Caractère
fêtarde - ‘don juan’ - droguée - sans gêne - mommy issues - féministe et lgbt engagée - auto-destructrice - dépression anxieuse se transformant progressivement en dépression bipolaire
I feel like I'm the worst so I always act like I'm the bestC’est simple. Pour toi, tout est simple, tu ne réfléchis pas vraiment. T’as tendance à foncer, te baser sur ton instinct et ses sentiments, agir avant de réfléchir. t’es pas une tête brûlée, mais tu refuses de regretter plus de chose que tu ne regrettes déjà. T’as décidé de vivre au jour le jour, t’évites de regarder en arrière parce que tu sais que ce qu’il y a -Lilium adolescente- te dégoûte. Tu te mêles aux autres, te fonds dans la drogue, l’alcool et la nicotine, dans le plaisir de la chair pour oublier qui tu es. C’est tout ce que tu désires. Devenir quelqu’un d’autre. Oublier pendant quelques minutes ta vie, et te sentir bien, te sentir mieux. Ne t'inquieter de rien, et regretter après coup.
Tu cherches à être aimée. Quitte à passer pour quelqu’un que tu n’es pas, tu cherches la présence des autres, leur peau contre la tienne, de quoi t’assurer qu’ils sont là. Que rien ne peut t’atteindre et te faire du mal. Garçon ou fille, peu t’importe: t’as longtemps cru être homosexuelle, et même encore aujourd’hui tu ne sais de qui tu peux tomber amoureuse. Mais tu refuses. T’as trop peur d’être encore brisée, t’as trop peur de t’attacher. Tu refuses de trop parler de toi, parce que tu sais que la probabilité que tu claques d’une overdose dans les prochains mois est loin de zéro. T’as déjà essayé de faire des efforts; parce que t’as peur de finir comme ta mère, parce que t’as toujours été effrayée de devenir comme elle, tu veux tellement arrêter, changer, fermer les yeux et tout oublier. Mais ça marche pas comme ça, Lilium.
On peut difficilement dire que t’as été
élevée, mais ta mère t’as transmis beaucoup de choses. T’imagines, des fois, comment elle était avant ta naissance, et c’est sûrement cette partie que tu reflètes le plus. Tes sourires et ton humour, l’énergie incessante qui brûle en toi. L’adrénaline qui t’a acheté ta moto, qui t’empêche bien souvent de réfléchir. La fougue naturelle -un trait familial- , la prestance, le charisme et les manières théâtrales propre à tes origines. Tu parles fort, réagit au quart de tour, insulte beaucoup, parles avec les gestes. Tu fixes les autres dans les yeux, dis tout haut ce que tu penses, manques profondément de tactes.
Et puis tu pleures. Souvent, dans ta chambre, en silence. Quand la peur te paralyse et que les souvenirs te hantent, quand tout devient trop dur à supporter. T’as toujours cette anxiété qui te dévore de l’intérieur et te bouffe le moral. Parce que t’as peur d’être comme ta mère alors que t’es son portrait craché, tu culpabilises de ne pas l’avoir assez aimé quand elle en avait besoin.
Peut-être que si tu l’avais plus regardé, elle n’en serait pas là. T’as tellement peur de foirer l’éducation de tes frères et soeurs; t’as peur de ce qu’il pourrait leur arriver, de ce qu’ils pourraient faire, eux qui sont si dur à lire. C’est ta famille, et pourtant tu ne sais pas.
T’as ce besoin de tendresse et de laisser sortir l’enfant en toi. Parce que vous n’aviez jamais été très riches, vous n’avez pu qu’être là les uns pour les autres, ta famille et toi. Tu cherches à t’amuser, à oublier pour te sentir mieux, rien que quelques minutes. Pourtant, malgré toutes tes peurs, tu continues de prier. D’aller à la messe le dimanche avec tes soeurs, de prier un dieu quelconque pour vous sortir de ce merdier.
Si pas toi, au moins les autres. Ta notion du sacrifice est démesurée quand il s’agit du bien-être des autres. Alors tu dors peu et travailles beaucoup, que ce soit dans ton cabinet de psychiatre ou des petits boulots occasionnels -principalement du pole-dance, parce que tu
sais bouger, tu sais danser- pour payer le loyer.
