Life's a whore ; she gives you what you desire most only to better take it back. That's called "fuck you".
Caractère;
Qu’est-ce que tu es ? Avant, tu étais tout. Aujourd'hui, tu n’es plus rien. Avant, tu étais dynamique et indépendante, affirmée et fière. Aujourd'hui, le peu de joie de vivre qui t’habitait s’est évaporé. Tu es brisée. Dans ton corps et dans ton esprit. Ils t’ont tout pris. Ta vie, ta fierté, ta liberté. Tu es comme un oiseau à qui on a coupé les ailes ; tu ne pourras jamais plus t’envoler. Tes jambes ne te porteront plus jamais. Brisé, le rêve de devenir championne de karaté. Brisé, l’espoir de devenir quelqu’un. Brisé, ton avenir. Tes propres souvenirs heureux s’étiolent et ne te laissent, par leurs voiles diaphanes, qu’un profond sentiment d’injustice. Mais es-tu du genre à subir sans rien dire ? Non. Tu ne leur fera pas ce plaisir.
REBELLE Car tu as toujours été une révoltée. Depuis toute petite, tu te rebelles à la moindre chose qui te déplaît. Tu as en toi ce sentiment d’injustice permanent. Ce qui t’arrive n’est pas juste. Et personne n’est puni. Ce n’est pas juste non plus et ça te révolte. Particulièrement peu dévouée aux règles établies, tu n’hésites pas à les enfreindre lorsque ça te chante. Tu es une hackeuse après tout. Et une révolutionnaire. Et tu es une adepte de l’esprit de contradiction. On t’ordonne de faire quelque chose sur un ton qui te déplaît ? Tu feras exactement le contraire. Tu ne supportes pas l’autorité.
GRANDE GUEULE Si au travail tu tiens ta langue envers ton boss et les clients, dès que tu en sors, le premier passant qui dit ou fait quelque chose à ton égard qui te déplait, tu l’invectives. Grossière, parfois vulgaire, tu as très souvent recours aux insultes. Qui plus est tu n’as pas ta langue dans ta poche et tu parles plus vite que tu ne penses, en général. Tu dis clairement le fond de ta pensée aux autres. La seule chose que tu caches c’est ta haine du système des sponsors et des supers. Sinon pour le reste tu ne te prives pas de faire valoir ton avis, avec des mots incisifs et des paroles blessantes. Ta souffrance est infinie et le monde entier est ton exutoire.
SAUVAGE Tu n’es pas une biche effarouchée. Tu es un tigre acculé. Tu te méfies de monsieur tout le monde comme s’il allait te planter un couteau dans le dos à la moindre occasion. De ce fait, tu ne baisses jamais ta garde. Tu es sur le qui-vive en permanence, même si on ne s’en rend pas compte sous ton masque apathique. Tu évites les contacts, tu craches sur les mains tendues. C’est déjà un miracle que ton boss est réussi à t’approcher et gagner ta confiance. Ou du moins une partie de ta confiance. Quand on te menace, tu mords. Parfois littéralement. Car lorsque tu te sens en danger, tous les moyens sont bons pour te sortir d’un mauvais pas. Tu griffes, tu cognes, tu mords. Et en cas d’extrême nécessité tu pointes le canon de ton arme sur ton agresseur. De toutes les créatures vivantes, tu es sans doute la plus difficile à apprivoiser.
RANCUNIÈRE Il est déjà difficile de t’approcher. Encore plus de gagner ta confiance. Mais si on a le malheur de te faire un coup bas, tu ne l’accorderas plus jamais. Tu as du mal à pardonner ; tu n’arrives pas à pardonner. Pour toi la trahison est le pire des crimes. Tu as bonne mémoire en ce qui concerne le mal qu’on t’a fait ; et souvent tu ne conserves que ça. Et tu fais alors tout pour faire payer l’autre, même s’il n’était pas un proche, même s’il ne t’as pas trahis car tu ne lui faisais pas confiance et qu’il ne t’avait rien promis. Depuis toute petite tu ne laisses jamais un affront impunis.
AMÈRE Tu ne débordais déjà pas de joie de vivre petite, mais là on peut dire que tu en es carrément dénuée. La vie n’a plus aucune saveur pour toi. Chaque jour qui s’écoule te laisse ce goût amer dans la bouche. Le seul et rare humour qui te reste, c’est le noir, le cynique, le sarcastique. Pour le reste tu regardes l'imbécile qui en fait preuve comme un attardé mental. On te dit décevante et rabat-joie car tu ne fais aucun effort pour jouer le jeu. Et pourquoi jouer le jeu ? Au moins tu ne te voiles pas la face. On pourrait même te qualifier de déprimante, car tu as le don de sortir tes 4 vérités à l’autre. Celles qu’il ne veut pas entendre. Tu ne vis pas. Tu survis.
