Starry eyes

Des fous rires, des photos prises à l’arrière de la Lamborghini, des baisers rapidement échangés, des conneries dites un peu trop fort. Dans la boîte de nuit, de l’alcool dans le sang, les narines pleines de poudre blanche, la tête qui tourne et le cœur qui bat très fort. La musique si forte qu’elle crève les tympans, des pas de danse répétés plusieurs fois au cours de la soirée, des cris, des rires un peu bêtes, encore et encore.
Les heures défilent rapidement, la fatigue commence à se faire sentir chez les autres mais Mia reste debout, en pleine forme. Elle offre plateau de shots après plateau de shots – caramel, cassis, menthe, il y en a pour tous les goûts. Comme souvent, elle dépense son argent pour faire plaisir aux autres. A quoi ça sert sinon, d’avoir des billets pleins les poches ?
Vers les coups d’une heure et demie, elle sort prendre l’air accompagnée de ses deux gardes du corps ; Steven et Kyle, deux types baraqués qui ne lui servent pas à grand-chose si ce n’est intimider les paparazzis et les fans trop envahissants. La chanteuse regarde autour d'elle, personne. Elle lève les yeux vers le ciel étoilé, sereine.
— Tu veux une clope, Mia ? lui propose Kyle.
— Non. Ça donne le cancer ces conneries.
Elle se donne quelques minutes pour inspirer de l’air frais, puis elle décide de retourner à sa place. A l’intérieur de la boîte, ses amis -tous aussi connus qu’elle- l’attendent au coin V.I.P.
— J'vais y aller seule. Rejoignez moi quand vous aurez fini de fumer.
Un dernier clin d’œil, un petit sourire échangé avant de tourner les talons. Quelques mètres plus loin, elle entend les plaintes d'une femme, elle voit les gestes inappropriés d'un homme. En voyant la scène son sang ne fait qu'un tour. Elle s'approche d'eux, vite, les sourcils froncés.
— Tu fous quoi, là ? hurle-t-elle en poussant violemment le type. Elle veut pas te parler. Casse-toi.
Derrière elle, Steven et Kyle débarquent en courant, prêts à casser sa mâchoire si elle le leur demande – mais elle ne le fait pas. A la place, Mia se tourne vers la jeune femme.
— Ça va aller ? Il t'a rien fait de mal ?
Et elle en oublie même qui elle est, une superstar face à une totale inconnue, tant elle est énervée. Tant ça la révolte ce genre de scène, où un lâche se croit tout puissant devant une femme.

Starry eyes

Un regard paniqué vers ses gardes du corps – rien d’incompréhensible pour Mia, qui leur demande d’aller chercher une bouteille d’eau pour les éloigner un temps. Il doit bien y en avoir dans cette fichue boîte, même si les clients viennent ici pour consommer autre chose que de l’eau. Souvent de l’alcool, des drogues dures pour ceux que repèrent les dealers et de la nourriture peut-être, pour ceux qui ont la dalle de 3 ou 4 heures du matin. Du sexe pour d’autres – des dégénérés comme le type qui vient d’agresser la rouquine devant elle.
— Non, merci…hum… je te connais non ?
Mia se permet de glisser quelques mèches rousses derrière son oreille, histoire qu’elle la voit un peu mieux.
— Peut-être, ouais. Je suis la miss météo de CNN.
Elle dit des conneries, beaucoup de conneries, même dans un moment pareil. Pas pour se moquer d’elle mais pour détendre l’atmosphère. Pour se calmer un peu, mieux gérer son stress. C’est quelque chose qu’elle a l’habitude de faire depuis plusieurs années.
Dans la minute, Steven lui tend une bouteille d’eau fraîche. Elle l’ouvre rapidement avant de la tendre à son interlocutrice, visiblement pompette et encore sonnée parce ce qu’il vient de se passer.
— Tu veux qu’on aille prendre l’air ?
Mia pose la question mais elle ne lui laisse pas le temps de répondre. Comment aurait-elle pu ? La pauvre nana n’arrive pas à aligner trois mots.
— Ça va un peu mieux ?
A l’extérieur, de l’air frais et personne pour les faire chier.
La super-vilaine se donne quelques secondes pour observer la jeune femme ; c’est vrai qu’elle est belle mais elle met rapidement cette pensée de côté.
— Je m’appelle Mia, au fait. Tu m'as sans doute vue à la télé... mais plus sur MTV que sur CNN.
Un rire léger lui échappe.
Et maintenant qu'est-ce que je fais ? Elle peut partir mais quelque chose lui dit de rester.
La peur qu'on l'agresse à nouveau ?
Le besoin de la rassurer ?
Un peu des deux, peut-être.
— Et toi ? Elle lui sourit légèrement. T'as pas oublié ton nom, rassure-moi ?

