T'es là Noah, les yeux ténébreux et le sourire apollon, ton regard glisse sur les visages, tu ne montres rien. Jamais. Depuis que t'es gamin tu joue un rôle, t'empruntes un masque, puis un autre, tu les abandonnes aussi facilement que les nana que tu mets dans ton lit. C'est facile pour toi de jouer. Tu t'y perds parfois. Mais tu t'y plais surtout. Faire semblant c'est peut-être la chose pour laquelle t'es le plus doué.

T'avais hésité à te rendre au prime Noah. C'était Mia et Antigone qui t'avait inscrit. Mais l'enjeu était différent cette fois. Tu te retrouvais souvent dans des plans foireux à cause de leurs beaux yeux. Et si t'habitude tu grognais, t'avais vu que Romeo figurait sur les listes aussi, alors ça t'avait fait sourire. T'aurais certainement préféré te retrouver avec une jolie fille, l'aventure aurait été plus plaisante. Certainement. Mais tu jubilais à l'idée de pouvoir te retrouver enfermer dans la même pièce que l'autre connard. Après tout ça te permettrait de trouver un moyen de le faire plier. Et lire dans ses pensées serait encore plus facile. L'impatience brûlait dans tes yeux. Des idées brouillonnes se dessinaient dans ton esprit. King rentrerait dans la bataille. Jamais son genou ne ploierait. Sa couronne jamais ne tomberait. Il n'y avait que Meera qui avait ce pouvoir-là.

T'écoutais qu'à moitié quand le présentateur s'était mis à parler. Tu souriais aux filles dans les spectateurs. Un clin d'oeil à Mia. Le King dans tous ses états. T'étais pas l'un des héros les plus médiatisés mais tu savais qu'on te connaissait. Les Mic Drop avait su faire leur bout de chemin et en soirée on continuait de t'appeler le Roi. T'avais même pas posé un seul regard sur Romeo. T'avais la gorge un peu noué. Malgré tout. Mais tu mentais. A toi. Aux autres. Tu jouais le mec fier et sûr de lui. Après tout t'avais toujours réussi à te convaincre de ça. Même après Meera.

C'était les applaudissements des spectateurs qui te sortirent de tes pensées. Ils hurlaient à la folie. Sourire mauvais, vagabond qui habillait tes lèvres. Une allure détachée. Même quand il avait eu l'audace de te frôler. Tu perdais rarement ton sang froid Noah, même Meera n'avait peut-être pas ce pouvoir sur toi. Tes yeux plongent dans les siens, t'y cherches la moindre faiblesse.

" - Attends que jte prenne sur le lit, on verra si tu peux encore marcher chéri. "
Et le dedans qui hurle à feu et à sang. Sur tes lèvres un air carnassier. Tu romps le contact mais t'approches un peu plus, jusque dans le creux de son cou.

" - C'est que tu sens bon en plus. Tu pourrais presque me plaire. "
Tu rigoles. Un peu. Tu dissimules à peine ton ironie. T'aurais bien voulu lui en coller une. Maintenant. Mais tu t'abaissais rarement à ça Noah. C'était pas le boulot d'un Roi. Tu retrouves ta place. Ton regard l'ignore. Il ne mérite pas plus de ton attention. T'as pas envie de te fatiguer pour lui. Pas maintenant. C'était pas qu'une question de dignité Noah. Tu le savais. Ni de rivalité. C'était bien plus que ça. Ça aller plus loin. Mais tu prenais sur toi. L'enjeu en valait la peine.

" - Jte préviens, jcouche pas le premier soir. "

T'étais là Noah avec un sourire vagabond collé sur les lèvres, les yeux qui transpercent et le dedans qui bouillonne. T'étais là mais un peu absent parce qu'il n'y avait plus rien d'autres qui comptait que le blondinet. T'aurais pu fouiller maintenant dans ses souvenirs, aller piocher les moments de sa vie qui le ferait tomber mais t'en avais pas envie. Le Roi devait être plus malin alors tu patienterais, qu'importe ce que ça te coûterait. Tu perdais rarement ton sang froid Noah. Mais t'aurais pu lui foutre un poing juste pour rigoler quand il te répondait. Juste pour le faire taire. Pas de détour. Puis ça ferait grimper l'audience certainement. Les mauvais garçons plaisent toujours aux jolies filles. Parce que tu le savais Noah, ni lui ni toi n'abandonnerait. Il ne s'agirait que de sur-enchères, encore, toujours. Parce que vous seriez incapables de vous laisser le dernier mot.