LOYALE Du fait que tu hais la trahison, celle-ci ne trouvera jamais ancrage dans ton coeur. Il est rare que tu sois loyale envers quelqu’un mais lorsque c’est le cas, on peut compter sur toi. Sur ton soutien, sur ta gueule bouclée. Garder un secret, muette comme une tombe. Mais il n'y a rien qui ait mieux acquis ta loyauté que la Cause. Celle qui lie chaque membre de Mist. Celle qui te motive, la seule raison qui te pousse à aller de l’avant. Détruire ce monde que tu hais. Semer le chaos. Le plonger dans l’apocalypse. Et si un jour on te proposait de te rendre tes jambes ? De réparer tes vertèbres lésées et d’extraire l’éclat de ta colonne, tout ça en échange d’informations ? Si on te rendait ta vie d’avant pour que tu trahisse les révolutionnaires ? Dirais-tu oui ? Ta loyauté irait-elle toujours à la Cause ? Ce serait tentant. Pouvoir remarcher. Ne plus souffrir. Mais… Mais ta vie n’est pas une vulgaire histoire écrite au crayon de papier. On ne peut pas l’effacer avec une gomme pour tout réecrire et faire comme si rien n’était arrivé. On ne te rendrait pas ton frère ni tes parents. Pour eux, ne serait-ce que pour eux, et pour tous les proches des autres révolutionnaires victimes des sponsors, tu refuserais sans hésiter. Tu les enverrais chier. Tu leur cracherais dessus. Une fois ta loyauté acquise, nul ne peut la corrompre.
FIÈRE Ton plus gros problème dans cette histoire, c’est que tu es fière. Trop fière. Orgueilleuse même. Depuis toute petite. Tu n’as jamais supporté qu’on ose s’en prendre à ta fierté de gamine trop mature pour son âge. C’est peut-être pour ça que tu n’avais pas d'ami ; tu étais trop fière pour te mêler avec des jeunes que tu trouvais débiles et immature. Surtout ceux qui admiraient les supers. Ils te faisaient ni chaud ni froid au début, mais après la mort de ton frère cette indifférence s’est transformée en haine. Mais, ta fierté aujourd'hui est blessée. On t’a pris ta liberté, on t’a pris tes jambes. Alors tu protèges ce qu'il t’en reste comme si ta vie en dépendait. Bec et ongles. Corps et âme. C’est pour ça que tu refuses toute aide. Pour ça que tu n’acceptes pas d’être diminuée, faible, vulnérable. Ça te rend injuste, tu le sais, mais c'est plus fort que toi. Tu craches sur les mains tendues pour leur prouver que tu n’a pas besoin d’elles. Pour te prouver que t’es toujours indépendante.
Mais on sait bien que ce sera jamais plus le cas. Et chaque chute, chaque obstacle à franchir, chaque étage à monter te rappelle la cruelle réalité ; cette réalité incisive qui te lacère un peu plus chaque jour qui passe : tu es handicapée et tu le resteras.
OBSERVATRICE Ton air indifférent, apathique, t'es fort utile pour te cacher derrière ton masque. Hormi ton fauteuil, tu passes inaperçue. Dans un lieu où tout le monde est assis, peu te remarquent. Et tu l’utilises à ton avantage. Car derrière ces yeux moroses, ton esprit s’active et fonctionne à toute vitesse. Tu t’imprègnes de tout ce que tu vois. De tout ce que t’entends. Chaque information compte, pour les faire tomber. Tu es attentive à tout ce qui se passe autour de toi. Et quand tu peux, tu infiltres même ton esprit dans les appareils proches de toi, toujours plus en quête de données. Toujours plus assoiffée de détail. Tes yeux remarquent ce que tout le monde rate. Tes oreilles prêtent attention aux sons que tout le monde ignore. Et tu enregistres tout scrupuleusement, pour utiliser le moindre détail contre eux. Et le plus drôle, c’est que personne ne se rend compte de ta présence ou de ce que tu fais.
Après tout, qui irait imaginer ça d’une handicapée ? GENIE Tu étais déjà douée à tout ce qui touchait de près ou de loin à l’informatique. Aujourd'hui, grâce à tes nanites, l’informatique n’a plus de secret pour toi. Tu comprends chaque ligne de code comme une langue vivante. Et chaque nouveau langage, tu l’apprends comme une langue étrangère à l’école. Tu vois les programmes autant dans leur ensemble que dans leur structure la plus complexe et profonde. Tu communiques avec ton ordinateur comme s'il était vivant. Quand ton esprit l’investit, il semble prendre vie. L’informatique n’a plus de secret pour toi. Écrire des programmes, pirater des serveurs gouvernementaux, prendre le contrôle d'un satellite… il n’y a rien que tu ne puisses faire.
IMPULSIVE ET COLÉRIQUE Tu réagis au quart de tour. On ne le voit pas derrière tes yeux, car tu sembles calme et apathique à première vue. Mais dès que quelque chose t’énerve ça pète. L’orage sous-jacent explose et tu ne retiens ni tes mots ni tes gestes. Quand une idée te traverse la tête, en particulier s’il s’agit d’une vendetta, tu sautes sur la première occasion sans réfléchir. Tu ne pèses pas le pour ou le contre, tu agis par instinct. Instinct de conservation ou instinct de destruction. Tu es une vraie bombe ; au moindre faux pas tu déchaînes tes humeurs, contre tes alliés autant que contre tes ennemis.
