J'étais dans mon petit "atelier" attitré, dans un coin plutôt tranquille de ma maison. Bon, atelier, c'était vite dit, c'était juste une petite pièce en plus que j'avais réaménagé à ma manière et qui me servait de... d'un peu tout en fait, atelier de bricolage, bureau, salle informatique... Personne n'avait le droit d'y rentrer -du moins sans ma présence-, et ça, ma mère l'avait bien compris. Ce n'était pas comme si je veillais à bien fermer la porte à clé à chaque fois que je devais quitter la maison. Il est vrai que je pourrais faire mes affaires dans ma chambre, mais disons que ça serait beaucoup trop le bordel sinon.

Donc, comme d'habitude, j'étais en train de faire mes petits bricolages dans ma minuscule pièce secrète, et comme d'habitude, je ne voyais pas le temps passer. Je pense qu'il faudrait vraiment que j'installe une horloge un de ces jours, surtout que j'avais un invité de prévu chez moi, Nyoo. Oh, on se connaît depuis un bon bout de temps, à dire vrai... Et cette fois, on s'était donnés rendez-vous chez moi, au lieu de traîner de lieux en lieux. Pourquoi, je ne sais pas, peut-être que ça nous changeait de nos vagabondages habituels.

J'étais tellement absorbé dans mon occupation que j'ai sursauté quand j'ai entendu la sonnette retentir avec une lourde insistance. Un peu paniqué, j'ai fouillé partout jusqu'à retrouver mon portable pour voir l'heure. Merde, j'avais vraiment pas vu le temps passer ! Bon, pas le temps de se changer, de toute façon c'est pas en étant en sweat bleu foncé à capuche, en pantalon gris et pieds nus que j'allais le choquer, si ?

Un peu pris au dépourvu, je sors de la pièce en laissant tout en plan -car n'ayant pas le temps de ranger proprement-, ferme la porte précipitamment et me dirige en courant vers la porte d'entrée.

Ah, salut, je lui dis, passant la main dans mes cheveux pour faire style je me suis coiffé -alors que pas du tout. Désolé, je suis pas très présentable... Viens, rentre !

Est-ce que je lui ai signalé qu'il y avait une personne en fauteuil roulant, d'où les nombreux aménagements un peu spéciaux qu'il peut y avoir dans la maison et le jardin ? Bah, qu'importe.

Je souris à sa remarque. En effet, il ne valait pas mieux que moi, pour le coup. J'accueille avec plaisir cette tape dans le dos, je laisse échapper un petit rire même. Non pas sur le fait qu'il n'est probablement pas de costard chez lui, mais plutôt que ce contact amical me plaisait bien. Je le laisse donc entrer et balancer ses chaussures dans un coin.

Superbes chaussettes, je commente avec un petit sourire amusé. Je peux avoir les mêmes ?

Je me dirige vers la cuisine, remarquant que Nyoo me suivait. Je me tourne vers lui, et... Ah, j'ai sûrement oublié de lui préciser à propos du handicap de ma mère... Erf, comment je peux annoncer ça...? Si seulement c'était à cause de goûts très étranges, ça aurait été plus simples pour tout le monde.

Hahaha, non... En fait... Ma mère ne peut juste plus marcher depuis l'accident, donc on a dû... tout réaménager, haha. Tout ça à cause d'eux... je finis, mon regard s'assombrissant.

Ah, si seulement ils n'avaient jamais existé, on ne serait pas dans cette situation. Elle n'aurait pas à endurer tous ces regards des personnes valides, toutes ces difficultés... Je chasse ces pensées de ma tête. Ce n'est pas le moment de penser à ça alors que j'ai un invité chez moi, tout de même : j'aurais tout le loisir de médire sur eux plus tard.

Ah, désolé, tu veux quelque chose ?

Bon... Il semblerait que j'ai vraiment niqué l'ambiance avec mon histoire. Je n'avais pas tellement pour habitude de parler de ce genre de choses, même avec mon entourage. De base, l'accident d'il y a deux ans, très peu de personnes étaient au courant, et seul moi savait pour cette... hm... sensation ? Chose ? Bref, ce qu'il y avait eu dans mon corps à ce moment-là.

Je souris à la tentative de rattrapage de Nyoo, installé tranquillement sur l'un des rangements. Ce n'était pas vraiment mon but de le mettre mal à l'aise, à vrai dire, il allait falloir que je rattrape un peu tout ça.

Haha, ne t'inquiète pas, je n'ai juste pas vraiment l'habitude d'en parler.

Je vais donc chercher le premier truc qui me passait sous la main -pas d'alcool hein, va pas t'imaginer des trucs-, remplis un verre et le tends à mon ami. Je m'en rempli un par la même occasion et m'assois sur la table. Lui en parler ou pas ? C'était assez délicat, quand même ; ça a beau être mon pote, c'est pas facile à aborder, comme sujet.

Bon... Par où commencer... Je commence, prenant mon courage à deux mains.

Et je finis par tout lui raconter. Enfin, tout... excepté la partie où j'avais ressentis ce... truc doux et chaleureux au départ, et qui m'avais très vite donné l'impression de m'être fait déchirer le corps de l'intérieur ; je ne savais même pas comment décrire cette douleur. J'avaos essayé de ne pas trop faire transparaître ma haine pour les supers, mais ce n'étais pas vraiment évident. J'ai terminé mon récit par une pause, avant de conclure :

Voilà... Désolé pour avoir cassé l'ambiance... je m'excuse platement et faussement.

J'avais aucune idée pour changer de sujet, là.

HRP: