no innocent one in this game

You gotta go and get angry at all of my honesty ❞

La porte claque derrière la vice-présidente, coupant Andre et Maxence dans leur discussion. Un silence tombe dans la pièce jusqu'à ce que le technicien finisse par réagir et prendre congé des quelques assistants qu'il restait dans la salle du conseil, laissant alors les deux hommes seuls dans la pièce. Ils se regardent quelques secondes sans s'adresser la parole, jusqu'à ce que Maxence ne décide de frapper violemment sur la table.

— Mais qu'est-ce qu'elle a ?

— Tu l'as fait venir pendant un de ses rares jours de congé, pour une interview débile et une séance photo dans laquelle elle n'a pas eu le droit à son mot à dire parce que tu n'es rien qu'un gamin capricieux qui aime faire le malin. Maxence ouvrit la bouche pour répliquer mais son interlocuteur ne lui en laissa pas l'occasion. Et maintenant tu te demandes ce qu'elle a ? Tu m'étonnes qu'elle soit partie aussi vite, j'aurais fait la même chose.

Ça fait un peu mal, quand même ton meilleur ami n'est pas de ton côté.



Maxence n'avait jamais aimé les voitures avec chauffeur puisque l'intérêt d'avoir une belle voiture était de la conduire. Mais à cet instant, il aurait préféré ça plutôt que de se retrouver à tourner en rond au pied d'un immeuble pour essayer de trouver une place où se garer. Il n'avait eu aucun mal à trouver où la vice-présidente résidait puisqu'il avait accès à absolument tous les documents dont disposait la firme.

Une fois le problème réglé, c'est légèrement irrité qu'il se dirige vers le bâtiment en vérifiant une dernière fois s'il se trouve à la bonne adresse. Il s'acharne sur l'écran tactile de l'interphone jusqu'à ce qu'apparaisse le nom « Kamiya » en tapant impatiemment du pied. La voix de sa collaboratrice s'élève, légèrement modifiée par le microphone, et serre le poing dans un geste victorieux, vieille habitude dont il n'arrive pas à se débarasser.

— Holmes. Ouvre la porte.

Il s'arrête, puis hésite. Et ce sont les paroles d'Andre qui resurgissent dans sa tête.
Tu m'étonnes qu'elle soit partie aussi vite, j'aurais fait la même chose.

— S'il te plaît.

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La fumée lui brouille la vue et pourtant ses yeux ne clignent pas. Les talons jonchés sur le sol témoignent de son empressement à les enlever, la veste maintenant froissée en état comateux sur l'accoudoir du sofa. Tout en elle respirait la nervosité, l'angoisse. La tête contre la paume de sa main tremblante, l'autre amenant la cigarette à ses lèvres.

» Holmes. Ouvre la porte.

Non. Pourtant elle sourit.
Si elle avait voulu le faire venir, peut-être qu'elle ne s'y serait pas prise de meilleure manière. Aelicya se contente de tirer une bouffée supplémentaire, fixant la porte d'entrée comme si elle allait miraculeusement s'ouvrir, écoutant son coeur plutôt que sa tête. Machinalement, elle ramène ses deux jambes contre elle sur le canapé, suppliant silencieusement qu'il s'en aille.


» S'il te plaît.

Impassible, elle finit par se lever et lui accorder l'accès au hall d'entrée, se contentant d'appuyer sur le bouton d'ouverture et d'un affable « Entre »  , davantage pour éviter les ragots de voisinage sur Phoenix et son physique bombesque qui patientait inlassablement devant sa porte. Quoique peut-être, les ragots lui auraient valu une meilleure considération.
Un regard rapide vers le miroir de son entrée la fit courir en direction de la salle de bains, pour y attraper son rouge à lèvres le plus vif et mettre l'accent sur ses lèvres plutôt que son regard. Après une vérification minutieuse de sa tenue présentable, elle se rapprocha de l'entrée quand elle entendit son supérieur franchir le pas de la porte laisser ouverte pour lui. Faisant mine de ne lui prêter que trop peu d'attention, c'est sans le moindre regard qu'elle passa devant lui pour se rediriger vers sa table basse et attraper la cigarette encore fumante dans le cendrier en verre.

