A million dreams
FT. NEDJMA // FLASH-BACK

Nedjma Haddad. Vingt-et-un ans.
Une journaliste, tu sais comment elles sont.
Toujours à foutre le nez où il faut pas.

Mais c'est ça qu'ils recherchaient, après tout.

Il l'observait en contrebas, qui traversait la rue les yeux rivés sur un morceau de papier -un journal, des feuilles de notes, il n'arrivait pas bien à le distinguer à cette distance- avec son café dans les mains.
Ce n'était peut-être pas du café, elle n'avait définitivement pas la tête d'une fille à café.

Cela faisait un moment que MIST avait un oeil sur Nedjma Haddad. Elle n'en avait pas conscience, évidemment, et une véritable opération avait été menée depuis quelques semaines. Ils avaient mis Saul sur le coup -dévoilé son identité en lui faisant croire que c'était elle qui l'avait repéré- et si jusqu'alors il n'avait fait que la croiser sans la voir, il était temps qu'ils passent à l'action ; la phase d'observation avait suffisamment duré.

Sa longboard sous le bras, Saul était sorti du salon à la même heure que d'habitude, après avoir reçu le message qui disait qu'elle était revenue traîner près de son lieu de travail. Mais cette fois, au lieu de seulement la croiser et la gratifier de l'éternel sourire qu'il réservait à ceux qui croisaient son regard trop longtemps, Saul allait prendre de l'avance et la surprendre dans le but d'engager le dialogue.
Enclencher la seconde phase de recrutement, en gros.

Il enfila sa casquette et sauta sur sa planche avant de s'engager dans la rue. Si elle n'avait pas été arrêtée en cours de route, il serait en mesure de la croiser, et à partir de là il ne serait pas bien difficile de l'aborder. C'était dans sa nature, et c'était là qu'on laissait à Saul les totales commandes de l'opération.

— Attention devant !

Elle se rapprochait à toute vitesse -c'était lui qui roulait trop vite- et il esquissa un mouvement rapide du pied pour la contourner in extremis. Ce qu'il ne sut prédire fut son mouvement sur le côté, si bien que son épaule cogna contre la jeune femme qui en perdit son café.
Il avait raison, ce n'était pas du café.

Saul évita la chute de justesse, et freina un peu plus bas dans la rue. Il reprit sa planche et s'approcha de la jeune fille, le regard -réellement- inquiet.

— J'suis désolé ! Rien de cassé ?

Les choses ne se déroulaient pas tout à fait comme prévu, mais ça allait sûrement faire l'affaire.

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Saul voulut l'aider à ramasser ses feuilles, mais elle fut plus rapide et se redressa avant qu'il n'ait pu proposer son aide. Suite à cela, il resta muet. Il y avait mille et une façon d'engager un premier contact, une conversation, mais elle avait cette lueur dans le regard -presque intimidante, si seulement c'était un sentiment que Saul savait ressentir- qui le poussa à y réfléchir à deux fois.

— Tu as renversé mon thé, par contre.

Ça, c'était une perche qu'elle lui tendait. Saul esquissa son éternel sourire en coin -celui qui provoquait des papillons dans le ventre quand il y mettait du sien- et fit mine de réfléchir.

— Ah, il va falloir que j'me surpasse pour me faire pardonner cet affront alors...

Son sourire s'élargit, creusant des fossettes dans ses joues, comme à chaque fois qu'il faisait une plaisanterie dont il était fier. Cela lui donnait un petit air malicieux, dont il ne se départissait pas depuis qu'il était tout petit.

— Je peux t'inviter le boire plus bas ? Il y a un café sympa, et ça tombe bien parce que le proprio m'en doit une.

Un tatouage rafistolé suite à une chute que l'artiste ne lui avait pas fait payer, sûrement. Il ne se rappelait pas combien de fleurs il avait fait depuis qu'il avait repris du service.

— Au fait, je suis Saul.

Toujours Saul. Juste Saul.

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Un peu et il réussirait presque à croire qu'elle faisait exprès de lui tendre des perches.