T’as subit la violence des autres, et tu sais à quel point ça peut faire mal: c’est quelque chose que tu ne ferais jamais, jamais pour rien. Pour toi, c’est uniquement pour l’auto-défense; et si quelqu’un te malmène, tu restes pétrifiée par les souvenirs, par la douleur fantôme. Ca fait parti des sujets que tu ne peux pas supporter, avec le sexisme et l’homophobie. On te dis engagée, tu te dis humaine.
Tu te veux vivante.
Histoire
We are all gutters, but some of use are looking at the stars - Oscar WildeMa vie est une succession de moments où j'ai cru. Une succession d'incertitudes. La première fois qu'on m'a demandé comment j'avais perdu mon père, je crois que j'ai haussé les épaules. Je devais avoir quatre ans, mon petit frère venait d'entrer à l'école et il parlait plus que moi aux autres de notre situation familiales. En fait, papa, ce n'était pas un sujet tabou avec notre mère. Si je n'en savais rien, ce n'était pas parce qu'elle refusait d'y répondre, mais parce que l'histoire changeait. Chaque soir. Tout dépendait de la dose d'alcool qu'elle venait d'avaler et si ses médicaments avaient déjà fait effet. C'était pas ça qui l'empêchait d'attacher mes cheveux bruns en nattes ou de rajuster le col de Juan; elle ne savait juste plus réflechir.
Pendant longtemps je me suis demandé si maman nous aimait. C'était pas compliqué de deviner ce qu'elle pensait, elle était tellement ouverte, tellement expressive, tellement théâtrale. Une dramaqueen, diront certains; une vraie latina, diront les Mendoza. Une vraie Mendoza, à vrai dire. Parce qu'elle avait cette passion au fond des yeux, ces longs cheveux indépendants et la fougue.
La Fougue. Alors je me disais, quand j'étais petite, qu'elle était magique, maman. Des fois quand je la regardais, j'étais persuadée qu'elle volait. Légèrement, doucement, elle flottait à peine, avec ses mèches qui l'entouraient comme si elle avait un ventilateur en dessous d'elle. Elle était tellement jeune -elle m'a eu à 17 ans- et si jolie, que le soir, dans mon lit avec Juan, quand on se tenait la main, je lui disais que je voulais tellement être comme elle quand je serais grande.
Je crois que j'avais huit ans quand le tableau s'est brisé. Quand j'ai vu pour la première fois son visage intérieur -j'ai toujours été persuadé que tout le monde en avait un, un visage intérieur, une expression qui refletait vraiment ce qu'on ressentait, tout le temps- , il était vide, tellement creux, tellement absent.
Je crois que maman est morte quand elle avait 16 ans.
Quelque part, elle a arrêté de grandir parce que son monde s'est arrêté; peut-être quand elle a apprit qu'elle était enceinte, peut-être quand elle a du arrêter l'école pour qu'on ne se moque pas d'elle. Alors elle se couvrait avec son autre visage, celui qui déversait des larmes de tristesse sur moi dès qu'elle se faisait tromper, dès qu'un de ses amants la lâchait. Un soir -je devais avoir treize ans- , au milieu de la nuit, pendant que je lui tenais soigneusement les cheveux au dessus de la cuvette des toilettes, elle m'a dit
"Lili, je suis tellement désolée." et j'ai senti que ces mots-là étaient plus fort que le reste. J'ai senti que la culpabilité, c'était la seule chose qui lui restait.
En dehors de l'alcool et de ses enfants.
Je n'ai jamais haïs ma mère. Elle n'était pas méchante, pas insultante. Elle se contentait d'être notre mère biologique et me laisser m'occuper de mes demi-frères et soeurs, parce qu'elle-même savait au moins une chose. Elle était nulle pour s'occuper de nous. Elle essayait de faire des efforts, des fois, mais à chaque fois qu'elle se trompait, à chaque fois que ses joues se couvraient de honte, elle s'enfermait dans sa chambre avec ses bouteilles jusqu'à oublier à quel point elle avait tout raté.
Des fois elle oublait de fermer le verrou, alors je venais la border quand elle dormait ; il lui arrivait de se réveiller et de me tirer la main, me demandant de lui chanter une berceuse. C'était dans ces moments-là que je me demandais qui était la mère; si elle avait eu un exemple à suivre, si elle avait recu de l'amour maternel. Je n'ai jamais connu ma grand-mère, et les questions sont toujours restés sans réponses, dix ans après.