» Si c'est au sujet du boulot, vous serez gentil d'attendre demain matin. Je suis en repos aujourd'hui.

Comme si cette notion avait échappé à Maxence, en reflet à ce qu'il s'est passé quelques heures plus tôt. La limite restée entre eux entre le vouvoiement et le tutoiement était habituellement dans le cadre professionnel, mais la vice-présidente prit soin de maintenir cette distance entre eux pour éviter toute fissure de son armure sentimentale.

» Je n'ai pas grand chose à vous proposer à part du café. Ou de l'alcool. Je n'ai pas eu le temps de faire mes courses. Vous m'excuserez, j'ai été assez ... prise, ce matin.

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Il met un coup sur la porte en verre qui s'ouvre pour le laisser entrer dans le hall. Son regard balaye la pièce et sans réfléchir, Maxence se dirige vers la cage d'escalier et grimpe les marches quatre à quatre jusqu'à arriver à destination. La seule porte ouverte lui indique où il doit se rendre, et c'est sans annoncer qu'il passe le palier de la porte.

Il n'avait jamais mis les pieds dans cet endroit, mais il était exactement comme il l'avait imaginé en pensant où pouvait habiter la vice-présidente. Dans d'autres circonstances, Maxence se serait permis de faire un petit tour pour visiter et se faire une idée du cadre dans lequel évoluait Aelicya.

Mais elle arrive, impeccable dans la même tenue qu'elle arborait lorsqu'elle avait quitté la Tour d'Eden. La seule chose qui a changé, c'est l'expression sur son visage, et la cigarette qu'elle porte entre les doigts.

— Je me serai pas déplacé si c'était à propos du boulot. Tu me connais.

« Je t'aurais demandé de le faire. » aurait été une justification qu'il lui aurait donnée en temps normal. Mais l'heure n'était pas à la plaisanterie, et Maxence avait plus de respect pour Aelicya qu'il ne voulait lui montrer. Elle avait cherché à mettre une certaine distance entre eux, qu'il avait balayée en rétablissant le tutoiement qu'ils employaient dès qu'ils se retrouvaient seuls.

Il ferme la porte sans se retourner, en continuant de fixer Aelicya comme si elle menaçait de prendre la fuite dès qu'il aurait le dos tourné. Ils restent là dans l'entrée, à se regarder sans se dire un mot, comme si l'un attendait que l'autre annonce la couleur, pour savoir comment riposter. Finalement c'est Maxence qui cède, avec le ton de celui

— Il y a un truc qui va pas chez toi. Mais si tu me dis rien, ne t'attends pas à ce que je devine.

Maxence, il ne lisait pas entre les lignes. Il pouvait essayer, mais c'était une perte de temps que de se prendre la tête, comme s'il n'avait pas suffisamment de problèmes comme ça. Il se rappelait à l'époque où Ophelia faisait la gueule et qu'elle était obligée de revenir parce qu'il ne cherchait pas à comprendre qu'elle avait besoin que ce soit lui qui le fasse.

— Si tu communiques pas avec moi, on y arrivera pas.

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La vice-présidente finit par se rasseoir dans sa position initile sur son canapé, entre la fenêtre donnant sur le balcon et la vue sur son entrée, où Maxence se tenait toujours, visiblement irrité par le comportement de sa collègue qui pourtant était de sa faute.

» Il y a un truc qui va pas chez toi. Mais si tu me dis rien, ne t'attends pas à ce que je devine.

Et Aelicya aurait voulu lui expliquer, ce qui n'allait pas.
Que leur promesse était du passé, et qu'irrémédiablement, ça lui crevait le coeur. Ce comportement qu'il adoptait en sa présence, d'un détachement inouïe dans un jeu malsain, alors que le moindre de ses soupirs à elle n'était réchauffé que par la seule présence du Phoenix. Que sa couverture stoïque de bussinss-woman avisée n'était qu'une simple protection contre ses propres sentiments, qu'il savait, elle en était sûre.