DÉTERMINÉE Justement, quand tu as une idée en tête, c’est une vraie calamité. Il n’y a rien qui ne puisse t’arrêter. Tel un train lancé à pleine vitesse, tu fonces droit vers tes objectifs, par le chemin le plus court, expulsant ou écrasant tout obstacle qui se dresse sur ta route. Un ennemi qui te barre la route ? Tu l’atomises. Un ami qui tente de te raisonner ? Tu le repousses. Tout ce que tu entreprends devient une véritable obstination. Corrosive et destructrice. Tu ne t’arrêtes pas avant d’avoir atteint tes objectifs. Tu ne laisses personne pourrir ta détermination par des discours moralisateurs ou des bâtons dans les roues -humour mal placé. Soit tu dois accomplir ton but, soit... on doit te stopper.
On pourrait te qualifier de tant d’autres mots.
Instable. Brusque. Ingrate. Hantée. Mais, au fond, à quoi bon ? Les gens ne veulent croire que ce qu’ils ont envie de croire. Et c’est pour ça que toi, tu leur dis toujours ce qu’ils ne veulent pas entendre. Parce qu’à part toi, qui arrive à accepter la vraie réalité ? Même si, au final, tu n’acceptes pas la tienne ;
handicapée à vie.they freed it just after they cut its wings.
Histoire;
Décharge électrique. Respiration coupée. Détonation assourdissante. Et ton corps lourd, si lourd, qui volait, qui tombait. Et cette douleur qui irradiait dans ta poitrine.
Enfer. Le temps te paraissait long, tellement long. Alors qu’il passait vite, si vite. Trop vite. Et alors que ton corps se rapprochait inévitablement du sol, ta vie défila devant tes yeux.
INDIFFÉRENCE Quoi de plus banal qu’une fille d’ouvriers née dans un quartier ouvrier ? Sept ans après ton frère t’étais arrivée, comme un cheveu sur la soupe. Dans la surprise générale. Car tu n’étais pas prévue, non. Une nouvelle bouche à nourrir. Un petit être qui braillait pour le sein. Ton frère était ravi, tes parents heureux, malgré la précarité de la situation familiale. Car ce n’étaient pas les ouvriers qui s’en mettaient plein les poches. Enfin vous n’étiez pas tellement à plaindre. Vous ne viviez “que” à Hiawatha District. Tout le monde savait que le pire se trouvait de l’autre côté du pont noir.
T’avais grandi dans un milieu modeste mais chaleureux. Pourtant tu ne montrais pas autant de joie de vivre que les autres enfants. Ils te disaient différente. Anormale. Spéciale. Juste parce que tu ne souriais pas en permanence. Juste parce que tu trouvais leurs jeux débiles. Juste parce que t’avais un esprit bien plus mature que ton corps. Juste parce que tu ne riais pas à la moindre stupidité des adultes. Juste parce que tu disais la vérité. Ils ne l’avaient jamais accepté, la vérité. Personne ne l’accepte jamais.
Pauvres bougres. A six ans tu étais bien plus mature que tes camarades. Ils t’ennuyaient. Tu les ignorais. Tu regardais le corbeau perché sur l’arbre, dressé au milieu de la cour. Tu aurais bien voulu être un oiseau. Libre. Libre de penser, libre de parler, libre d’aller où bon te semble.
Il n’y avait qu’une personne, outre tes parents, que tu affectionnais vraiment. Ton frère. Ton aîné de 7 ans. Il n’était pas très fort au lycée, et de toute façon il était destiné à travailler à l’usine, comme son père. Mais il te répétait qu’un jour, toi, tu pourrais faire des études, celles que tu voulais. Faire le travail que tu voulais. Pour lui tu souriais comme jamais. Vous vous entendiez si bien, tous les deux. Vous vous chamailliez de temps en temps, en bons enfants. Et vos rires conjugués s’entendaient jusque chez les voisins. Vous n’aviez pas grand chose, mais vous étiez heureux. Tu n’avais pas besoin de héros, autre que lui. Tu n’avais pas besoin de ces supers pathétiques qui manipulaient les civils pour leurs propres egos. Ils ne voyaient rien ces imbéciles, mais toi, déjà à six ans, tu méprisais ces pratiques. Quand tes camarades en parlaient avec fascination, toi tu secouais la tête d’un air blasé ; tu laissais échapper des commentaires méprisant. Un jour ils finiraient par savoir et ce jour-là, tu leurs dirais “je vous l’avais bien dit” juste pour avoir le plaisir de voir leurs têtes de pigeons se peindre de la surprise et de l’horreur.
Ton frère avait une camarade de classe que tu croisais parfois. Ils s’entendaient bien. Ils étaient amis. Et toi aussi tu l’adorais cette fille. Mature, bourrin. Elle aimait les arts martiaux, et toi tu l’écoutais avec fascination. Ta vie était simple, sobre, sans histoire. Même si tu rêvais parfois d’aventure, au final tu ne demandais rien de plus, à part qu’on te foute la paix.
SOUFFRANCE Mais c’était sans doute trop en demander à la vie. Cette chienne de vie et son mari le Destin. Ils avaient décidé que ta vie était trop tranquille. Qu’il te manquait un peu de peps et d’émotions. Alors ils t’avaient pris ton frère.