Smoking is indispensable if one has nothing to kiss - Sigmund FreudJ'ai toujours été plus proche de Juan, que de Valentino, Theodora ou Fiona. Sans doute parce qu'on partage le même père et qu'on a qu'un an d'écart, on aurait joué un rôle parental au sein de la famille s'il avait une once de responsabilité en lui. Quelque part, j'ai toujours su comment ça finirait, avec lui: en prison pour une connerie. Juan, sa passion passait par la protection. Il fallait toujours qu'il nous sauve au péril de sa vie, comme la fois où il avait tabassé un gosse à 11 ans parce qu'il avait regardé sous ma jupe et que j'avais pleuré. Je crois que je n'ai plus jamais pleuré devant lui depuis.
Notre spot, c'était le toit -on habitait dans un tout petit appartement, au deuxième et dernier étage d'un immeuble en bordure de Mexico city- plat, là où on pouvait regarder le ciel et les étoiles, là où si on se concentrait fort, on pouvait se croire à l'autre bout du monde, parce qu'il parait que partout où on va, les étoiles sont les mêmes. C'était sur le toit que je lui ai avoué à quel point j'étais effrayée. Effrayée d'être comme maman, effrayée de mourir à seize ans et de devenir une enveloppe vide. D'avoir tant besoin d'avaler une petite pillule de bonheur pour être un peu heureuse, d'avoir tant besoin de vider une bouteille de tequila pour me sentir un peu plus vivante. Je crois que j'ai jamais vraiment eu confiance en moi, et que tout ce que j'avais peiné à construire pour me sentir visible, pour me sentir digne, s'est éffondré le soir où j'ai fumé ma première cigarette. Où j'ai bu ma première bouteille -ceci-dit j'ai toujours suspecté ma mère de verser de la tequila dans ma nourriture quand j'étais bébé. Où j'ai avalé mes premières pillules d'anti-depresseur. Quand tout a commencé à partir en vrille dans ma vie -
encore plus que l'état actuel des choses- , quand j'ai commencé à regarder les autres.
If you want to keep a secret, you must also keep it hide from yourself - George OrwellC'était au lycée que j'ai connu mon premier amour. La première fois que j'ai senti un creux à l'estomac devant un sourire, la première fois que j'ai eu chaud en hiver, quand ses yeux verts se posaient sur moi et que j'abordais ce sourire débile. Juan a sans doute été le premier à le remarquer, le premier à me titiller dans notre chambre pour savoir de qui j'étais tombé amoureuse. Je ne lui ai pas dis, et il l'a apprit bien après. Je faisais des détours pour l'observer, j'avais fini par connaitre son emploi du temps par coeur, et, peu à peu, son regard se posait sur moi, plus régulièrement, puis des sourires, des gestes, et bientôt des paroles, des salutations, des rires. Alors on est devenu proches, on a appris à se connaitre. Et bientôt, ce que je me forçais de prendre pour de l'admiration s'est mué enquelque chose de trop fort, de trop brulant pour moi. J'étais si effrayer de l'approcher encore, mais j'étais incapable de l'oublier. Et chaque nuit, dans mon lit, il n'y avait qu'
elle. Elle, elle, elle, elle partout dans ma tête.
Et j'étais tellement effrayée par le regard des autres, par le pouvoir que les mots et les regards ont sur l'âme. Parce que ce n'était pas tant les actes qui me faisaient peur -et pourtant, le dernier gay à avoir été découvert avait finit une nuit et une journée enfermé dans un placard avant que quelqu'un ne remarque qu'il avait disparu- mais les regards de dégoûts. Parce qu'il ne me restait plus que l'amour auquel m'accrocher, plus que le fait de savoir être entourée.
Un soir, seules sur la terrasse de la maison d'une amie de Soledad qui organisait une soirée avec la moitié du lycée, nos mains se sont effleurées. Et j'ai senti, j'ai senti qu'elle comprenait ce que je resentais. J'ai vu dans ses yeux le reflet des miens avant qu'elle ne tourne la tête. J'avais du rêver. Il n'y avait pas moyen qu'elle m'aime, qu'elle ressente quelque chose pour une une fille aussi diforme qui a loupé son enfance en fumant trop tôt, en se droguant et qui n'avait tout simplement pas de passion. Trente-sept minutes après, elle m'avait embrassé.
