Caractère
Dans sa tête, les cris et les appels à l'aide résonnaient encore - ceux d'une autre vie, où le silence était sa seule amante. Un temps, il avait tremblé d'excitation à l'idée d'une révolution, ce temps même où il s'était scarifié à même la cher une utopie trop grandiose pour sa jeune carcasse.
Ce temps encore, où il ne frémissait plus des plaintes des oppresseurs, ceux qui l'avaient marginalité dans leur inconscient et qui sous ses coups et sa haine en venaient à le supplier. Il ne s'émouvait jamais des victimes collatérales - sa cause à lui était noble.
La cruauté se justifiait; la fin justifiait les moyens - un peu ; et il souffrait d'autant de coups qu'il portait.
Souvent ses mains crépitaient encore dans un moment de solitude ; ces mains toujours imbibés du sang des innocents sacrifiés au nom de la liberté - leur liberté.
Tout ce combat qui donnait un sens à une existence déjà toute tracée.
Un peu de jeunesse, de la folie en un soupçon, une inconscience surtout.
Ces dizaines d'ectoplasmes qui le hantent toujours aujourd'hui.
Tout ça, c'était une autre vie - il s'en persuade encore.
De ses lippes doucereuses, il s'assure d'avoir changé le révolutionnaire convaincu en un apaisement vain - à tout ce qu'il a perdu, il dissimulait ses terreurs nocturnes sous des toiles travaillées, finement élaborées pour y dégager toute l'horreur de cet être qu'il n'est plus.
Il a mué cette rage qui l'anime encore sous une empathie permanente hypocrite qu'il croit malgré tout sincère - avant que son corps meurtrier n'atteigne des limites qu'il ne s'était jamais fixées.
Les jours heureux sont loin, partis en fumée, sa propre vie arrachée en même temps que celles volatilisées, subtilisées par ses idéaux infantiles, des années plus tôt.
La culpabilité qui le dévore ronge le peu d'humanité qui lui reste encore mais qu'il clame ne permanence.
Histoire
Petit prince choyé qui n'a jamais manqué de rien - bien entouré de papa maman, entre les courbettes des grands de ce monde qui venait régulièrement adresser leurs respects à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et son épouse - et leur petit héritier, le bien aimé.
Arthur Cavendish avait eu la chance d'être bien né, de ne manquer de rien, mais de désirer tout ; il était pourri gâté bien avant de voir le jour, et déjà, ça ne lui suffisait pas.
...
Arthur ne commença à vivre qu'à son entrée à l'université - ce moment où l'on devient adulte et autonome, où l'on se détache du carcan parental pour bâtir sa propre opinion, et où l'on espère cette vie qu'on aura mérité sans que personne ne nous l'ait donné.
Arthur y a cru, à tout ça.
Il a cru, sous une intelligence rigoureusement abreuvée de théories et de rencontres gradées, une popularité l'ayant propulsée directement au sein du bureau des élèves en tant que vice président - d'abord - et une opinion généralement positive - presque admirative - ; il y a cru dur comme fer, qu'il y arriverait tout seul, et que ses opinions ne découlaient pas directement du désir d'opposition à la pression familiale.
Il y a cru, à un visage angélique malgré les desseins les plus noirs qui avaient peint son palpitant à l'aube de ses vingt ans, arrachant les convictions de paix mondiale porté par son paternel pour y construire un projet - bien plus grand.
Il y a cru, à toute cette vie qu'il était si pressé de vivre.
...
Arthur, il vivait et il dessinait des rêves de reconstruction du monde nouveau, tous les soirs avec Connor et Neal, ces rêves où l'Irlande était maîtresse et la monarchie britannique un vague souvenir du passé.
Ces arabesques folles, de couleurs vives et de traits pressés, où le nationalisme n'était plus une utopie mais une réalité à laquelle ils avaient participé, qu'ils avaient presque crée, à coups de détermination, de courage, d'espoirs jamais morts qu'ils avaient su insuffler à la majorité pour porter leur cause.
Toutes ces nuits où les discours n'étaient plus formatés - ils le croyaient - et durant lesquels ils ralliaient des génies, des loups et parfois des moutons, qui n'avaient pour seul espoir que d'adhérer à leur cause ; parce qu'elle était
la leur et non parce qu'elle était juste.
Et ces nuits laissaient place aux jours.
Ces jours qu'
elle s'était appropriée, à la seule force de son sourire.
...
Son regard sur lui pesait souvent.
Qu'elle le fasse exprès ou que ce soit totalement inconscient.
L'éclat de sa voix qui souvent lui dictait le chemin à suivre - toujours dans l'innocence de leurs regards ; elle ne disait rien, il entendait tout.