Starry eyes

— Non non ! Je m’appelle Lilium. Lilium Mendoza.
— Lilium, répète-t-elle pour mieux mémoriser son nom. C’est joli comme prénom.
Mia voit des dizaines et des dizaines de nouveaux visages par jour, mais elle tient à mémoriser le nom de chaque personne qui croise son chemin parce que ça coûte rien et ça fait plaisir à certains.
— Tu serais pas d’origine mexicaine à tout hasard ?
Son nom de famille ne lui dit rien en particulier mais il est familier, il sonne bien, il lui rappelle son côté latino-américain. Un côté dont elle s’inspire et parle souvent tant elle est en fière – et dont elle se sent proche pour des raisons très personnelles. Des vacances passées au Mexique plutôt qu’en Ukraine pour des raisons financières. Un père décédé, un lien renforcé entre elle et sa mère.
— J'ai l’œil pour repérer les nanas de chez nous, dit-elle un petit sourire au coin des lèvres. Faut dire qu'elles sont canons, ça aide.
Un compliment dissimulé, l'air de flirter avec une femme qui vient d'échapper aux sales pattes d'un homme bourré. Mais elle ne fait pas toujours exprès, Mia, de parler comme ça aux autres. Là, elle l'a fait inconsciemment tant elle a l'habitude de charmer les 'nanas canons' comme elle dit.
You call me all friendly telling me how much you... ♪
La sonnerie de son téléphone retentit, l'empêchant de dire un mot de plus à Lilium. Elle fait la grimace en lisant le nom sur l'écran, puis son nombre d'appels manqués.
— C'est une pote, elle se demande où je suis passée.
Une pote un peu trop protectrice au goût d'une personne comme Mia – une personne qui a besoin d'espace et de liberté en amitié comme en amour.
— Au fait... elle lui écrit rapidement un message avant de poser à nouveau les yeux sur Lilium. T'es pas venue accompagnée ?
Elle fait ce qu'elle veut -ce n'est pas la chanteuse qui va la juger- mais elle est curieuse et spontanée, alors elle ne peut s'empêcher de poser toutes les questions qui lui passent par la tête.

Starry eyes

— Si.
Elle reste silencieuse quelques secondes de plus, le temps de décider quoi faire maintenant : retourner auprès de ses amis ou passer le reste de la nuit avec Lilium. Et puis elle se dit « merde », qu’elle pourra toujours s’amuser avec eux le week-end prochain autour de la même table V.I.P., mais pas forcément recroiser la mexicaine en face d’elle.
— …Mais ils ont pas besoin de moi pour passer une bonne soirée.
Mia lui sourit légèrement.
Ils devront se passer de son rire communicatif et de ses mouvements de danse endiablés pour cette fois. Mais elle ne s’en fait pas trop, parce qu’on a tendance à lui pardonner facilement et parce qu’elle a encore toute la vie devant elle pour refaire la fête avec ses amis proches.
— Du coup je suis navrée de te l'apprendre, mais tu devras me supporter un peu plus longtemps.
Un clin d’œil fait à Lilium, deux-trois mots échangés avec ses gardes du corps – « pas la peine de me suivre, les gars, c’est pas une nana comme elle qui va me faire du mal. » Une nana qui n’a rien prévu de tout ça : se faire agresser, rencontrer une superstar...
— Ma voiture est garée là-bas, elle pointe du doigt sa Lamborghini. Ça te dit d'aller faire un tour ?
Et puisque son interlocutrice ne dit pas non, elles vont s’installer à l’intérieur du véhicule. Mia attache sa ceinture, allume la radio – et le temps qu’elle trouve de la bonne musique, elle se tourne vers Lilium.
— Je commence à avoir faim, pas toi ? On peut aller dans un bar pas loin d'ici si ça te dit.
A moins qu'elle veuille juste rentrer chez elle... non ? Je pense pas.
Elle n'espère pas. Elle se sentirait un peu con, sinon.