« SHOW ME WHAT YOU'RE MADE OF »

« Hey, je peux m'asseoir là ? »

Valentino avait tout d’abord cru qu’elle s’était trompée de personne. Après tout c’était Diana, et elle avait beau connaître Elros depuis assez longtemps d’après ce qu’il lui avait raconté, il n’empêche que c’était rapidement devenu la petite princesse de leur classe et qu’il ne voyait absolument pas ce qu’elle pouvait bien lui vouloir.
De manière générale, les gens comme Diana, moins il les voyait, mieux il se portait –disons qu’il avait été habitué à ce que les riches se montrent méprisants envers lui quand il ne comprenait pas des choses qui leur paraissaient évidentes de part leur statut social, et par amertume il avait fini par tous les mettre dans le même panier.
Après, il devait admettre certaines rencontres –et il pensait à Nina sur le coup– lui avaient appris à relativiser et ne pas tomber aussi bas qu’eux en généralisant bêtement sans connaître les individus plus que ça.

« Fais comme tu veux, répondit-il en haussant les épaules et en replongeant presque aussitôt dans le livre qu’il était en train de lire avant qu’elle ne vienne le déranger. »

Diana pouvait bien s’asseoir où elle voulait, c’était un bien moindre souci que de finir ce livre à temps pour l’interrogation de demain…

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« Cool. »

Quand Diana s’assit sur le banc à ses côtés, Valentino senti immédiatement son parfum de fille se faire charrier par le vent dans sa direction –ce n’ôtait pas forcément déplaisant car la flagrance en question n’avait rien de désagréable au contraire, mais cela ne faisait qu’accentuer la présence de la jeune fille à ses côtés ; l’ignorer totalement risquait de devenir de plus en plus corsé.
Quoique dans le fond, il n’avait pas spécialement prévu de l’ignorer si elle avait des choses intéressantes à lui dire.

« Qu'est-ce que tu lis ? »

On a fait mieux comme briseur de glace, pense-t-il au fond de lui même avant qu’elle ne prenne la liberté de relever le coin du livre entre ses mains pour en apercevoir la couverture.

« Ah oui, c'est vrai... On doit le finir pour demain.
— Ouais. Une vraie plaie ce bouquin. »

Contrairement à ce que l’on voulait dire de lui, Valentino aimait bien lire –quand il était tout petit il avait dévoré les livres de sa mère tous les soirs avant de dormir. Seulement quand le style ou l’histoire ne lui plaisait pas, se forcer était une torture qu’il s’infligeait rarement ; en vérité il ne se forçait que lorsqu’il était sur la sellette avec le professeur concerné, ou qu’il avait envie –pour une fois– de rappeler à tout le monde que malgré ses airs de cancre il était tout aussi intelligent –voire parfois plus– que la majorité des élèves de cette école.
Cette fois là, c’était la deuxième option qui le poussait à continuer la lecture jusqu’à la page finale.

« Je suis pas là pour t'embêter, tu sais. C'est juste qu'on est dans la même classe et qu'on s'est jamais parlé. J'aimerais qu'on fasse connaissance, c'est tout. »

Difficile à ignorer, hein ?
Valentino poussa un soupir (presque) discret, corna le coin de la page de son bouquin et le referma sur ses genoux avant de se tourner vers Diana.

« C’est si important que ça pour toi de faire connaissance avec absolument tous les membres de ta classe ? »

C’était une question honnête car il s’en était personnellement toujours foutu –si les autres ne s’intéressaient pas à le connaître vraiment il ne voyait pas pourquoi il devrait faire l’effort d’aller vers eux non plus.

« De quoi tu veux parler ? »

Il avait beau paraître un peu brute de décoffrage, il lui laissait néanmoins une chance en ne mettant pas fin à la discussion ici et maintenant.

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Valentino fut assez surpris de la réponse de Diana. Il comprenait tout de suite un peu mieux l’apparent désir de l’adolescente à aller vers tout le monde, voire même se faire aimer par eux –chose dont il se foutait, personnellement. Ayant toujours vécu entouré de monde –parfois trop, au point d’en étouffer, de sacrifier son individualité au profit du groupe ; sa famille– il avait du mal à s’imaginer vivre comme avait pu vivre Diana.

Il la laissa enchaîner et l’écouta attentivement lorsqu’elle lui expliqua comment certaines filles de la classe lui avaient déconseillé de venir lui parler –des gens dont il n’avait pas besoin dans sa vie et dont les opinions lui passaient bien au-dessus de la tête. Mais il reconnu qu’il fut assez agréablement surpris que Diana réagisse comme elle le faisait.

« Écoute, je suis pas une mean girl. Pour être honnête, j'ai moyennement envie que les gens me voient comme ça. À commencer par toi.
— J’te vois pas comme ça, tu sais, fit Valentino nonchalamment en haussant les épaules. C’est pas parce que je viens pas vers toi que je te déteste ou que je te méprise. »

J’aime juste pas trop les gens en général.

« Ça m’intéresse pas de me forcer à faire ami-ami avec tout le monde quand je sais très bien que ça sert à rien, c’est tout. »

Ce n’était pas spécialement contre elle, il faisait simplement une généralité de ce que toutes ses années à l’école lui ont appris –beaucoup de gens, pas mal de faux amis, très peu de personnes sur qui compter au final. À vrai dire, au delà de sa famille, ses quelques amis qui se comptaient sur les doigts de la main, et Ariana bien entendu, il ne se considérait proche de personne.