Pour elle, il aurait bâti lui-même à mains nues la forteresse du monde libre qu'il fantasmait, et ses mains ensanglantées auraient posé sur son crâne frêle une couronne de mille diamants pour la faire reine.
Il ne lui disait rien ; elle était pourtant tout son univers, sans même lui avoir jamais rien demandé.
Pour elle, il aurait pu abandonner - juste laisser son sourire épanouir sa vie et balayer les rêves de grandeur ; s'il n'était pas poussé par Connor et Neal, il aurait tout laissé tomber avant que le drame ne survienne.
Et parce que la peur qu'elle ne lui pardonne jamais - sans savoir ce qu'il y avait à pardonner - il avait passé sous silence tout ça ; jusqu'à son amour pour elle, qui l'avait consumé bien plus que la Révolution.
...
Et ces jours heureux où elle était à ses côtés, lui tout puissant après avoir renversé le précédent Président du Conseil des Élèves pour régner à sa place -
et tout le monde savait qu'elle était sa souveraine. Ces jours paisibles où ils n'avaient rien d'autre à penser que la validation de leurs crédits, leurs retards, les absences répétées pour profiter de leur jeunesse et de leur insouciance, ceux où ils n'avaient pas avancé dans la vingtaine bien loin, que leurs actes étaient bien sans conséquences et qu'ils n'étaient pas forcés de penser à demain.
Ces jours qui s'entrecoupaient de nuits de colère, sans sommeil, sans rêves, juste la lutte au poing et la haine au cœur.
...
Les années d'université étaient loin déjà.
L'insouciance des heures passés sur le campus, l'innocence de leurs actes, le non-impact de leurs revendications, les cafés entre copains, les heures de jeux et les discussions futiles semblaient bien floues.
Le sourire de Camilia aussi ; il s'y accrochait pourtant, à ce souvenir qui le hantait maintenant que les nuits de révolte s'étaient accaparés les vingt-quatre heures d'une journée.
Il n'était plus le fils d'un ministre, l'ancien président du conseil des élèves, le fraîchement diplômé plein d'avenir, l'amoureux transi loin de son aimée, le jeune premier romantique qui faisait l'unanimité - le prince charmant malgré la cruauté qui envahissait son être depuis plusieurs années.
...
— Tiens, je croyais que tu la voyais plus ? Vous avez fait un beau bébé, félicitations...Arthur qui tenait une photo de Camilia et de Jango entre ses mains, ne réprima rien de son irritation - grandissante, palpable depuis plusieurs mois. Et Connor soupira, ses tentatives pour dérider son meilleur ami restant vaines.
— Ferme ta gueule. T'es prêt, on peut y aller ?— Tiens, t'es impatient d'y être maintenant ? Je croyais que t'étais pas ok avec le plan.Il fronça les sourcils, fermant les yeux, évitant de penser à toute l'hémoglobine qu'ils risquaient de faire couler, et qu'il avait toujours voulu éviter.
— Je suis toujours pas d'accord. J'le sens pas, on est en train de faire une connerie.— Allez, tu sais bien que c'est avec de grosses actions de c'genre qu'on va peser dans le game. Sinon on sera pas pris au sérieux.Ce n'était plus un jeu, depuis trop longtemps.
...
Les cris d'horreur, les quelques pleurs qui avaient suivi leur entrée fracassante dans la banque auraient pu le faire reculer. Mais il s'était rappelé ce que leur chef avait dit, répété frénétiquement pendant son discours quelques minutes plus tôt.
Ils devaient le faire.
Ils avaient pour devoir de revendiquer, de mettre en lumière les abus de la couronne d'Angleterre sur leur pays - et dénoncer leur main mise sur l'économie n'était que le premier pas d'un chemin long et fastidieux.
Malgré le dégoût qu'il se renvoyait de lui-même quand son reflet apparaissait dans les yeux larmoyants des femmes et des enfants innocents, il s'était juré de ne pas faillir. Sous les masques et les cagoules noires, son regard déterminé n'affichait aucune pitié sous les corps accolés par leurs armes.
Au milieu des revendications, pendant de longues heures, elle était là.
Innocente, humaine, flamboyante malgré la terreur qu’ils avaient instauré – elle l’avait figé, de son regard aussi, de stupeur cette fois, un peu d’amour d’autrefois.
Ses yeux frondeurs emplis de courage l’appelaient – il le savait, malgré son ignorance – et il aurait tout arrêté pour qu’elle vive un peu plus ; il l’avait vu mourir quelques instants plus tôt, et son sang s’était glacé à la simple idée de son trépas.
