Son corps lâche contre la fenêtre, ses jambes frêles retenaient dans un ultime effort sa chute imminente. Elle avait baissé la tête, enfoui les tristesses qui envahissaient ses yeux, caché sa confusion derrière les mèches blanches qui glissaient de ses épaules. Enfin sur ses joues roulaient les larmes qui attendaient qu'il la libère depuis si longtemps. Les sanglots étaient muets, et plus rien n'agitait ses épaules refermées. Le dos courbé, le regard suspendu au vide.

Et si tu étais bien mort à ma place, ce jour-là, qu'est-ce que je serais devenue, moi ? Tu y as pensé ?

Elle releva ses yeux, son visage, son corps entier, elle avança d'un pas vers lui, et lui interdit par son regard de reculer.

Crois-tu que j'aurais vécu ?

Ses deux mains se levèrent à son visage, attrapèrent ses deux joues pour l'empêcher de fuir encore. Elles lui disaient regarde-moi.

Moi je suis revenue, Arthur. Si tu étais mort, comment m'aurais-tu sauvée aujourd'hui ? Comment aurais-tu réparé que tu me manques ?

Sa voix ne finissait aucune phrase, elle s'effaçait en souffles épuisés. La mort menaçait encore au fond d'elle, elle l'avait imprégnée. La douleur était réelle.

Elle songea que son sacrifice était finalement égoïste ; car elle n'aurait pas voulu porter le fardeau du cadavre de Arthur dans ses bras. Et elle lui avait fait porter à sa place. Sauf qu'elle n'avait pas pensé à tout ça en se jetant entre lui et la balle, elle n'avait pensé à rien.

Je suis là, maintenant. Ce n'est pas suffisant ?