Un jour l’usine fut le siège d’un combat de super. Ton frère n’y faisait qu’assister ton père. Il n’y était qu’une fois ou deux par semaine, quand il n’avait pas cours, pour rapporter un peu plus d’argent à la maison. C’était un arrangement entre ton père et le patron. Et ça convenait à ton frère, qui pouvait ainsi apprendre son futur métier et participer aux revenus de la famille. Parce que la vie des ouvriers n’était pas simple. Et puis ce jour fatidique, ton frère était à l’usine. Aux premières loges. Et il n’en était jamais revenu
vivant. Tu n’avais jamais vraiment su. On ne t’avait jamais tout expliqué,
parce que t’étais trop jeune pour entendre ça. Tout ce que tu savais, c’est que ton frère était mort. Qu’il était un dommage collatéral. Qu’on l’avait tué.
C’est un malheureux accident qu’ils disaient.
Fermez vos gueules tu voulais leur hurler. Ils ne savaient rien. Ils étaient
désolés. Ils vous présentaient leurs condoléances. Tu crachais dessus. Tu n’en voulais pas. Tu les méprisais, mais pas autant qu’
eux. Ces supers et leurs sponsors. Non, plus que ça,
pire que ça. Tu les
haïssais. Ils t’avaient pris la personne qui comptait le plus pour toi. Et ils s’en sortaient sans rien. Tu te fis cette promesse, ce jour là.
Un jour, vous paierez.Ta vie n’était plus qu’une succession de banalités. Tes sourires déjà rares n’existaient plus. Tes notes avaient chutés. Tu devenais de plus en plus acerbe et cassante avec tes camarades. Ils t’exaspéraient. Ils chuchotaient tous dans ton dos. Tu savais ce qu’ils disaient.
C’est son frère, il est mort... C’est dur pour elle... Oh bah, ça ne change pas beaucoup de d’habitude. Tu leur hurlais de fermer leur gueule en brandissant ton poing et ils s’exécutaient, ébahis par tant de hargne et de violence. Au moins, ils te foutaient la paix maintenant. Mais tes parents, eux, qui auraient dû t’accorder plus d’attention, ils s’enfonçaient dans leur quotidien. Ils n’évoquaient plus le sujet de ton frère. C’était trop douloureux. Et toi ça te faisait suffoquer encore plus. Régulièrement tu explosais, tu leur hurlais dessus ; ta souffrance, ton chagrin, l’injustice que tu ressentais. Ils n’y étaient pour rien pourtant, tu le savais. Mais tu n’arrivais pas à supporter leurs silences. Alors tu finissais par t’isoler, et tu t’enfonçais encore plus dans la morosité que la vie t’infligeait.
Il n’y avait qu’une personne que tu pouvais supporter. Une seule qui ne te traitait pas différemment depuis la mort de ton frère. Une seule qui t’appréciait en retour. Et c’était elle, l’amie de ton frère. Heileen. Tes parents lui demandaient de plus en plus souvent de te garder lorsqu’ils étaient absents. Et souvent elle t’emmenait au dojo. Et toi tu assistais aux cours, fascinées. Un jour, toi aussi tu te battrais comme elle. C’était le seul rêve qui t’animait. Le seul objectif qui faisait encore de toi une enfant.
Mais ça aussi, la vie te le prit.INSURGENCE Tu venais de t’engueuler avec tes parents. Toujours pour le même sujet ; ils restaient silencieux, ils ne parlaient plus de
lui. Ils s’enfermaient dans leur chagrin, ils t’étouffaient par leurs absences.
Et c’était insupportable. Alors cette fois-là t’avais pété un câble. Ouais. Tu leurs avais balancé des horreurs à la figure, parce que tu souffrais, parce que tu étais en colère. Et incapable de supporter l’ambiance plus longtemps, t’étais sortie. Marcher, courir, se défouler. N’importe quoi pour échapper à ton foyer. T’étais allée toquer chez Heileen, ta seule amie, la seule personne qui te comprenait. Mais elle n’était pas là ce jour-là. Alors t’avais continué à marcher, toute seule.
T’avais que 12 ans. Mais ça, ils s’en foutaient. Le monde s’en foutait et c’était bien pour ça que t’en étais là. T’avais que 12 ans et tu fuguais déjà. T’avais que 12 ans et tu piquais une crise d’adolescence.
T’avais que 12 ans et tu t’en pris plein la gueule.Il était là. Le médecin de ton école, celui qui venait pour la visite médicale. Il t’avais vue. Il t’avait souri. Tu te contentas de rester fidèle à toi-même : silencieuse et indifférente. Mais son comportement changea lorsqu’il comprit que t’étais seule. Tu surpris son regard alerte, comme s’il vérifiait que personne n’observait. Et tu t’étais rendue compte de l’endroit où t’étais.
Loin de chez toi. T’avais même pas fait gaffe de la direction que tu prenais. Et tu le regrettais. Tu commençais à sentir la peur, ce sentiment qui s’était toujours tenu éloigné de toi. Là elle te tordait les trippes. Tu l’avais jamais senti ce type ; trop gentil, trop mielleux, trop poli.
