A million dreams
FT. NEDJMA // FLASH-BACK

Saul avait toujours mis un point d'honneur à ne jamais se livrer aux autres. Il avait beau faire celui qui était proche de tout le monde, c'était difficile de savoir ce que lui pensait dans le fond.

— C'est bon à savoir. Je leur dirai, si je les recroise.

Il esquissa un sourire, sans quitter Nedjma des yeux. Et il se demanda, quand ses orbes verts croisèrent les siens, bien plus sombres, si elle était capable de déceler la part de vérité derrière son coup de bluff.
Elle savait déjà qui il était, mais il comptait jouer sur le fait que l'organisation lui avait donné un coup d'avance pour installer une ambiguïté autour de son personnage.

— C'est marrant, maintenant que j'y pense c'est vrai que j'ai l'impression de t'avoir déjà vue.

Saul pencha la tête sur le côté, faisant mine de l'examiner sous tous les angles pour savoir où il avait bien pu voir son visage -ailleurs que sur une photo prise de loin sans son consentement- et finit par hausser les épaules avec nonchalance.

— T'es d'ici ? Astrophel, je veux dire.

A million dreams
FT. NEDJMA // FLASH-BACK

Il secoua la tête.

— J'ai jamais été à l'académie... les études c'est pas vraiment mon truc.

Contrairement à elle, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Il n'avait rien contre eux -contre personne, en réalité- juste pas l'habitude de les côtoyer. Il leva les yeux vers l'horloge qui trônait au-dessus du comptoir, et sursauta en réalisant que sa pause était terminée depuis vingt bonnes minutes.
Qu'est ce qu'il ne ferait pas au nom de la justice.

— Je vais devoir te laisser, le devoir m'appelle.

Il fouilla dans ses poches, ramassa les pourboires qu'il s'était fait depuis le début de la journée et calcula rapidement un prix approximatifs en fonction des tarifs du coin. Il laissa les pièces sur la table, et se leva en finissant son soda d'une traite.

— Si un jour t'as envie de te faire tatouer, je travaille juste en-haut de la rue.

Il se pencha sur la table de son côté, suffisamment près pour pouvoir murmurer, mais pas assez pour empiéter sur son espace personnel.

— Tu peux passer même si c'est juste pour me voir, c'est pas interdit.

Un clin d'oeil parce qu'il ne peut pas s'en empêcher. Il n'attendit pas de réaction de sa part, et préféra rejoindre la sortie sans se retourner. En voulant remonter la rue, il fut forcé de repasser devant elle, et s'arrêta derrière la fenêtre.

— Demande Saul ! cria-t-il pour qu'elle puisse l'entendre malgré le double vitrage et la musique. Les autres sont des brutes.

Et aussi vite qu'il lui était rentré dedans, Saul disparut de son champ de vision.

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FT. NEDJMA // FLASH-BACK

— Parrish... Parrish, putain !

Saul retira son casque à la hâte et se retourna, visiblement paniqué par la voix de son patron qui lui hurlait dessus alors qu'il ne faisait rien d'autre que nettoyer ses outils.

— Oh, salut Trav' ! Tu veux q-

— Y'a une nana qui te demande à l'entrée. Et on manque de coton profites-en pour aller m'en chercher.

Il s'en alla aussi rapidement qu'il était arrivé, laissant Saul de nouveau seul avec sa vaisselle. Il abandonna ses outils dans le bac de stérilisation et sécha ses mains sur son jean, tout en quittant la pièce pour rejoindre l'entrée du salon.

Dire qu'il fut surpris de retrouver Nedjma serait mentir. Il s'attendait à ce qu'elle vienne, mais à vrai dire, pas aujourd'hui. Ils s'étaient recroisés à plusieurs reprises -les premières fois parce qu'il l'avait fait exprès, les dernières par pur hasard- mais elle n'avait toujours pas daigné mettre les pieds dans le salon avant ce jour.
Il considéra qu'un grand pas avait été franchi.

