»
Et aussi pour ça que toi et moi sommes incompatibles dans tous les domaines. »Le regard d'Aelicya croisa celui de Maxence, et le clin d'oeil qu'il lui adressa eut pour seul effet d'accentuer le mutisme inhabituel dans lequel elle était définitivement prête à se murer depuis cette dernière phrase, qui semblait l'avoir heurté bien plus que le reste. La Kamiya avait toujours été rationnel, terre-à-terre, sans chercher à comprendre ce qui lui était inaccessible depuis qu'elle avait cessé de se poser trop de questions, et les montagnes russes entre son supérieur et elle l'éreintait beaucoup plus que la somme de travail colossale qui lui était demandée.
Avant de sortit de l'ascenseur pour suivre Maxence, elle arrêta ses pas et pendant un quart de seconde, fixa son annulaire gauche et dessina machinalement une bague invisible - devenue inexistante aujourd'hui. Son regard alterna entre cet annulaire et Maxence, et jamais plus que dans ces instants-là, elle aurait aimé qu'il se souvienne. Et si ce n'était pas le cas, désirait encore plus que cette promesse n'ait jamais existé, pour ne pas s'accrocher à des idéaux d'enfants, qui n'avaient plus d'importance que pour elle.
Les voix provenant de la salle de réunion stoppèrent ses divagations et elle se reprit encore une fois.
»
Ne peut-elle pas plutôt rester assise ? Si j'ai le droit à ma place, mieux vaut peut-être qu'elle prenne la sienne. »Devant les mines patientes des journalistes et photographes qui attendaient sa réponse, la vice-présidente reste silencieuse. Habituellement, elle aurait pris Maxence à parti et aurait contesté - par pur principe - sa proposition dans des éclats de voix magistraux. Elle ne fit rien. Et s'installa simplement à la place que les photographes souhaitaient lui attribuer, soit presque assise sur le rebord du siège du président, dos à lui, parfaitement droite. La maquilleuse vint retoucher son visage et remettre en place quelques mèches de cheveux. Ces quelques minutes s'avéraient particulièrement longues quand aucun des deux parti ne s'envoyaient pas des piques, et que l'un des deux mêmes se murait dans un silence étouffant et pesant.
Pas un seul regard en direction de son supérieur. Elle ne supporterait pas plus longtemps la chaleur dans son corps chaque fois que ses yeux croisaient les siens, pas plus que le rouge sur ses joues à sa voix suave qui s'adresse à elle, et encore moins le tremblement de ses mains quand leurs peaux se touchait.
»
Nous pouvons débuter, Mademoiselle McFallen. »Le crépitement des flashs retentissait, et patiemment, Maxence comme Aelicya se prêtaient au jeu de la séance, chaque position demandée étant exécutée sagement par la vice-présidente, malgré les quelques suggestions du PDG. Et quand la dernière photo se préparait, c'est l'un face à l'autre qu'ils étaient positionnés, le regard vaguement détourné de l'objectif mais systématiquement dans une direction commune. À hauteur de son torse, elle continue de détourner son attention du mieux qu'elle peut. Jusqu'à ce que son coeur manque une palpitation, et que son pouvoir se manifeste.
Et là elle n'a d'autre choix que de le voir devant elle, passablement agacé. Presque furieux. Elle n'entend pas ses paroles, mais sait précisément qu'il s'adresse à elle directement. Et elle devine aussi que quoi qu'il dise, elle ne veut pas l'écouter. Qu'il arrête de parler. Puis plus rien.
Un flash très court mais suffisamment long pour la perturber. Une parenthèse durant la séance photo, qui se terminait enfin. Aelicya ne bouge pas, encore perturbée par cette vision qu'elle venait d'avoir. Son pouvoir de
futur proche ne se manifestait plus que rarement, et presque jamais à son sujet. C'était quasi systématiquement à propos de ses proches, qu'elle avait des visions. Sauf quand elle ressentait des émotions trop fortes.
»
Monsieur Holmes, Mademoiselle Kamiya, merci pour cette interview et ces quelques photos. »La voix criarde de la journaliste ramena la vice-présidente sur Terre, dans l'enceinte de cette salle de réunion qui devenait de plus en plus oppressante. Sa respiration se fit plus difficile, mais son professionnalisme maladif l'amenait toujours à paraître sous sa meilleure image, quitte à s'étouffer.
»
Nous vous enverrons le rendu final avant sa parution, pour votre accord. »L'équipe de Dakota McFallen avait rassemblé les différents outils nécessaires, les appareils photos et autres micros, et avait simplement quitté la salle une fois que Maxence les remercia. Étrangement, Aelicya eut un simple hochement de tête pour les remercier, et pas un long discours auto-centré pour promouvoir leur entreprise, comme à son habitude.
La salle quasi-vide, il ne restait plus qu'Andre, Maxence et Aelicya. Elle entendit l'assistant murmurer quelques mots à son patron, mais ne s'y intéressait même plus. Elle se contenta de demander à une employée de lui ramener sa veste et son sac.
»
Si vous n'avez plus besoin de moi, Monsieur Holmes, permettez-moi de me retirer dès maintenant. »Et c'est sans son accord, à une vitesse impressionnante, que la vice-présidente saisit ses affaires en pressant le pas vers l'ascenseur. Ses palpitations ne s'arrêtèrent qu'une fois sortie du siège de X-Trem Factory. Sans jeter un seul coup d'oeil à son portable au cas où Maxence lui demanderait de revenir immédiatement - justement ce qu'elle voulait éviter soigneusement - elle commanda un taxi pour rentrer directement chez elle.
© basé sur un codage de one more time & silver lungs.