T’aurais aimé avoir tort des fois. Il s’était mis à parler dans le col de sa chemise. T’avais plissé les yeux, avant de faire un pas en arrière dans l’espoir de quitter très vite ce lieu obscur. Mais ils ne t’en avaient pas laissé le temps. Ils étaient arrivés de nulle part. Ils t’avaient mis un linge sur le nez alors que tu ouvrais la bouche pour hurler. Tu t’étais débattue trente seconde comme un diable avant de succomber au somnifère. Et ta dernière pensée s’était tournée vers tes parents. T’aurais voulu leur dire à quel point tu regrettais tes derniers mots.
Mais c’était trop tard.Quand t’avais ouvert les yeux, t’étais dans une chambre. Un plateau repas était posé sur ta table de chevet blanche et sobre. T’avais pris le temps d’observer où tu te trouvais. La fenêtre avait des barreaux. Premier détail inquiétant. La pièce était petite. Juste de quoi coller un lit, une table de chevet, une chaise et un petit bureau. Pourquoi t’étais-là ? Les images te revenaient. Le sentiment de révolte aussi. T’en avais marre qu’on s’acharne sur toi. Tu voulais juste qu’on te foute la paix, bordel. Tu t’étais levée, t’avais tenté d’ouvrir la porte.
Fermée à clé. T’étais prisonnière dans une chambre. Ironique, quand on pense que c’était le seul endroit, chez toi, où tu te sentais libre et en paix.
T’avais attendu qu’on vienne te chercher avant de tenter de fuir. On t’avait vite rattrapé et administré un calmant, qui t’avais laissée groggy. Ensuite un type -pas le médecin, mais nettement plus inquiétant- était venue t’expliquer la raison de ta présence. Que ton sang avait été analysé -la prise de sang de la rentrée, c’était ça ?- et détecté compatible pour prétendre aux tests.
Tests. Tu savais pas de quoi il s’agissait, mais tu n’aimais déjà pas ce qui allait suivre. On t’avait prévenue que fuir ne servirait à rien ; personne ne prendrait la peine de te chercher,
il s’en était assuré. Simuler ta mort, tu devinais. Qu’ils étaient ta nouvelle famille et qu’ils t’aideraient à trouver de quoi venger ton frère. Qu’ils feraient de toi une super.
Une super. Ce mot t’avait tranché les tympans comme une lame aiguisée découpait de la chaire humaine.
Tout sauf ça. T’étais tombée sur des tarés qui jouaient aux apprentis sorciers sur des enfants comme toi, indépendamment des sponsors. Tu leurs avais bien craché à la figure -au sens propre- mais ils l’avaient pas bien pris.
Il va falloir la domestiquer qu’ils disaient. Ils pouvaient toujours essayer.
Les jours passaient. Les semaines. Les mois. Ils te faisaient des tests quotidiens. T’en connaissais pas encore l’objectif, à part le rapport avec les supports. Et tu voulais pas devenir comme eux. Tu voulais pas qu’on te touche, qu’on manipule ton sang ou ton ADN. Tu leur faisais vivre un calvaire, avec tes tentatives à répétition de fuite, tes coups de poings, ton langage outrageux. Ils te surnommaient “la sauvage” et c’était bien la seule chose qui te faisait sourire dans cette histoire. Tu voulais quitter cet endroit et retrouver tes parents ; les rassurer ; leurs dire que t’étais pas morte, que t’allais bien.
Que tu les aimais. Mais tu pouvais toujours rêver, Kary. Un jour ils étaient venu te chercher, te disant que c’était le grand moment. Ton heure de gloire. Et t’avais tellement flippé ce jour-là. T’avais hurlé, t’avais même pleuré.
Tu ne voulais pas en être. Mais ça faisait longtemps que la vie et son chien de mari ne t’écoutaient plus.
Ils t’avaient installée dans une salle pleine d’ordinateurs high-tech, de machines non-identifiées, et de liquides plus ou moins reconnaissable. On t’avait lié les bras et les jambes avec des sangles. T’avais tellement peur que tu voulais vomir. Et malgré tes prières, malgré tes protestations, malgré tes
supplications, ils te l’avaient faite, cette maudite injection. Celle qui fit de toi l’une d’entre eux.
Une super. Une injection de nanites, ces micro-puces capables d’investir des tissus humains pour renforcer les aptitudes physiques. Ils t’avaient reconduite dans ta chambre, en larme et abattue. T’étais comme eux maintenant. C’était insoutenable.
