They were the silence.

D’un silence aussi réconfortant que meurtrier, il ne communiquait pas par des mots (parce que les mots mentent, la voix trahit) mais par l’esprit, donnant sans réserve accès à son âme, ses yeux transparents à ceux qui s’y plongeaient. Artemis n’était fait que d’une honnêteté sincère, parfois brutale, mais qu’il jugeait nécessaire. Il méprisait les faux-semblants, les demi-mots, les demi-vérités. Certes, il ne voyait pas que le blanc, ou le noir, il distinguait les nuances de gris de ce monde décadent ; mais il lui était impossible de comprendre pourquoi, ô grand pourquoi, on se taisait et enfermait ses rêves pour se laisser guider par la masse. Pourquoi était-ce le cas avant, pourquoi est-ce toujours le cas – pourquoi ce sera toujours le cas.

So, they just sat in silence, and watched.

Sans avoir participé à la moindre bataille, de celles qu’on mène encore aujourd’hui pour mettre fin à ce déclin, à cette perpétuelle destruction, Artemis est fatigué. La lassitude se lisait sur ses traits lisses, où l’on avait tant de mal à discerner d’autres émotions ; comme s’il ne ressentait plus, son cœur englouti dans la moisissure de cette vie. Comme s’il était né au centre de ces vagues pourries et avait décidé, pour sa propre survie, de s’y rendre insensible. Il n’avait pas les mots pour sauver ce monde (il ne pensait pas que quiconque puisse la détenir, cette formule magique, inexistante et si recherchée), alors il s’était tu en venant au monde. Il avait abandonné sa voix, pour ne pas prendre part à un combat perdu d’avance.

But the fate choose otherwise.

Il était muet, c’était un fait, mais silencieux, il ne l’était pas complètement. Oh, on l’entendait si peu, lorsqu’il évoluait dans ce monde, ses pas se faisant feutrés, ses mouvements lents, contrôlés, presque grâcieux. Cependant, il partageait ses pensées si cela devenait nécessaire, selon lui. Parfois, on le forçait à les offrir et cela l’agaçait tant, même si l’on remarquait difficilement cette petite ride entre ses fins sourcils. Il soupirait sans bruit. Les affronts n’étaient pas oubliés, mais il pardonnait (comme s’il avait le cœur sur la main, et on se ferait presque avoir). Qu’on ne se laisse donc pas berner, car Artemis était égoïste et s’il ne songeait jamais à mal, il avait ses priorités et n’hésitait pas pour elles.

They were like a time bomb.

Si personne ne le réalisait (car il était si frêle, plus fragile que de la porcelaine, inoffensif, inexpressif, comme un spectre), il avait des émotions à revendre. Un tourbillon en son sein qu’il taisait, qu’il ressentait si violemment et passionnément, sans comprendre pourquoi. Envers ce monde, il se sentait vide d’existence, inutile à l’évolution, dispensable. C’était toutefois bien différent envers les autres, ceux qui croisaient sa route, ceux qui s’accrochaient à ses non-dits, ceux qui ressentaient ce qu’il ressentait. Il était plus vivant que vivant, pour eux ; et ça l’effrayait, de se sentir vivant pour eux. S’il pouvait tout balayer d’un revers de la main, comme ce monde le ferait de sa vie, il le ferait ; mais il en était incapable. Il méprisait ce monde, mais il était amoureux de son prochain.

They were abandoned.

Encore et encore, on ne désirait pas de lui, l’enfant muet. Ils se demandaient s’il était vivant, parfois. Il ne pleurait pas, même en silence. C’était comme s’il était ailleurs, dans sa bulle, depuis toujours.
Comme si on avait oublié de lui offrir une âme, à sa naissance.
A de nombreuses reprises, il fut abandonné, jusqu’à ce qu’on arrête de lui chercher une famille, jusqu’à ce qu’il puisse leur faire comprendre qu’il n’en voulait pas.
Alors il a grandi, seul, dans un orphelinat.

But they didn’t left them.

Là, deux énergumènes (si bruyants, si vivants, si différents) s’étaient posés sur sa route et n’en avaient pas bougé. Ils s’étaient accrochés à lui, et il s’était accroché à lui. Sans qu’un mot ne soit échangé. Ils n’en avaient pas besoin, leur avait-il semblé.
Artemis avait fini par leur offrir ses pensées, comme un privilège - ils étaient les premiers à pouvoir l'entendre. Jusqu'à ce que leur amitié n'ait vu le jour, il n'avait jamais ressenti le besoin de communiquer avec autrui, ils avaient cependant réussi à lui arracher ses barrières, à lui faire réaliser le don qu'il possédait.
Et au-delà de l’orphelinat, ils étaient restés ensemble, installés tous les trois dans un appartement à chacun contribuer à sa façon (si particulières, pour les deux autres, si dangereuses). Même si deux d'entre eux s'étaient retrouvés à l'académie, leurs dons découverts, ils ne s'étaient jamais abandonnés. Ils se retrouvaient toujours. Alors Artemis avait fait d’eux sa famille, puisqu’ils voulaient de lui, lorsque lui-même se questionnait sur son existence (la méritait-il, devait-il rester, pour qui, pour quoi).
Ils lui avaient donné une raison.
Et il avait bien l’intention de les garder.

Ils étaient toutefois si différents, continuant sur des voies complètement opposées ; l’un à exploiter le système, l’autre à chercher à le détruire, puis Artemis qui leur paraissait si sage, à ne pas chercher le conflit, à vivre sa petite vie tranquillement.
Lui, ne désirait qu’eux.
Le monde pouvait bien brûler, tant qu’il les avait à ses côtés, il s’en moquait.