"Dios mio, désolée, le dis à personne s'il te plais, je sais pas-" j'ai jamais su ce qu'elle ne savait pas puisque je crois qu'à cet instant, je me suis jeté sur elle, jeté sur ses lèvres.
"Il faut que personne le sache. Il faut que personne ne nous voit." J'ai juste hoché la tête, et on a tout gardé secret.
You have to deal every day with people who were foolish and lazy and untruthful and downright unpleasant, and you could certainly end up thinking that the wold would be considerably improved if you gave them a slap - Terry PratchettC'est sûrement quand mon professeur d'anglais m'a convoquée pour la première fois dans son bureau après les cours que mon âme s'est fissurée un peu plus. J'avais pensé qu'il voulait me parler de mon A+ au dernier exam, parce que je l'aimais bien, comme professeur.
Je l'aimais bien. Le cauchemard a commencé avec du simple chantage. Si je ne lui apportais pas ci ou ça, toute l'école allait savoir pour Soledad et moi. Et je l'aimais trop, elle, pour lui faire du mal. Je pense qu'elle n'a jamais soupsonné ce qu'il se passait. Elle a gardé son innocence jusqu'au bout, parce que j'a décidé d'alourdir mon fardeau pour laisser ses frêles épaules en paix.
Je crois que Juan a été le premier a deviner que quelque chose n'allait pas. Parce qu'il a toujours pu voir mon visage intérieur, il a du savoir qu'il y avait quelque chose de bizarre le soir même. Mais j'ai préféré ne rien dire, parce que je savais ce dont il était capable. Je crois qu'à ce moment-là, j'ai choisi pour la première fois de lui mentir. C'était la nuit où je suis devenue une menteuse. Où j'ai dis que tout allait bien. Chaque jours. Chaque instants, avec mon faux sourire, je me rapprochais un peu plus de la mère que j'avais si peur de devenir.
Et lorsque l'affaire en est venue à la violence, j'étais perdue. Parce que, soyons franc, je peux difficilment dire que tout va bien avec des bleus sur les côtes. Et je pense que je n'a jamais autant aimé le fait que notre mère soit trop aveugle et que Juan et moi ayons atteint un âge où nous changer l'un devant l'autre devenait gênant. Tout ça a duré huit mois, jusqu'au début de l'été, où il fait assez chaud pour être suspect en étant habillé de plus tissus qu'un bikini. Et lorsque Juan a vu, Juan a compris, lorsque j'ai vu l'horreur dans ses yeux et que j'ai su qu'ils étaient le miroir parfait des miens, je me suis demandé à quel moment j'avais merdé.
Si les Dieux me detestaient assez pour m'infliger tout ça.
Deux jours après, la police arrêtait Juan avant qu'il n'achève de battre à mort mon professeur d'anglais. Je n'ai jamais su comment il avait deviné, et je n'ai jamais demandé. Devant ses yeux remplis de rage et d'amour, devant ses poings ensanglantés et son visage intérieur, si triste, si terrifié, il n'y avait qu'une affirmation qui tournait dans ma tête. J'ai tout merdé. J'ai tout merdé. J'ai tout merdé.
If liberty means anything at all, it means the right to tell people what they don't want to hear - George OwellJe n'ai pas eu besoin de voir beaucoup de procès pour savoir que celui de Juan n'était pas équitable. Parce qu'on était trop pauvre et qu'on ne pouvait avoir qu'un petit avocat, et que le professeur d'anglais était loin de l'être. La vérité ne m'a jamais semblé aussi brûlante de haine que lorsqu'elle sortait de ma bouche. Et au fur et à mesure que je parlais, je me rendais compte à quel point la situation était grave. A quel point rien n'allait bien. Puis le verdique est tombé.
"Coupable." C'était comme si le monde s'était mis sur pause. Je n'ai remarqué que je hurlais que lorsque l'air est venu à manqué, et il a fallu trois policiers pour me retenir de sauter de ma chaise et achever ce que mon frère avait commencé. Et pendant que je hurlais son nom, je voyais mon petit frère tellement plus grand que moi me fixer, et partout sur son visage je pouvait lire qu'il avait tellement, tellement peur. Quand il fut sorti de la salle, je me suis écroulé sur Valentino, et j'ai pleuré.