»  Si tu communiques pas avec moi, on y arrivera pas.

Mais sa réserve - sa froideur - l'obligeait à se taire, pour ne pas perdre la face devant lui et que sa fierté démesurée en prenne un sérieux coup. Alors elle regarde la moquette, la cendre consumée entre ses doigts, qu'elle laisse choir au bout de quelques secondes d'un long silence.

» Je n'ai rien à te dire. Si ce n'est que je suis particulièrement fatiguée par le travail, et que mes jours de repos complets, je les compte sur les doigts d'une seule main.. Oh ne va pas croire qu'être au bureau me déplaise.

Un sourire léger s'esquisse à sa dernière phrase, malgré tout c'est avec effort qu'elle lève le regard vers son supérieur hiérarchique.

» J'irai mieux, ne t'inquiète pas. Si tu t'inquiètes.

Aelicya écrase la fin de sa cigarette dans le cendrier en verre et se redresse finalement pour faire face à Maxence.

» Seulement, à partir de demain, je ne mélangerai plus sentiments et travail. Et même si je m'efforçais de le faire jusqu'à présent, ce sera plus... radical.

Et s'il n'avait pas répondu à sa proposition première, elle se permit de fuir - encore- en mimant de chercher la bouteille de whisky qu'elle réservait lorsqu'elle avait des invités. Elle leva la main tenant la bouteille, l'autre occupée par les deux verres qu'elle venait d'extraire de son bar.

» Je te sers ? Ou tu as eu ce que tu voulais et tu t'en vas ?

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Il y avait toujours eu quelque chose entre elle et lui. Depuis le jour où elle était entrée en talons aiguille dans la salle de réunion, qu'elle s'était assise à la place située à sa droite et qu'il avait compris qu'elle n'était pas sa nouvelle secrétaire mais bien celle avec qui il allait collaborer pour faire marcher l'entreprise. Il y avait toujours eu ce truc invisible qui mettait tout le monde mal à l'aise, qui l'avait obligé plusieurs fois à descendre en salle d'entraînement pour se défouler avant de faire du mal à quelqu'un sans le faire exprès.

Mais quand elle disait rien, alors ce n'était rien. Parce qu'elle savait qu'il n'allait pas insister, Max. Il n'était pas comme ça, il n'allait pas lui courir après pour des infos dont il ne saurait quoi faire. Il passa une main dans ses cheveux, soupira dans l'espoir de se débarasser du petit sentiment d'irritation qu'il sentait encore au creux de son ventre, et hocha la tête alors qu'elle faisait ce qui ressemblait à une conclusion.

— Ca nous laisse une après-midi pour nous dire tout ce qu'on a sur le coeur alors, c'est ça ?

Elle l'ignore, peut-être parce qu'il n'a pas parlé assez fort, ou parce que son ton sous-entend qu'il est sûrement en train de plaisanter. Il la suit du regard tandis qu'elle se dirige vers son bar, d'où elle sort une bouteille de whisky en l'invitant à se joindre à elle. Le président reste un moment immobile et finit par capituler, incapable de résister même s'il n'est que trois heures de l'après-midi. Il avait pour principe depuis le lycée de ne jamais refuser un verre quand une jolie femme le lui proposait.

— Je suppose que ça ne fera de mal à persone...

Il retire sa veste pour la poser sur le dossier du siège sur lequel il ne s'assied pas, préférant rester debout tant qu'Aelicya ne se décidait pas à le faire, et saisit le verre rempli pour lui entre les doigts. Le liquide lui brûle la gorge -ironiquement- au moment où il descend le récipient après avoir trinqué avec Aelicya, et c'est un sourire qui se dessine sur son visage lorsqu'il repose le verre sur le comptoir.