Les tests suivant ne semblaient pas leur convenir. ils te faisaient passer toutes sortes d’épreuves physiques la journée, tandis que le soir, avant de dormir, tu devais travailler tes enseignements. Mais visiblement tu continuais à être inhabituelle. Les résultats ne montraient aucune amélioration physique ; ni force, ni vitesse, ni régénération rapide. Ils ne s’y attendaient pas, et ça au moins, c’était bien fait pour leur gueule. Ils ne comprenaient pas. Un jour ils t’avaient laissé longtemps dans la salle d’examen. Seule. Avec pour unique compagnie un ordinateur dernier cri. Et comme t’avais rien d’autre à faire, attaché à ta table, tu l’avais observé, cet ordinateur, à moitié dans tes pensées. Et puis soudainement tu n’étais plus toi. Tu n’étais plus dans ton corps, mais dans un univers de 0 et de 1. Un langage qui te semblait familier, comme une vieille connaissance qu’on réapprend à connaître. Si sur le coup t’avais trouvé ça cool, après coup ça t’avais horrifié. Tu pensais que les nanites n’avaient pas fonctionné, mais c’était faux. Elles s’étaient juste comporté différemment. Au lieu de booster tes capacités physiques, elles amplifiaient tes capacités intellectuelles. Et en l’occurence, te permettaient de transférer ton esprit dans un appareil à puce ou processeur. Et ça te dégoûtait. Ce pouvoir de super, tu n’en voulais pas. Il t’écoeurait. Il te terrifiait. Alors tu ne disais rien. Tu demeurais dans ton mutisme. Et t’attendais.
Tu t’étais rapprochée d’un gosse d’environ ton âge, un peu plus vieux que toi peut-être. Au début méfiante, sa mine perdue avait endormie ton instinct. Tu t’étais dit que quitte à être prisonnière, autant ne pas être seule. Un allié pouvait toujours être utile. Se serrer les coudes dans l’adversité. Au bout d’un an et demi, vous étiez devenus des amis. Sa chambre se trouvait dans l’aile ouest, réservée aux garçons, mais vous pouviez vous voir au réfectoir et lors de certaines épreuves. Parfois pendant les cours aussi. Et depuis quelques temps tu réfléchissais à un moyen de t’échapper. Pleine de ressources, t’avais toutefois besoin d’aide pour y parvenir. Pour vous enfuir tous les deux, retrouver tes parents et t’excuser. Un soir tu lui en avais parlé avant le couvre-feu. Réticent au début, il t’avait suivi après quelques bons arguments. T’avais tout préparé pendant plusieurs semaines. T’attendais avec impatience la date D -celle où l’Institut recevrait de nouveaux pensionnaires. Et t’avais mis ton plan à exécution.
La seule variable que tu n’avais pas pris en compte, c’était le genre humain. Non pas les gardes, dont tu avais facilement détourné l’attention. Ni les médecins, qui avaient vu trente-six chandelles. Non. Juste la loyauté et la profondeur du mot “amitié”. Quand il t’avait rejointe, à deux doigts de franchir les murs, quand tu lui avais tendu la main, le sourire aux lèvres -ton premier sourire depuis des années- il t’avait simplement regardé. Sans expression. Et puis il avait souri. Et t’avais frissonné. Et ils étaient arrivés. Les gardes. Le responsable de l’Insitut. Tu l’avais fixé, stupéfaite, perdue. T’avais mis le temps à comprendre. Il t’avait manipulée pour se faire bien voir. Il t’avait roulé dans la farine.
Il t’avait trahie.RESURGENCE Avant d’être ici, tu pestais contre ta vie, à Hiawatha. Sans ton frère. Avec des parents amorphes. Entourée d’imbéciles camarades. En arrivant ici, t’avais vite qualifiée ta nouvelle vie de “calvaire”. Et t’étais nostalgique de cette vie pourrie à Hiawatha. Mais c’était rien comparé à maintenant. C’était plus que ça ; un enfer, certainement. Ta tentative d’évasion ratée, tu l’avais payée cher.
Très cher. Tu glissas les yeux sur tes doigts. Tu en souffrais encore. Ces salopards... Non contents de t’avoir privée de nourriture pendant 3 jours, ils t’avaient aussi enfermée dans la “salle d’isolement” -comprendre cachot-, quelque peu rouée de coups, coupé les cheveux à ras dans l’humiliation totale.. Et comme si ça suffisait pas, ils s’étaient assurés que, d’une part, on ne puisse pas savoir qui tu étais, et d’autre part, que cette punition te marquerait à vie, pour que tu t’en souviennes à vie, et que tu ne retentes pas l’expérience. Oh ça oui, tu n’oublierais pas. Mais ils n’avaient pas étouffé ton sentiment de rébellion, au contraire ; ils l’avaient attisé. Chaque coup reçu t’avais rendu plus sauvage et plus hargneuse. Et ce qu’ils avaient fait à tes mains… ça te rappellerait qu’ils devaient payer au centuple. Ils avaient voulu t’effacer de Hiawatha en simulant ta mort. Non contents de ça, ils t’avaient également effacée des registres de la ville.
Et maintenant tes empreintes. Tu ne savais pas ce qui était le pire ; d’avoir été consciente quand ils t’avaient versé ces gouttes d’acides sur les doigts, ou d’avoir été forcée à regarder l’effet que ça produisait sur la chaire.
