Caractère
T’es une plaie Killian. Ou pour être exact, ce bleu dont on ignore comment il est rentré dans notre vie et sur lequel on appuie, tout en sachant pertinemment que c’est un geste stupide puisqu’il va nous faire
mal.
T’es un poison dans une jolie bouteille, qu’on a envie d’avoir, parce le paquet est joli, parce que la couleur de la boisson est attirante, l’odeur tentatrice. Mais un poison néanmoins. Pour les autres comme pour toi.
Quand on vous voit arriver, toi et tes grands yeux bleus pétillants, ton sourire charmeur et ta bouille d’ange blond, il est facile de se laisser avoir. Quand on t’adresse la parole derrière ton bar, que tu distribues tes clins d’œil joueur, que tu laisses ton oreille à disposition aux âmes souhaitant s’épancher, on jurerait que tu es quelqu’un de bien. Tu as tout de l’homme qui aime plaire, du bad boy au cœur d’or.
Tu le serais sûrement si tu n’étais pas si égoïste, pas vrai ?
Tu sais que tu plais, tu sais l’image que tu donnes et tu en joues, pour manipuler ton petit monde, obtenir ce que tu souhaites. Es-tu seulement conscient du mal que tu sèmes quand tu laisses les gens derrière toi après avoir obtenu ce que tu souhaitais ?
Oui.Ca ne t’empêche pas de continuer cela dit, mû par un besoin insatiable de plaire, une nécessité incroyable d’arriver à tes fins.
Et tu finis par te rendre compte que tu as peut être perdu l’essentiel en chemin. Alors tu recommences, persuadé de ne plus rien avoir qu’à y gagner.
Un peu comme la cicatrice d’une plaie qu’on rouvrirait indéfiniment à force de la gratter dès qu’elle se referme.
Ton esprit est un foutu bordel Killian, et on touche encore à l’euphémisme. Une ironie très drôle quand on pense à tes tendances maniaque.
Maniaque dans ta maison, rangée au poil de cul, triée à l’extrême. Ta bibliothèque est rangée par ordre alphabétique d’auteur, puis de livre. Tes placards contiennent des boîtes. Les restes dans ton frigo sont étiquetés.
Maniaque dans ton bar, propre et étincelant. Tu pourrais travailler les yeux fermés tellement tout est rangé à la perfection, te rendant capable d’attraper ce qu’il te faut en un temps record : tu sais exactement où le trouver.
Ah, si tu pouvais tout classer dans des cases comme ça, tu le ferais sans soucis.
Spoiler alert : ça ne fonctionne pas avec les émotions. Tu as bien essayé de tout garder sagement à l’intérieur, sauf que voilà, à un moment où à un autre, ça finit toujours par exploser.
Quand se mêlent à tes émotions celles de ceux à qui tu serres la main, il est d’autant plus difficile d’en contenir le flot, pas vrai ?
Alors oui, monsieur joue l’intouchable parce que c’est la manière la plus sûre que tu aies trouvé pour ne pas laisser trainer ça n’importe où. Tu le fais si bien que parfois c’est à se demander si tu n’es pas de l’autre côté du mur avec tout le monde, coupé de tes propres émotions.
Si seulement, mais non.Et malheureusement pour toi, les gens aussi ont tendance à se montrer récalcitrant de ce côté-là. Ce n’est pas faute d’essayer pourtant, à grand renfort de sourires, de compliment, de cajoleries et d’une utilisation bien dosé de ton pouvoir. Une main nonchalamment posée sur l’épaule de ton interlocuteur, un frôlement de doigt calculé au moment de lui tendre quelque chose, des gestes si naturels, presque inaperçus. Et te voilà qui devine l’embarras, le désir ou l’agacement que tu provoques, te permettant d’ajuster ton dialogue pour te rapprocher de ce que tu souhaites obtenir de la personne.
Sauf que voilà, les gens ne sont pas des poupées, qui acceptent sagement d’être rangées dans la boîte dans laquelle on souhaite les placer. Alors invariablement, après une durée plus ou moins longue en fonction de sa maniabilité et de sa patience, elles finissent par s’énerver, se braquer, se blesser.
Et la situation t’explose à la figure d’une manière que tu n’avais pas prévue.
Ou que tu n’avais pas voulu prévoir.
Car les reproches qui reviennent sont souvent les mêmes tu sais ?