— Hey ! la salua-t-il en arrivant à sa hauteur. C'est pour quoi ?Un tatouage ou mes beaux y-

— PARRISH ! retentit la voix de Travis depuis le fond de la pièce.

— Ouais tout de suite !

Il posa une main dans le dos de Nedjma pour la pousser avec lui vers la sortie.

— Il veut que j'aille faire les courses, tu m'accompagnes ?

Une fois la porte refermée derrière eux, la musique se tut complètement pour laisser place au vacarme de la ville. Le supermarché était un peu plus loin, à un petit quart d'heure de marche à peine.

— Je commençais à me demander quand est-ce que tu finirais par te montrer.

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FT. NEDJMA // FLASH-BACK

— Ça fait... quelques mois.

Techniquement, ce n'était pas un mensonge. Il venait tout juste d'entamer sa formation, il y a trois ans, juste après son accident qui lui avait coûté deux ans de sa vie dans le coma, plus un de convalescence. Et Saul recommençait tout juste à recommencer à vivre depuis quelques mois.
Alors non, ce n'était pas un mensonge.

— Ça a l'avantage de réunir deux des trucs que j'préfère dans la vie -le dessin, et apprendre à connaître les gens.

Ils passèrent la porte du supermarché et Saul s'engouffra entre les rayons, incapable de se rappeler où se trouvaient les sac de coton. À vrai dire, ce n'était jamais lui qui se chargeait de faire ça, mais cette fois-là tombait à point nommé. Travis ne faisait pas partie de MIST, bien que cela aurait pu être le cas vu le mépris qu'il avait envers le système. Et cela aurait bien arrangé Saul, d'avoir un gars comme lui pour lui rappeler pourquoi il était là.
Mais pour l'instant, Saul était seul -et sa voix ne se faisait pas entendre. Plus il prouverait son implication et son efficacité, et plus il aurait de chance de porter ses idées plus haut dans la pyramide.

C'était la seule chose qui le motivait encore à mentir par omission à des gens comme Nedjma.

— Je sais pas encore si je ferai ça toute ma vie, tarde pas trop si t'as envie d'en faire un.

Il ne possédait pas grand chose de matériel, Saul. Il n'y accordait que très peu d'importance, car il avait toujours considéré que son passage sur Terre était éphémère, alors autant ne pas l'encombrer avec un amas de possessions inutiles.

A million dreams
FT. NEDJMA // FLASH-BACK

Saul ne réfléchissait pas beaucoup à l'avenir lointain. Il avait appris à ses dépends qu'il ne pouvait pas se le permettre, lui qui vivait selon le bon vouloir des aléas de la vie.

— Je sais pas, je pars du principe que si un jour j'ai envie de changer, je le ferai. C'est pas un truc que je vais planifier à l'avance.

Il désigna l'allée pharmacie au moment où ils passèrent devant, regarda attentivement les rayons à la recherche des compresses qu'ils avaient l'habitude d'utiliser. Quand il trouva enfin dessus, une expression de pure fierté se dessina sur son visage, et il ne put s'empêcher de se tourner vers Nedjma pour lui montrer, comme s'il venait de faire la trouvaille du siècle.

Tous les habitants du quartier semblaient avoir choisi le même moment pour faire leurs courses, raison pour laquelle ils attendaient patiemment derrière une mère débordée par ses trois enfants. La petite fille inconsolable dans les bras de sa mère lui rappela soudain toutes les fillettes dont il s'était occupé à l'orphelinat -à la différence où celle-ci avait une maman- raison pour laquelle il ne peut s'empêcher de lui faire un sourire qui eut pour effet de l'apaiser immédiatement.

Il finit par soupirer, et murmura surtout pour lui-même.

— Je me demande ce que ça va être, de grandir à Astrophel maintenant que le climat a changé.