C’était de sa faute. Lui qui t’avait amadouée pour mieux t’utiliser. Tu le haïssais plus que les autres. Il serait le premier à payer. Il souffrirait le martyr, mille fois plus que toi. Mais actuellement, tu ne pouvais rien faire. Ton corps supportait mal ces mauvais traitements ; t’avais maigri, tu faisais peine à voir. Un grincement métallique retentit. Ils venaient te sortir d’ici. Tu ravalas ta fierté et te laissas guider sans piper mot. Le jour venu, ils prendraient bien assez cher. De retour dans ta chambre, tu te jetas sur la nourriture. T’avais trop faim pour cracher dessus. Mais une fois rassasiée, tu t’allongeas sur le lit et tu te mis à réfléchir, longuement. Tes cellules grises s’activaient pour trouver le moyen de te casser d’ici. Tu refusais d’y passer ta vie. Ils ne feraient pas de toi une parfaite petite super, oh non. Ils avaient voulu te faire super. Ils avaient voulu t’utiliser. ça allait se retourner contre eux. Ouais. Plutôt que de subir tes nanites, t’allais les retourner contre eux.
Pendant les semaines qui suivirent, tu profitas de chaque contact visuel avec un ordinateur pour y infiltrer ton esprit. Ce n’était pas compliqué, avec tous les tests qu’ils s’entêtaient à te faire passer. Et pendant qu’ils s’affairaient sur tes analyses, tels des vautours autour d’une carcasse, toi, t’apprenais. Tu lisais ces lignes de code. Tu communiquais avec l’ordinateur. Tu cherchais des informations. Tu décryptais le langage informatique. Un jour tu réussis même à aller sur internet pendant quelques secondes. ça durait jamais longtemps. Tu pouvais pas te permettre qu’ils se doutent de quelque chose. Petit à petit, tu appris à contrôler les facultés de tes nanites. Tu fis même quelques essais de piratage ; quelques dysfonctionnements dans leurs systèmes grâce à quelques lignes de code implémentées, puis supprimées avant qu’ils se penchent sur le problème. T’apprenais à effacer tes traces, surtout. Ils ne devaient en aucun cas se douter de quoi tu étais capable.
Un jour, t’avais surpris une conversation entre le Directeur de l’Institut et le Responsable de la Sécurité. Ils parlaient de mettre à jour le système de surveillance et d’alarme de l’établissement. Un fonctionnement informatisé. C’était l’occasion qu’il te fallait. Alors t’avais pris ton mal en patience. Et t’avais attendu. Attendu. Attendu. Jusqu’à ce qu’ils le mettent en place. Et c’est là, enfin, que t’as pu leur dire, grosso modo : FUCK YOU.
***
Libre. Enfin libre. Ton plan avait fonctionné à merveille. Il t’avait suffi de neutraliser quelques surveillants, et ton cybercontrôle avait fait le reste. Image écran. Ouverture des portes. Piratage du lecteur d’iris et d’emprunte. Et volée en éclat, leur sécurité soi-disant inviolable ! Et tu courrais. Tu courrais pour sauver ta vie. Pour mettre le plus de distance possible entre toi et cet enfer sur Terre. Tu exultais. T’étais de nouveau toi-même, à courir entre les immeubles, à slalomer entre les obstacles qui ornaient les petites ruelles. Sentir le vent et la pluie, voir le ciel et les étoiles sans oppression de quatre murs, et sans barreau aux fenêtres. Tu savais qu’ils finiraient par se lancer à ta recherche. Tu savais aussi qu’ils plieraient bagage, pour ne prendre aucun risque. Mais tu t’en foutais. Un jour tu les retrouverais, et tu les atomiserais. Et tu leur ferais passer l’envie de faire de ta vie un enfer. Tu ouvris les bras vers le ciel et un rire s’échappa de ta gorge. Un vrai. Le premier depuis la mort de ton frère.
FALLING TO PIECES La consternation. C’était ce que t’inspirait cette pancarte “A VENDRE” affichée sur le petit portail de ta petite maison. Tes parents avaient déménagé ? Ils n’avaient pas les moyens. Tu comprenais pas. Tes pas t’avaient conduits ici, parce que c’était le seul endroit qui te rattachait encore à cette putain de vie. Et là, cette putain de vie te disait “Bad Luck”. Des voix te firent sursauter. Instinctivement, tu te cachais derrière la benne à ordure, priant pour qu’on n’y jette pas un oeil. C’était deux filles qui discutaient entre elles. L’une d’elle s’arrêta devant le portail de ta maison.
- Elle est toujours à vendre cette maison ?
- Et ouais. En même temps, c’est pas étonnant, vu l’histoire…
- Quelle histoire ?
- Tu sais pas ? Les anciens propriétaires avaient deux enfants. Le fils s’est fait tuer à l’usine, un mauvais concours de circonstance avec un combat de supers. Et la fille s’est fait enlever y’a plusieurs années. La police a retrouvé une quantité effrayante de son sang dans une ruelle. Pas de corps. Mais ça faisait pas de doute, elle a pas pu survivre à tout ça.
- Oh, c’est horrible !
- Ouais. Enfin, c’était pas une grande perte si tu veux mon avis. Elle était zarb, cette fille.
- Et donc ? Pourquoi la maison est toujours à vendre ?
- Bah, la mère s’est jamais remise de l’enlèvement de sa fille. Elle s’est laissée mourir de chagrin. On peut la comprendre, perdre ses deux enfants… Et puis le mari s’est pendu quelques jours après.
- C’est sordide… Et donc c’est pour ça que...
