je me mords la lèvre — casse l’un des cookies entre mes doigts pour y goûter ; je me donne contenance comme je peux avant de reporter mon attention sur toi.
« Tu n’as pas… Je ne sais pas, une passion, quelque chose, n’importe quoi qui te fait vibrer ? »
Je tourne la cuillère dans ma tasse, main libre posée contre la porcelaine chaude pour la réchauffer ; j’observe les nuances de crème et de brun qui se mêlent et se mélangent, surgissent et puis se dissipent à chaque tour, ballet hypnotisant dont je peine à me décrocher pour te regarder une nouvelle fois, hésitant, silencieux longtemps.
« Qu’est-ce qui te manquerait, si on t’en privait ? Quelque chose sans quoi tu n’imagines pas ta vie, ce petit truc en plus qui te donne le courage de traverser les journées les unes après les autres en te disant que ça en vaut peut-être la peine ? »
Mes pères. Olympe. La guitare. La musique. Les Devils.
Je connais bien mes raisons d’avancer aujourd’hui ; et toi, alors, pour quoi tu te bats pour qui t'avances ?
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Sujet: Re: Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo)
Etre une victime crée parfois des liens (PV Romeo)