— Quel genre de sentiments peux-tu bien éprouver à mon égard pour t'obliger à prendre des mesures aussi drastiques alors que tout fonctionnait super bien jusqu'à présent ?

Ce n'était pas encore l'alcool qui parlait, il en fallait bien plus pour venir à bout de Maxence Holmes, qui avait appris à tenir tête face aux méfaits du liquide ambré sur son organisme.

— Soyons honnêtes l'un avec l'autre, c'est sans doute notre dernière occasion de le faire, ajouta-t-il avant de saisir à nouveau la bouteille. Un autre verre pour t'aider, peut-être ?

Il était trois heures de l'après midi, à peine. Mais lui, ça ne l'avait jamais dérangé, parce qu'il n'existait pas d'horaire interdite pour finir une bouteille de bon whiskey.

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Le corps étendu suavement le long du sofa appelait à la luxure et pourtant son regard froid, distant, aurait raisonné le plus impétueux des amants; et comme à chaque fois qu'elle est en position de faiblesse dans le cadre privé, elle tire une nouvelle cigarette de son paquet, posant le verre de whisky à côté du cendrier, et l'allume avec le zippo hors de prix qu'on lui avait offert.

»  Quel genre de sentiments peux-tu bien éprouver à mon égard pour t'obliger à prendre des mesures aussi drastiques alors que tout fonctionnait super bien jusqu'à présent ?


Et il demande. Il ose demander.
Comme s'il ne savait pas, depuis tout ce temps. Chéri, ça fait plus de vingt ans.
Le regard stupéfait, déconcertée, désabusée, elle le fixe, l'une des rares fois depuis son entrée au sein de son appartement. Comment avait-il osé ?
Oser poser la seule question qui ne méritait même pas de réponse tant il était censé savoir. Qui ne savait pas d'ailleurs ?

»  Un autre verre pour t'aider, peut-être ?

Pour ne pas chuter dans une folie furieuse, les longues minutes à le contempler interloquée laissent place à une prise rapide de ce verre qu'il venait de remplir à nouveau et qu'elle descendit d'une traite. Un faible » pardon ? se laisse éteindre dans le silence pesant, long depuis qu'elle hésitait à réagir d'une façon ou d'une autre à cette question complètement stupide.

» Je n'ai absolument pas besoin d'un autre verre pour savoir ce que je ressens pour toi.

Une implication plus personnelle pour une fois, et elle repose son verre lourdement sur la table pour essayer de rassembler les idées décousues qui lui échappaient depuis qu'il parlait de sentiments avec elle.

» Comment oses-tu prétendre ne pas savoir ce que je ressens pour toi ?

Les mots qui claquent lourdement dans l'air, débités dans un rythme effréné qui ne laissait même pas le temps à Maxence de répliquer quoi que ce soit. Aelicya sentait bien l'alcool lui atteindre la cervelle pour lui faire dire bien plus honnêtement qu'elle ne l'aurait souhaité les sentiments qu'elle avait pour son supérieur. La cendre s'écrase contre le cendrier de verre, et un minimum d'attention aurait montré que le geste était hasardeux, et que la quantité de cendre en dehors du récipient prouvait le malaise qu'elle ressentait dès qu'il s'agissait d'amour.

» Tu sais très bien que...

Comme une évidence, bien entendu. Pourtant elle ne finira pas cette phrase qui lui aurait été fatale dans leur affrontement perpétuel. De toute façon, il aurait dû le savoir déjà. Comme s'il n'avait pas le droit d'oublier.

» De toute façon ça sert à rien. Ça va juste d'amuser, de savoir si je t'aime ou pas. C'est un jeu pour toi tout ça. Mais ça c'est parce que tu préfères te regarder le nombril plutôt que faire attention au monde qui t'entoure.

La vice-présidente se rappelle - puisque dans un état tel que le sien, il n'y avait plus qu'à se rappeler - de détourner le regard pour ne pas perdre la face. Un minimum seulement.