Sa présence est insolente et fait rugir ton coeur. Il détonne. Tu t'étais pourtant promis Noah, de laisser tout ça derrière toi. L'oublier lui. L'oublier elle. Surtout elle. Meera. Est-ce qu'elle avait les yeux rivés sur toi ? Peut-être. L'idée te faisait frisonner. T'aurais bien voulu hein Noah.

T'as les poings serrés et ta langue qui passe sur tes lèvres. Rictus mauvais aux coins des lèvres. Romeo savait où frapper. T'avais jamais eu de points faibles avant elle Noah. Tout le rester tu l'avais toujours balayé du revers de la main. Ton enfance. Tes souvenirs abîmés. La maladie. Rien n'avait jamais compté si ce n'était elle. Ta Reine.

" - C'est pas vraiment c'que j'ai cru comprendre… Paraît pourtant qu'la réputation du King n'est plus à faire… Le Roi de la baise qui fait pleurer les filles au matin, hm… "
" -  Je t'ai jamais dit ? C'est ta mère qui me surnommait comme ça... Elle chialait quand je partais et me suppliait de rester. Toi aussi t'en feras les frais."
Tu savais pas trop à quoi tu jouais Noah. Tout ça c'était plus toi. Plus vraiment. C'était le Noah d'il y a longtemps. Un peu vulgaire. Trop insouciant pour se soucier du reste. Il n'y avait que ta couronne qui avait toujours compté n'est-ce pas Noah. C'était peut-être pour ça que ça t'avait tant blesser. Parce que cette couronne tu l'avais posé sur les cheveux de Meera et elle ne te l'avait jamais rendu même quand elle avait laissé son trône vide et son odeur dans ton château.

" - Ou bien m'a-t-on menti ? Le grand Noah, soi-disant tombeur de ces dames, serait-il en vérité un joli coeur transi d'amour qui fait les yeux de chihuahua à une femme qu'il n'aura plus jamais ? "
Et d'un coup tu te rapproches de lui. T'as le sang qui bouillonne Noah. T'as les tripes qui se serrent. Putain qu'est-ce qui te retient de lui en coller une ? Plus loin t'aperçois le visage de Mia. Alors tu souffles un peu. Tu descends en pression. T'essaie de te calmer. Te raisonner. Mais bordel ça te démange. Tu restes toujours aussi prêt. Dédain qui allume ton regard. Tu te rapproches de lui, pour lui murmurer à l'oreille des mots que personne d'autres ne pourraient entendre.

" - Rassure toi Romeo jte laisserais encore les miettes la prochaine fois. T'es bon qu'à ça de toute façon. "
Puis tu t'éloignes de lui. Les poings toujours serrés. Tes ongles enfoncés dans ta peau. T'avais le regard sauvage dans lequel brûler les flammes d'une rancune que t'avais jamais réussi à faire taire.

" - Après réflexion t'as toujours eu l'air un peu gay mon Romeo. J'avoue que c'est pas ma came mais pour tes beaux yeux je ferais peut-être un effort. "
Mais dis-moi Noah à quoi vous jouez ?
Qu'est-ce que vous essayez de prouver ?
Parce que tu le sais bien hein Noah.
Qu'aucun de vous deux ne serait vainqueur.

Musique ▷

Ils se dévisagent un instant. Encore. Il n'y a plus que Romeo qui brûle dans ses pupilles. Le plateau télé autour s'estompe. S'efface. Il y a quelque chose chez lui qui t'agace hein Noah, un je-ne-sais-quoi qui te donne la gerbe, par tout ce qui existe en lui. Comme une impression de déjà-vu. Comme si ce sourire carnassier que tu distingues à peine était trop familier. La même démence, la même essence. Le parfum capiteux, pernicieux, qui sature l'atmosphère, ce savant mélange de rage, de vengeance, ou de cauchemar. Mais tu sais vous n'êtes pas si différents, Noah. Nouvelle bouffée de haine quand il te réponds.