« Pourquoi moi en particulier ? »

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« Parce que j'ai pas l'habitude d'être ignorée par les autres ? Ça sonne mal, je sais, mais c'est la vérité. »

Valentino ne peut s’empêcher de laisser échapper un ricanement sarcastique quand Diana émit un petit rire après sa remarque.

« ...Et parce que t'es l'ami d'Elros, aussi. J'étais pas vraiment sympa avec lui quand on était petits, mais je veux qu'il comprenne que j'ai changé depuis.
— Oh donc tu viens pas me voir en étant complètement désintéressée, fit-il avec un sourire narquois –il n’était absolument pas sérieux mais Diana n’était pas obligée de le savoir. Si tu veux que j’t’arrange un coup avec lui faut le dire tu sais ! »

Valentino n’était généralement pas de ces types qui usent et abusent de vannes lourdes, limite scabreuses, parfois complètement dégueulasses –avoir vécu dans une famille essentiellement féminine, combiné au fait qu’il a très tôt été dégoûté des attitudes de ces mecs là l’avait probablement formaté à vie. Ceci dit, lorsqu’elles pouvaient servir de prétexte pour agacer gentiment la princesse du lycée, les blagues lourdes étaient parfois bienvenues. Néanmoins il rebondit tout de suite après sur sa remarque précédente pour l’empêcher de répondre et trop s’énerver.

« Je sais bien qu’on tire toujours quelque chose des rencontres qu’on fait mais personnellement j’en ai assez fait de mauvaises pour savoir que parfois, on s’en tire mieux en restant tout seul de son côté. »

Pourtant c’était bien en rencontrant le pire que le meilleur était arrivé dans sa vie.
Il restait évasif car il ne comptait certainement pas raconter sa vie tumultueuse en détails à une presque inconnue. Ses failles, il ne les dévoilait à personne ; pas à ses frères et sœurs, presque pas à Elros non plus –il n’y en avait qu’une qui avait le privilège de l’écouter parler, de le voir s’ouvrir et parfois s’effondrer pour mieux se relever après. Tant qu’il avait la certitude qu’Ariana l’aimerait toujours quoiqu’il arrive, il pouvait bien lui laisser voir tout ce qu’elle voulait de lui.

« Plus sérieusement si tu veux prouver à Elros que t’as changé faut le lui montrer en agissant, pas m’en parler en espérant que je lui fasse passer le mot. »

Il marqua une pause, ayant réfléchit pendant qu’il parlait, avant d’enchaîner.

« À moins que venir parler au soit-disant caïd de la classe sans trop d’aprioris ne soit le premier pas pour le lui montrer ? fit-il enfin avec un sourire toujours railleur, mais peut-être un peu plus sincère que les autres fois. »

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«Pff, tu dis vraiment n’importe quoi. »

L’air narquois qui s’afficha sur le visage de Valentino ne laissait aucun doute quant à la pensée qui lui filait en tête : c’est ça, à d’autres mais pas à moi, Diana.
Il ne se serait d’ailleurs pas privé de lui lancer une pique à ce sujet mais elle l’en empêcha en donnant raison à son hypothèse de tout à l’heure avec une franchise qui surprit le jeune homme, dans le bon sens du terme.

« Je préfère dire que je m’intéresse à son ami, pas au caïd de la classe. Ça lui fera plaisir, non ?
— J’imagine, ouais, fit-il en haussant les épaules, l’air incertain –Elros avait beau être son meilleur ami c’était difficile de deviner ce genre de choses car il ne connaissait pas bien la relation qui les liaient elle et lui.
— Enfin, je devrais peut-être pas parler de plaisir. On est juste amis lui et moi, hein. Il se passera jamais rien entre nous. »

Valentino haussa un sourcil, se demandant pourquoi elle abordait ce sujet avec lui, avant de se rappeler qu’il était le premier à l’avoir taquinée là-dessus –il l’avait déjà oublié. Un rire franc lui échappa alors et il reposa son regard sur Diana quand l’hilarité lui fut passée.

« T’as pas à justifier quoique ce soit devant moi tu sais, j’m’en fous de vos histoire, ça m’concerne pas ! fit-il avec un reste de rire dans la voix. »

On prenait souvent à tort l’attitude de Valentino pour du désintérêt pur. Il n’en n’était souvent rien quand cela concernait ses proches, c’était juste qu’il n’était pas du genre à se mêler des affaires des autres. Si on venait lui demander son avis ou des conseils, il n’hésiterait pas à en donner, mais jamais à quelqu’un il ne ferait de commentaire non sollicité si cela ne lui paraît pas urgent et nécessaire. Parce qu’il détestait qu’on s’occupe de ses affaires à lui, il ne le faisait pas aux autres, point barre.

« En parlant de ça... Je crois que tu te plais à une ou deux de mes copines, tu veux qu'on en parle ?
— C’est une blague ? répondit Valentino après un froncement de sourcil circonspect. Qu’est-ce que t’essayes de faire là, c’est nouveau ? »

Il était évident pour lui qu’il n’en n’avait que faire de ses filles là, pour une très bonne raison que peut connaissaient. Mais ça l’intriguait, naturellement ; et c’était toujours amusant de voir Diana essayer de faire les entremetteuses alors que la cause était perdue d’avance.

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