» Oh puis laisse tomber. Tu m'agaces. C'est ça qui t'amuse de toute façon.

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Il le savait, qu'il ne fallait pas énerver Madame.
Mais c'était plus fort que lui. C'était sa façon de prendre la fuite.
Parce que c'était plus facile. Parce que ce n'était pas vraiment fuir ; Maxence Holmes n'était pas un lâche, c'était de notoriété publique.

Mais ça faisait des années qu'il fuyait ce qui était devant ses yeux. Et tant qu'elle ne disait rien -tant que son ton accusateur, ses mots qui explosaient peu à peu cette carapace qu'elle s'était forgée pour ne pas se faire écraser dans cette société patriarcale- alors Maxence ne voyait rien. À quoi bon ? La vie était tellement plus simple quand on fermait les yeux sur ce qui était compliqué. Sur ce qui demandait plus d'attention, de patience, de temps, de coeur et de réflexion.

— Aelicya...

Sauf qu'elle ne l'écoutait plus. C'était agaçant, pas vrai, Max ?
Tant mieux, parce que ça lui donnait le temps -encore plus- de réfléchir à sa réponse, de réfléchir à tous les non-dits qu'il y avait entre eux à la Tour d'Eden et qui n'avaient plus lieu d'être puisque toutes les règles silencieuses qu'ils avaient établies entre eux avaient été brisées dès lorsqu'il avait franchi le seuil de la porte.

— J'ai compris, OK ?

Il s'avança vers elle, en se frottant la nuque, mal à l'aise. Bah alors, c'est trop dur de réfléchir ? C'est pas que t'as pas l'habitude, toi tu marches à l'instinct.

— Ecoute, je suis allé trop loin cette fois.

Il avait envie de lui dire qu'il savait qu'il avait merdé. Mais il n'avait plus seize ans, il ne pouvait pas continuer à employer des expressions aussi simples pour fuir ce qui était compliqué.
Il s'approcha du sofa, lentement, et finit par se laisser tomber à côté d'elle. Elle le regardait à peine, ce qui ne lui ressemblait pas. Et à cause de cela, il laissa une distance convenable entre eux, conscient qu'il n'était pas dans la position de faire le malin.

— Ce n'est pas t'agacer qui m'amuse. Ce sont tes réactions en général, parce qu'elles me rappelent ce que tu as de plus que les autres.

C'était assez cocasse, de voir à quel point Maxence qui d'ordinaire était si confiant, s'exprimer avec autant de maladresse. Il laissa tomber ses avant bras sur ses jambes et resta penché un moment à regarder droit devant lui, où la fumée de la cigarette fraîchement écrasée contre la table s'élevait jusqu'au plafond.

— Mais je ne sais pas ce que je veux, contrairement à toi.

Il soupira et attrapa le paquet de cigarettes qui traînait sur la table. Il claqua des doigts et une petite flamme apparut au bout de son pouce, dont il se servit pour en allumer une. Il tira une taffe, puis deux, et finit par tendre le bâtonnet de nicotine à Aelicya.

— Dis-moi ce que tu voudrais que je fasse.

Maxence, il avait besoin d'être guidé. Les grandes décisions, il ne les avait jamais pris seul. Parce que c'était un sale gosse, Max.

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Quand il s'excusa, il aurait du marquer la victoire d'Aelicya. Elle aurait été la Vénus triomphante au milieu du champ de bataille - radieuse et lumineuse. Elle n'eut qu'un pincement au coeur. Comme un goût amer qui remplit la bouche de cendre - l'éclat du vaincu brille plus que le conquérant.

» Dis-moi ce que tu voudrais que je fasse.

» Je ne sais pas.

Un genou à terre.
Elle aurait pu lui sauter dessus, lui dire à quel point il la rendait folle d'envie, de désir, de chaleur - d'amour tout simplement. Elle aurait pu capituler autrement et lui céder tout ce qu'il aurait voulu. Lui promettre l'éternité, le monde entier s'il le fallait. Au lieu de ça, elle choisit de reculer - de plusieurs pas en arrière. L'alcool se faisait lourd et elle s'échoua lourdement sur le canapé - déposa les armes et reprit sa cigarette. La tête baissée - par réflexion plus que par fuite.