Egoïsme, manipulation, entêtement et égocentrisme. Autant de mots que tu as entendus. Autant de mots que tu ne nies pas. Mais comme un enfant - que tu n’es pourtant plus Killian, il serait temps de t’en rendre compte - tu retombes invariablement dans les mêmes erreurs.
A croire que tu aimes te faire du mal.
C’est pas une nouvelle, ça.Mais tu sais très bien que tu ne peux pas mettre ton attitude sur le compte de tes préférences sexuelles, soyons honnêtes.
Pas quand ces dernières sont le fruit de ton amour particulier pour le fait d’inciter les gens à aller où tu veux qu’ils aillent, à les voir perdre le contrôle qu’ils ont sur leurs passions, tomber les masques de ce qui est sain, autorisé, aseptisé.
Tu as toujours détesté ceux qui se pensent au-dessus, parce qu’ils ont l’argent, parce qu’ils ont le savoir, parce qu’ils ont le comportement valorisés par la société. Dieu qu’ils t’agacent, ceux à qui tout tombe tout cuit dans le bec et qui te font la moral parce que “ils ont travaillé dur pour en arriver là, eux”.
A d’autres. Ils ont travaillés, sans doute, mais quand on commence une course en première ligne avec une voiture surpuissante, il est tout de même plus facile d’arriver en haut du podium, soyons honnêtes.
Quant aux comportements “irréprochables” ils te font rire doucement. Ils jugent, oh oui, le langage, les vêtements, le volume sonore, la façon de se tenir, le nombre de personnes qui passent dans le lit des autres et les pratiques “outrageantes” de certaines personnes.
Ca ne les empêche pas de craquer, pas vrai, et de se laisser glisser dans ce qu’ils voient comme un vice. Et que tu qualifies tout juste d’honnêteté.
Le sexe n’est pas propre et contrôlé, pitié. Sortez vos têtes de vos culs et regardez la vérité en face.Et toi Killian ? Seras-tu assez honnête pour admettre que c’est ta manière de te laisser aller ? Perdre le contrôle, quelques heures, laisser l’autre manipuler.
Et puis qu’on prenne soin de toi, après, te glissant un aperçu de tendresse que tu t’obstines à fuir dans ta vie de tous les jours.
Comme si t’attacher finirait par te brûler.
Ironique.Histoire
Bâtard (n.m) :1. Né hors mariage.
2. Qui n'est pas de race pure.
Sacré entrée en matière pour un être qui n’était même pas encore complètement de ce monde, pas vrai ? Avant même d’avoir un prénom, cet adjectif planait au dessus de ta simple existence. Et celui de jeune fille non fréquentable a entachée celle de ta mère.
On pourrait croire qu’à notre époque, ce genre de détail est insignifiant. Pas chez les Lindbergh, non. Ta mère et son ventre rond ont été invités à prendre la porte, par ces personnes qui partageaient pourtant son propre sang. Sans plus de justifications que la création d’une vie, par la “mauvaise” personne, au “mauvais” moment, voilà son nom rayé des archives de la famille.
Deshéritée. Reniée.Mise de côté par ton géniteur, incapable d’assumer sa part de responsabilité dans ta présence sur cette planète.
Tu parles d’un début de vie...Le nom de Lindbergh a disparu de ton existence avant même d’y être entré. Puisque visiblement vous ne méritiez pas de le porter.
Avec le recul, tu te dis que les choses auraient pu connaître un développement bien pire. Laissé pour compte d’une famille aisée, élevé par une mère célibataire. Vous auriez pu finir dans la rue, elle aurait pu te haïr pour être le fruit d’un amour ne lui ayant causé que peine et rejet.
Mais ta mère t’a aimé, comme n’importe quelle femme devrait choyer son enfant.
Mais, tu l’apprendras bien plus tard, toute sa famille ne vous as pas complètement tourné le dos, et de l’argent semblait toujours disponible. Pas autant que vous en auriez eu si tu avais été légitime, juste assez pour survivre correctement.
Ce qui reste assez néanmoins, au final.Il aura fallu 7 ans à Camellia pour s’accorder de nouveau droit au bonheur, pour faire confiance à un homme à nouveau, et c’est ainsi que Miles Jennings fit irruption dans vos vies.
Une intervention peu appréciée par le petit garçon à maman que tu étais - est toujours un peu, même à 30 ans, avouons le. Pourtant Miles était parfait, sur pas mal de plan. Adorable avec ta chère maman, prêt à t’accepter comme son propre enfant. Droit et honnête, un emploi stable, du temps pour vous et de l’affection à revendre.