Tout le lycée était au courant du procès. Tout le monde me regardait marcher dans les couloirs, tout le monde me donnait envie de vomir. Pourquoi j'étais devenue si intéressante? Parce que Juan était en prison par ma faute? Parce qu'un professeur a démissioné par ma faute? Deux jours après le procès, Soledad a rompu. Parce que tout allait se faire savoir et qu'elle avait trop peur de l'homophobie générale, elle a préféré s'en aller. Et pendant les deux dernières semaines de mes années lycéennes, j'ai du affronter les conséquences, seule.
Et puis, face aux cinq gars du club de tennis, je me suis rendu compte d'un truc. Juan n'avait pas fini en prison pour que je me fasse à nouveau bizutter. Juan n'était plus là pour me proteger, et si j'étais dans la merde, je devais m'en sortir seule.
Pense, Lilium. Pense comme lui. Qu'est-ce qu'il ferrait? Il frapperait. Alors j'ai frappé, sans vraiment y penser. S'il n'y avait plus de Juan pour proteger la famille, pour proteger le reste de dignité qui ne s'était pas brisé sous le marteau du juge, pour montrer un tant soit peu de figure forte, j'endosserais ce rôle.
For you know that i myself am a labyrinth, where one easily gets lost - Charles PerraultJusqu'à l'été de mes dix-huit ans, je crois que je n'avais pas vraiment fait attention au reste de la famille. Mais sans Juan et avec ma mère encore enceinte -son nouveau mec l'avait plaqué en l'apprenant- qui ne comprenait pas du tout ce qui se passait, je me suis rendue compte que Valentino était le plus distant de la famille. Et il ne l'était pas, avant. A quel moment mon regard s'était-il détourné de ce qui m'importait le plus? De ce que je m'étais promis de m'occuper? Ca me couvrait de honte, mais moins que lorsque je finissais mes soirées dans le même état que ma mère. Celui dont j'avais tellement honte, à treize ans, en lui tenant les cheveux.
J'ai commencé des études en psychologie, parce que Juan m'avait toujours dit que je savais lire sur le visage des gens, et parce que ça payait bien. Chaques semaines, j'allais en prison pour lui tenir les mains quelques instants, pour l'entendre murmurer
"Hermana, hermana", pour qu'il m'embrasse le front pendant que je lui raconte tout ce qui se passait à l'extérieur. Pour que je lui dise que l'accouchement s'était bien passé, qu'il s'agissait d'un nouveau petit frère, qu'il s'appellait Timoteo mais que maman aimait appeller Pepito.
Et puis, à la fin de mon premier semestre, d'un coup, maman s'est refermé. Elle ne chouinait plus sur moi, elle ne buvait plus, elle ne sortait plus. Elle ne parlait plus. Elle ne mangeait plus. Et quand elle tournait la tête vers moi, je voyais le même visage que celui que j'avais vu, à huit ans, sous son sourire. Elle avait abandonné. Maman avait arrêté de se battre, arrêté de se cacher. Et je me suis rendue compte qu'une mère fausse, une mère enfant vallait mieux qu'une mère fantôme. Quand elle s'est évanouie dans la salle à manger quatre mois plus tard, on a du l'emporter à l'hôpital. Quelque part, le verdict ne me surprenait pas. Grave dépression. J'ai pleuré, à nouveau, dans la salle d'attente en tenant le petit Timoteo dans mes bras, avec la main de Valentino qui me caressait doucement les cheveux et Fiona qui essuyait les larmes sur mes joues avec son mouchoir personnel -celui brodé de ses initiales qu'elle avait cousu en primaire- en repetant
"ça va aller, hermana, ça va aller."Je n'avais jamais pleuré pour ma mère.