» Je ne sais pas ce que je veux.

Son visage s'enfonce dans les deux paumes de sa main, la cigarette toujours fumante entre les doigts de sa main gauche.

» Tu te rends compte ? J'ai 27 ans, je suis une femme célibataire sans enfants,
qui ne pense qu'à sa carrière et à la façon dont elle va se défendre de son patron.

Elle voulait être la femme au foyer entourés d'enfants et de jouets en pagaille un jour. Et l'autre jour, elle se voyait en femme forte et indépendante qui avait son supérieur à ses pieds - dans tous les sens du terme. C'était pathétique. Ridiculement risible.

» Il faut dire que tu m'aides pas beaucoup.

Elle se tourna enfin vers lui et se montra étonnamment honnête sur son propre ressenti. Elle lui adressa un rictus familier qu'ils avaient l'habitude de s'adresser - plus souvent dans l'autre sens, il faut l'avouer.

» Toi, tu n'as rien à faire. Moi, je veux... construire ma vie. Quelque chose de solide en fait.

Elle se tut un moment. Tapota sur la cigarette contre le cendrier en verre pour laisser tomber le surplus de cendre qui menaçait de salir son canapé.

» Tout ça, c'est pas solide. Ça ne durera qu'un temps.

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Il se laissa tomber lourdement contre les coussins du sofa, le regard dans le vide.

— J'aurais jamais pensé vivre assez longtemps pour atteindre l'âge de me poser ces questions. C'est pour ça que j'ai rien à faire.

Il n'avait jamais eu trente-et-un ans, et ne les aurait jamais. La vie de Maxence s'était arrêtée en même temps que sa carrière, comme maintenue en suspens. La réalité pouvait bien courir, il n'était pas encore prêt à la laisser le rattraper. Alors il continuait d'avancer en vitesse accelérée, bloqué dans la tête d'un gamin de ving-cinq ans, à courir derrière des idéaux qui ne lui correspondaient plus.

— Tu l'es déjà, tu sais ? Vu le regard qu'elle lui lança, elle n'avait pas compris. Solide. Je t'aurai pas recrutée si tu l'avais pas été.

Qu'elle n'aille pas croire qu'il avait fait cela pour ses beaux yeux.
Ils avaient travaillé ponctuellement ensemble par le passé, quand ils étaient tous les deux bien plus jeunes, et moins impliqués dans des projets qui étaient plus grands que tout ce qu'ils avaient imaginé.

— T'as pas besoin que "tout ça" soit solide, tu l'es déjà assez pour que ça marche.

Ce n'était pas comme lui, qui n'avait de contrôle sur rien dans sa vie, qui n'avait jamais vu plus loin que le bout de son nez. Il ravala sa fierté, cinq secondes dans sa vie.

— J'aurais jamais pu faire tout ça sans toi. Je suis pas fait pour être aux commandes. Pas sans toi, en tout cas.

Et puis il réalisa qu'il n'avait jamais été en mesure de commander quoi que ce soit. Que ce n'était pas lui qui avait le contrôle, parce qu'elle avait pris les rênes avant même qu'il ait eu le temps de se demander s'il avait les épaules pour le faire. Il se pencha vers elle, déposa un baiser -simple, chaste- sur sa joue laiteuse, avant de se lever, les mains dans les poches, et se diriger vers la sortie.

— Appelle moi quand t'auras pris une décision. Tu sais où me trouver.

Loin de lui l'idée de lui poser un ultimatum. Il était sincèrement prêt à lui laisser le temps qu'il lui faudrait pour réfléchir, et était même prêt à lui accorder un congé si c'était ce dont elle avait besoin pour remettre de l'ordre dans le bordel qu'il avait créé.