— Laisse-moi réfléchir... la tentation était trop grande, il n'y résista pas. Dans tes rêves, peut-être ?

Son sourire révéla de grandes dents blanches, imparfaitement alignées et légèrement trop en avant, peut-être, mais qui faisaient partie de son charme. Il ferma la carte et se désintéressa totalement de la jeune femme pour commander un verre de coca au serveur, comme si de rien était. Comme si c'était naturel, de dire des choses pareilles.

— Je travaille dans le salon de tatouage au coin de la rue, on s'est peut-être croisés là-bas. Quoique, je m'en serais souvenu si je t'avais vue.

Il se laissa tomber contre le dossier de sa chaise, les deux mains sur la table, les doigts en mouvements à la recherche de quelque chose à manipuler. Leur commande vint rapidement -c'était ce qu'il aimait dans cet endroit- et au moment où le garçon s'apprêtait à partir, Saul l'interpella.

— Tu peux me laisser la capsule ? Merci, mec.

Maintenant qu'il avait trouvé quelque chose pour occuper ses mains, il ne s'en soucia plus et fit même l'effort de se redresser sur sa chaise. Son expression neutre se transforma en une face plus amicale lorsque ses yeux se posèrent à nouveau sur sa compagnie.
Il oubliait parfois pourquoi il était là.

— Alors Nedjma, qu'est ce que tu lisais de si intéressant que t'en as oublié de regarder où tu mettais les pieds ?

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FT. NEDJMA // FLASH-BACK

Il éclata de rire, et leva les bras en guise de capitulation.

— J'le reconnais, c'était ma faute.

Seul feignit l'ignorance et prit un air à la fois surpris et admiratif lorsqu'elle lui annonça sa profession. C'était la seule chose qu'il connaissait, en plus de son nom et son visage. Saul demandait à ce que l'on omette certains détails, afin de ne pas être bridé par un trop plein d'informations qui rendraient son attitude moins naturelle.

— Ça doit pas être simple, les politiques d'ici ont pas l'air d'avoir beaucoup de conversation.

Il vida sa bouteille sur le lit de glaçons qui trônait au fond de son verre et regarda avec attention la mousse disparaître. Saul se gratta l'intérieur du bras, là où son tout dernier tatouage en date venait tout juste de cicatriser, et reporta finalement son attention sur Nedjma.

— Avec ce qu'il s'est passé dernièrement, Astrophel a dû être une véritable mine d'or pour toi, non ?

Les attentats orchestrés par MIST et tous les groupuscules révolutionnaires qui s'étaient réveillés au cours des derniers mois avaient été une véritable aubaine pour la presse, et Saul l'avait bien vu. Il n'avait rien contre les journalistes, comme il n'avait rien contre personne -les gens ne faisaient que leur boulot, après tout.

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Il observa chacune des réactions de Nedjma. De la façon qu'elle avait de froncer les sourcils lorsqu'elle réfléchissait, à celle qu'elle avait de fuir la conversation en faisant mine de faire autre chose.
Mais il avait encore du temps devant lui, il n'aimait pas presser les choses et encore moins les gens.

— Ouais, pourtant c'est ce qui a le mieux marché jusque maintenant.

Saul n'approuvait pas toutes les opérations organisées par MIST. Les derniers attentats opérés avaient divisé en deux groupes les membres du réseau, et Saul se positionnait ouvertement du côté de ceux qui contestaient ce genre de méthodes. Il n'avait pas rejoint l'organisation pour faire souffrir les gens, innocents ou non.

— Ils ont peut-être déjà tout essayé, avant. Peut-être que ça marchait pas, et qu'ils ont plus d'autre choix.

Il n'y croyait pas plus que ça, mais il aimait accorder à MIST le bénéfice du doute. Personne ne lui avait donné de véritable quand il avait demandé pourquoi il était nécessaire d'impliquer des civils, des innocents qui se retrouvaient entre les deux feux.

— Il y aurait une alternative à la force, d'après toi ?

Peut-être que ce sont avait besoin de MIST, c'était plus de gens comme eux.