Tes iris se verrouillent aux siennes, sans jamais ciller. Puis, ta mâchoire se serre, tes phalanges se referment sur ta paume moite ; ton poing te démange. Tu sens ton sang filer Noah, tes dents grincer. Plus il s'approche et plus son odeur est trop forte. L'air est vicié. Comme pollué, par ce visage, ce rictus, ces deux prunelles. Une vieille envie de lui cracher à la gueule. Lui faire ravaler sa suffisance. T'es bien conscient que c'est à toi de relancer Noah. Combats de joutes dans lequel vous vous êtes lancés. Bien conscient que Romeo attend sagement la contre-attaque, ravi de sa grotesque parade. Tu t'humectes les lèvres du bout de la langue Noah. Putain si t'avais pas de sang froid ça ferait longtemps que tes mains se seraient serrées autour de son cou. Parce que la simple idée qu'il ait pu toucher Meera comme tu le faisais te donner envie de crever. Parce que Meera était une reine. Parce que Meera était tienne.

Mais t'attends patiemment le moment opportun Noah. T'avances tes pions lentement, un à un. T'essaies de ne pas te presser. De réfléchir correctement. Envie de piquer en plein coeur. De l'écorcher un peu plus qu'il ne l'était certainement déjà. Tu le laisses te plaquer contre le mur. Te passer les menottes autour du poignet. Et tu profites de cet instant pour le fixer dans les yeux. Pas très longtemps. Fouiller sa mémoire. Revoir des moments qu'il aurait voulu oublier. Et tu jubiles à l'idée d'avoir trouver de quoi le faire tomber. De quoi l'abîmer. Même si ça t'a filé la gerbe. Même si t'en as mal au crâne. Ca en vaut la chandelle.

" - Hanw, il semblerait que tes voeux soient exaucés, mon salaud… "
" - J'espère que t'as pensé à prendre tes lames de rasoir mon Romeo. Il paraît que les mecs torturés ça plaît aux filles. On fera grimper l'audience. "
Tu ris Noah. Tu l'attrapes par le col. Lui passe à son tour les menottes. Tu sens son souffle contre ta joue. Puis tu te recules comme tu peux, à peine. Et tous les efforts que t'avais fait jusqu'à là pour devenir quelqu'un de bien s'envolent Noah. T'essaie pourtant de te contrôler. Parce que t'as une image à conserver. Même si ça fait longtemps qu'être le king ne t'amuse plus. Plus depuis qu'elle n'est plus là. Peut-être que c'est l'idée qu'elle puisse vous (te) regarder qui te permet de te contrôler.

Tu le tires avec toi. T'attrapes la carte magnétique. Tu ne le regardes même plus quand tu t'avances dans la chambre. Pas même émerveillé par le luxe que t'y vois. T'en voulais même plus à Mia et Antigone de t'avoir inscrit. Parce que l'idée de pouvoir le blesser avait pris le pas sur le reste. Puis tu fixes l'une des caméras accrochées au mur. Sourire enjôleur. Pupilles qui dévorent un public que tu ne vois même pas.

" - Désolé de vous décevoir les filles. Je ne coucherais pas avec mon tendre Romeo. C'est platonique entre nous. "
Tu lui offres un sourire forcé. Presque moqueur. Le bras tendu, le plus éloigné de lui, tu t'approches du lit que vous allez certainement devoir partagé. T'appréhendais un peu la suite. Si on vous imposez dès le début de vous attacher l'un à l'autre tu voulais pas savoir ce qui vous attendait. Mais tu t'en moquais Noah. Tu pensais qu'à le faire tomber.

" - Mais dis-moi, t'as pas peur que Meera finisse par se suicider aussi ? Paraît que c'est monnaie courante avec toi. "
Masque qui tombe.
Bombe lâchée.