Now something so sad has hold of us that the breath leaves and we can't ever cry - Charles BukowskiJ'avais commencé à travailler à côté des études pour payer le loger -des petits jobs à droite à gauche- quand Juan est sorti de prison. Quand il a tenu pour la première fois Timoteo à la maison, quand on est monté sur le toit pour regarder les étoiles et nous imaginer ailleurs, quand il est revenu dormir dans mon lit, main dans la main, comme quand on était enfants. Il allait voir maman à l'hôpital avec moi et travaillait aussi à temps plein jusqu'à pouvoir reprendre ses études et avoir son diplôme.
Un soir, Valentino est revenu tard à la maison, et j'ai compris bien avant qu'il ne parle, rien qu'aux yeux rouges et aux mains tremblantes, que quelque chose clochait. On a couché les plus jeunes, puis Val a explosé. Alors j'ai compris pourquoi il était plus distant, pourquoi il rentrait tard et partait tôt, pourquoi il se coupait du reste de la famille. Je crois que Juan n'a jamais était aussi petrifié de peur que lorsqu'il a apprit ce qu'avait fait son petit frère -encore plus que quand la sentance était tombée,et je pouvais le comprendre: c'était comme s'il avait pris modèle sur les mauvais côtés de son frère aîné- et que mon coeur a rarement était plus rapide. D'un point de vu objectif, il n'y avait que deux solutions: le soutenir et fuir, ou le renier et le laisser se démerder. J'ai pas réfléchis à la deuxième option: il n'y avait aucun moyen pour que
je pense quelque chose du genre. Je l'ai juste pris dans les bras pour le bercer comme quand il était petit.
"C'était de la légitime défense, mi caro. De la légitime défense."Officiellement, c'était parce que Valentino avait découvert qu'il pouvait maitriser l'eau; la destination n'était pas optionnelle. Parce que c'était trop gros, parce que c'était incontrôlable et que tout le monde savait que le choix nous manquait, j'ai commencé à regarder les appartements à Astrophel City.
La cuidad de maravillas, comme on dit au Mexique.
Au dernier été de mes vingt ans, je suis allé dire au revoir à ma mère. Des heures assise à la regarder, le regard vide rivé par la fenêtre, à tout lui expliquer. Au moment où je me suis levée, je crois avoir senti sa main se resserer sur la mienne, je crois avoir vu un éclat de larme sur sa joue. L'instant d'après, elle était aussi vide, comme si j'avais rêvé. J'ai peut-être rêvé, parce que je désirais si fort, si fort, qu'elle se réveille. Qu'elle se tourne vers moi en souriant, une dernière fois, qu'elle n'ait plus cet air si fatigué. Quand j'ai fermé la porte derrière moi, un homme s'appretait à y entrer, l'air hésitant. Je me suis éloignée sans y faire trop attention; et dans le hall de l'hôpital, son visage m'en revenu en mémoire. Un souvenir infime de mon enfance qui vient engloutir mon âme entière. Je crois, je crois et j'espère tellement, tellement fort avoir raison, et qu'il s'agit bien de celui qui a enfanté ma mère de deux petites jumelles.
Et quand je retourne à la maison, je souris, parce que je sais que maman ne sera plus jamais seule.
Now and then it's good to pause in our pursuit of happiness and just be happy - Guillaume ApollinaireOn avait pas beaucoup d'affaires, alors tout rentrait dans nos deux voitures -Juan et moi avions eu nos permis tôt et ça nous permettait de voyager en famille. On avait jamais vraiment quitté Mexico City, et le changement de terrain était euphorique pour tous. Astrophel City était totalement différent de là où on avait passé toute notre vie. Peut-être un peu moins vivant, mais on peut difficilement reprocher à un
mexicain de trouver l’extérieur ennuyant. On a loué un appartement, puis un second adjacent quand j'a commencé à bosser comme secretaire d'un cabinet de psychologue et qu'à six, c'était beaucoup; Juan est venu avec moi, mais on a continué à tous vivre ensemble, comme dans un gros appartement.
Quand les fins de mois étaient difficile, Juan et moi faisions des petits boulots à côté; j’ai commencé à exercer comme pole-danseuse, quelques nuits, parce que j’avais déjà pris des cours plus jeune. Puis mes crises ont continuées. Se sont accentuées. La drogue, la nicotine, l’alcool, tout devenait plus quotidien pour moi, quand j’ai continué à chuter. Et j’attend toujours de toucher le fond.
I don't want to repeat my innocence. I want the pleasure of losing it again - F. Scott Fitzgerald