Alors il s’approcha d’elle, rejeta les bras de ses camarades qui avaient voulu le retenir d’une imprudence, et saisit la main délicate de Camilia en relevant sa cagoule pour qu’elle soit seule témoin de son identité.
— Arthur.Il la tira sans violence vers lui et sa chaleur l’enveloppa.
Un instant un seul, où il se perdit dans son regard et y retrouva toute la douceur de leurs liens quelques années derrière lui, et où il lui sourit, comme à chaque fois qu’ils échangeaient tacitement au milieu d’un monde trop bruyant.
Et elle s’agita, brusquement ; rompit la plénitude de leur bulle qui éclata soudainement, sous ses yeux impuissants.
Ce moment qui ne leur appartenait plus, qui avait volé en éclat d’une balle policière qui lui était destiné.
Ce répit dont elle s’était échappé, qui l’avait fait s’écrouler, tomber au sol, l’attirant vers elle pour suivre son corps, elle inerte, lui déjà mort – elle pour de vrai.
Un soupir, un murmure, qui avait détruit tout le reste d’humanité.
— Camilia...T’en vas pas.Et quand entre ses bras son sourire se fanait, il n’était plus que folie, rage meurtrie, son cœur arraché à son corps qui s’élançait dans sa haine et qui reprit le pistolet, tirant inlassablement sur les ombres qui s’agitaient autour de lui et qui revêtaient l’uniforme – rien de ses pleurs sur son visage tiré par la fatigue, la tension, la culpabilité maintenant, rien des appels de Connor et Neal derrière lui pour répondre à l’ordre de repli ne calmaient la tempête qui s’était réveillé et qui avait fait trop de victimes.
Me laisse pas là.Il hurlait et ne s’entendait plus, et ne reprit pas plus conscience lorsque Neal le récupéra avec plus de force pour le rapatrier hors du champ de bataille qu’était devenu le grand hall de la banque.
Emmène-moi....
Trois semaines derrière les barreaux.
Une raclée assénée par son paternel, une culpabilité passé sous silence, ce même silence que sa mère lui réservait à la place des douceurs qu’elle ne lui offrait plus.
Un exil forcé sur un autre continent pour étouffer sa présence dérangeante à un braquage qui avait causé six morts – dont un des forces de l’ordre ; des blessés qu’on ne comptait plus.
Il ne répondait plus aux accusations dans l'intimité du clan Cavendish.
Il n'y avait plus de remords, ni d'horreur affichée de ses actes.
Il n'y avait plus d'humanité.
Elle avait tout emporté avec elle.
...
Il s'était juré, à son arrivée à Astrophel, de faire table rase de son identité, de son passé ; de ne garder que les promesses qu'ils s'étaient faites dans leurs nuits et les jours aussi d'un monde de paix.
Il ne se préservait plus et avait promis dans ses insomnies de porter sur ses épaules le poids de ses pêchés, tout en brandissant l'étendard qu'il n'avait jamais porté, pour retrouver un peu de tout ce qu'on lui avait enlevé.
...
- Résumé:
- Fils du ministre des Affaires Étrangères irlandais, et d'une ancienne professeure de philosophie reconvertie, soutenant de nombreuses associations dans le monde.
- Un parcours scolaire irréprochable, quelques mauvaises fréquentations avant sa majorité qui lui coutèrent le choix de l'université. Il fut envoyé dans la meilleure du pays, pour étudier l'ingénierie et les innovations technologiques.
- À l'université, il entre dans le conseil des élèves et est nommé vice-président, le président étant l'un de ses premiers amis sur le campus.
- Il jouit d'une réputation excellente auprès des élèves, celle d'un travailleur acharné et sérieux, sociable, avenant, magnétique ; en parallèle, il développe des idéaux nationalistes et se réunit avec ses deux vrais meilleurs amis, Connor et Neal, pour refaire le monde.
- Il tombe amoureux de Camilia Roxvenssy, et décide de concurrencer le Président et son conseil, demande un nouveau vote, et réussit à se faire élire en tant que nouveau président du conseil des élèves.
- À la sortie de l'université, il se rapproche des groupes nationalistes extrémistes, dont les actions restent pacifiques. Leur premier coup d'éclat est un braquage, pour lequel Arthur était contre, mais auquel il participe tout de même, voulant se faire une place de choix.
- Un policier le vise et Camilia, otage, reçoit la balle à la place d'Arthur, avant de mourir entre ses bras.
- La notoriété, l'influence, et l'argent de son père évite la prise à Arthur, son implication dans le braquage ayant été étouffée ; en échange, il doit s'exiler aux États-Unis, à Astrophel.
- Il rentre à X-Trem Factory en tant qu'ingénieur rapidement.