Tu as grogné, tu as fait caprices et crise de nerf jusqu’à ce que ta tendre mère t’explique à quel point elle tenait à cet homme. Alors tu as râlé dans ton coin, renié son autorité, mais tu l’as laissé entré dans ta vie, peu à peu.
Il n’est pas ton père.
Personne ne le sera jamais.Mais tu le reconnais officiellement comme le conjoint de ta mère et tu lui fais confiance pour l’aimer et la protéger. Et c’est le maximum que tu puisses faire, pas vrai ?
Tu n’as pas eu une enfance si passionnante que ça. Rancunier envers une famille que tu ne connaissais pas, chieur dans l’âme déjà à cette époque. Tu étais le petit blondinet du fond de la classe, celui dont on dit qu’il est “sacrément mignon mais qu’il est pénible”. Bon élève malgré tout, histoire d’embêter les instituteurs.
Il faut dire que maman t’avais bien fait comprendre que tu avais intérêt à faire des efforts. Et maman est ta reine et on obéit aveuglément aux ordres d’une reine, pas vrai ?
Tu as grandi, élevé et aimé par cette femme, choyé par son conjoint.
Une seule différence au final, avec les autres enfants mignons mais agaçants.
De taille.
Cette empathie grandissante.
Non, pas ta capacité à te mettre à la place des autres. Le pouvoir. Ce qui n’était au départ qu’une vague impression, très floue, est devenu de plus en plus net avec les années. Pour ton plus grand plaisir.
Quel beau sarcasme.
C’est au lycée que tu t’es décidé à en parler à ta mère, qui n’a pas eu l’air si surprise que ça. A priori, c’était monnaie courante dans la famille. Mais déjà, loin de toi l’idée de te faire acheter par une de ces compagnies qui ne voit pas plus loin que son propre profit. Non. Hors de question de te balader en costume ridicule pour amuser la galerie. Il n’a jamais été dans tes ambitions d’être un clown, une marionnette que l’on agite pour faire retenir son souffle à une foule crédule.
Killian, lycéen et émo à plein temps.
Hilarant.Tu étais persuadé de devoir t’en sortir par toi même une fois ton diplôme en main. T’arrêter là. Finir le lycée puis travailler. Jusqu’à ce que ta mère te fasse part de son désir de te voir aller à la fac.
Pas que tu remettes en doute ses ambitions pour toi ou que tu rechignes à une aide supplémentaire, un peu de temps en plus pour savoir quoi faire de ta vie, mais la question du financement de tes études a franchi tes lèvres dès que l’idée fut évoquée. La révélation qui suivit, de savoir que ton oncle avait pris la décision de vous venir en aide discrètement depuis le début, eut une goût doux-amer. Bien sûr que tu étais reconnaissant de la possibilité que la partie mise de côté par ta mère t’offrait, mais difficile de t’empêcher de ruminer.
L’argent ne guérit pas tout. S’il tenait vraiment à vous, à elle, pourquoi ne pas avoir essayé de régler le problème à la source. Pourquoi ne pas avoir empêché l’autre abruti de vous sortir de la famille ?Qu’importe ton rechignement à employer l’argent d’un autre, tu t’inscris à la fac, cursus d’économie en visée. Volonté de t’en sortir par toi même un jour où l’autre. Le plus tôt étant le mieux. Tu as alors cherché un emploi immédiatement, te trouvant une place de barman au Satin Dolls.
C’est dans les couloirs de la fac que tu as rencontré Ezra. Une de tes rares relations de plus de quelques jours ou semaine à cette époque. Chaotique, passionnelle et non exclusive. Parce que tu ne fais pas dans l’exclusivité, n’est-ce pas Killian. Parce que tu fuis les sentiments. Alors quand le brun a commencé à vouloir plus que l’affection que tu étais prêt à lui donner après vos parties de jambes en l’air, quand s’est fait sentir le besoin de t’avoir pour lui, quand plus que du désir s’est révélé sous tes doigts, tu as fait la seule chose dont tu es capable.
La fuite.Quelques excuses sur un bout de papier.
Tu t’en veux encore du manque de tact avec lequel tu l’as laissé.
Non, tu n’étais pas amoureux mais trop dark pour l’admettre. Mais oui, malgré ta fuite et ton refus de sentiments, tu tenais à lui, à ta façon. Et partir comme ça, c’était tracer un trait sur toute relation avec lui, pas vrai.
Heureusement qu’il y a le karma pour les retrouvailles.Mais c’est une autre histoire.
Tu as fini tes études, comme désiré, et décidé de continuer à travailler dans le bar qui t’avais employé durant ces dernières. Non content de t’être découvert une passion pour ce job, tes connaissance nouvellement acquise faisaient de toi le manager adjoint du lieu et t’offrait la possibilité de récupérer le bar un jour. Une opportunité non négligeable.
Et puis, tu t’étais trouvé, dans ce même cocon, une chance de changer les choses, de faire évoluer la société dans laquelle tu vis. Et que tu abhorres tellement.
De relations en relations, de client pompette trop bavard en mots doux susurrés, de tapotage d’épaule compatissant en utilisation discrète de ton empathie, tu t’es découvert une facilité à faire parler. A récolter des informations, plus ou moins utiles, plus ou moins secrète. Une capacité à les recouper entre elles. Assez pour être utile.
A ton échelle, tu pouvais aider à faire bouger le monde. Incapable de foncer de toi même dans le tas, comme certains, refusant de faire exploser tout et n’importe quoi au risque de toucher des innocents.
Violente ironie.Mist avait fini par voir ta volonté d’aider et une utilité à ta jolie personne incapable d’utiliser autre chose que ses poings dans une action.
Te voilà devenu révolutionnaire.
La vingtaine et des rêves plein la tête, ta vie se résumait à ton bar, le QG, ton appart, tes amant.e.s.
Jusqu’à ce que ta mère t’annonce une nouvelle plutôt perturbante. Ta cousine. En prison. Soit-disant pour le meurtre de son mari. Tu aurais pu effacer l’information d’un revers de main, faire d’elle un dommage collatéral de ton ressenti lointain envers cette famille dont tu ne connais que le nom. Sauf que voilà. Selon Camellia, la douce Anthyllide ne recevait de visite de sa famille que d’une personne sinon aucune. Après avoir tempêté ta colère de savoir ton oncle à nouveau en train de chouiner de ne rien pouvoir faire pour une foutue histoire d’apparence de la famille Lindbergh, tu avais décidé que si ces abrutit avait décidé de faire une nouvelle paria, il était de ton devoir de la soutenir.
La première rencontre fut étrange au bas-mot. Tu n’étais qu’un inconnu se présentant comme son cousin, rencontré pour la première fois dans cet environnement hostile. Et pourtant, la jeune femme n’eut aucune hésitation visible à t’accepter. A t’écouter. A apprécier tes visites, te parler. Garder pour elle, au moins pendant un temps, tes visites. Bientôt, Anthyllide fut ta cousine réellement, par le coeur et non plus simplement par le sang et le titre. Bientôt, tu fut intimement convaincu que la demoiselle était tout bonnement incapable d’un meurtre. Bientôt, toute trace de jalousie enfantine que tu aurais pu ressentir avec elle ne fut que lointain souvenir.
Alors le jour de l’attentat restera sans doute à jamais gravé dans ta mémoire. Oh que oui. Tu te souviens.
Des tasses brisées sur le sol sous le choc. De sa main tremblante sur l’écran de télé, appelant le nom de son frère. De ses larmes. Du frisson qui t’as parcouru en apprenant qu’Anthyllide aussi faisait partie des victimes.Si le profond enculé qui a touché à cette jeune femme qui était la douceur incarnée, qui a tué le seul de tes oncles à s’être un jour soucié plus ou moins de ton existence et qui a fait pleurer ta mère se retrouve sur ton chemin un jour … Autant dire que tu te chargera volontier de le tenir pendant qu’on lui arrache les yeux.
Sans compter que cela aura eu pour effet de redoubler tes convictions. Plus vite vous effacerez ce système, plus vite ce genre d’attentats stupides, inutiles et d’une violence non nécessaire s’arrêtera. Tu sais, tu sais que vous n’êtes pas des saints, que vous causez surement des dommages collatéraux, mais tu es convaincu du bien-fondé de Mist. Intimement persuadé que vos dirigeants essayent de limiter la casse, de viser les responsables et non leurs pantins.
Ou du moins tu espères de tout coeur être du bon côté pour le coup.
Parce qu’au final, il n’y a que ça qui fait la différence entre un terroriste et un révolutionnaire.