Choc.
c’est pas possible. Non. Tu refusais cette vérité. Tu n’entendais même plus les deux commères qui s’éloignaient. Tes parents ne pouvaient pas être morts. Ils ne pouvaient pas. Tu n’avais plus qu’eux. Tu leur avais gueulé dessus le jour de ton enlèvement. Les dernières choses que tu leur avais dites, c’était des horreurs sur un coup de gueule. Et t’aurais pas pu leur dire au revoir ?
Non, non-non-non-non ! Désespoir. Chute. Tu t’étais sentie glisser le long du mur, en larme, le corps secoué de sanglots, incapable de t’arrêter. La pluie qui tombait à verse couvrait tes pleurs. Culpabilité. Tu pourrais jamais leur dire à quel point t’étais désolée. Que tu les pardonnais.
Que tu les aimais. Ils étaient partis.
Karen Nolan, 15 ans, orpheline.***
Tu marchais sans but depuis la veille. C’est comme ça que tes pas t’avais mené au centre de la ville. T’étais encore mouillé par l’averse de la nuit précédente. Tu grelottais, mais t’en avais rien à foutre. Ton coeur, à l’intérieur, était encore plus froid. Apathique, le regard vide, tu n’avais plus nulle part où aller. Tes cheveux, qui avaient repoussés et t’arrivaient aux oreilles, te collaient au visage. Tes yeux étaient cernés, tes lèvres gercées, tes doigts abîmés, mais franchement,
qu’est-ce que les gens en avaient à foutre ?C’est là qu’ils t’avaient retrouvée.
- C’est elle !
Cette injonction. Aussitôt ton cerveau se remit à fonctionner. Tous tes sens s’aiguisèrent, tu sursautas et tu repéras aussitôt trois silhouettes qui venaient vers toi. Et tu pris tes jambes à ton cou. Une fois encore, tu courais pour sauver ta vie. Mais ce que tu savais pas, sur le moment, c’était que la vie, cette chienne, te prendrait bien plus. Tu débouchas sur une place déserte. En face, l’avenue continuait jusqu’à une autre place encore plus loin. Tu jetas un oeil derrière toi.
- Par là ! Toi, sur la gauche. Toi sur la droite. Faut pas la laisser s’échapper. J’ai une idée !
T’avais couru, jusqu’à cogner un quatrième type devant toi. T’avais reculé, avant de lui donner un coup de poing. Pendant ce temps, le donneur d’ordre t’avais rattrapée.
- Alors, Kary ? On se fait la malle ? C’était lui. T’as de la chance, ils m’ont demandé de pas te tuer. Mais pas d’empêcher de te faire tuer…
T’avais pas cherché à comprendre le sens de ses paroles. Tu lui avais foutu le coup de boule du siècle.
Va te faire enculer, connard. Tu te souvenais plus si tu lui avais gueulé ou si tu l’avais juste pensé très fort. T’avais couru le long de l’avenue, dépassé la première place, atteint la seconde. Et t’avais pilé net. Ce n’était pas une voie sans issue, oh que non. L’avenue se poursuivait en face. Mais sur la place, deux supers étaient en train de se battre.
- Là, elle s’est fait avoir !
T’étais faite comme un rat. Si tu traversais la place, t’avais chance 4 chances sur 5 d’y rester, parce que ces foutus supers se foutaient bien des dommages collatéraux. Mais rebrousser chemin était hors de question. Alors, t’avais avancé. La première explosion, minime, t’avais arraché un cri de surprise. Les deux combattants s’étaient tournés vers toi. Ils t’avaient vus. Et puis ils avaient repris leur combat, ces encules.
Ils ont un script à suivre, tu comprends ? Fuck you all. T’en avais marre des ces connards. T’avais décidé, quitte ou double, de passer. Tu te mis à courir comme une dératée. ça passe ou ça casse comme on dit.
En l’occurence, ce fut toi qui cassa. Un tir. Une douleur qui fusait dans tes reins. Le souffle qui se coupait. Ton corps qui ne répondait plus à tes ordres. Et puis une explosion. Ton corps qui volait. Qui tombait. Cette douleur insoutenable dans la poitrine. Le regard qui se voilait.
Enfer. Le temps te paraissait long, tellement long. Alors qu’il passait vite, si vite. Trop vite. Ta vie avais défilé devant tes yeux, et t’allais mourir.
***
Des bruits de conversations confuses. Des lumières vives. Quelque chose sur ta bouche, dans ta gorge. Alternance de noir et de blanc. Confusion. C’était ça la mort ? ça puait autant que la vie.
Tu repris lentement conscience avec l’impression qu’une montagne t’étais tombée dessus. Tes doigts remuèrent. Tes yeux s’ouvrirent. La lumière t’aveugla. Tu plissas les paupières. Tout était blanc. Affreusement blanc. Les gens aussi. Un bruit régulier rythmait l’ambiance.
Bip. … Bip. … Bip. Tu finis par comprendre que c’était ton propre coeur. Tu voulus ouvrir la bouche et appeler quelqu’un, demander ce que diable tu foutais allongée dans un lit, tellement shootée aux anti-douleurs que tu sentais même plus tes jambes. Mais tu pouvais pas. T’avais un truc dans la bouche.
Bip-bip-bip. Tu t’affolais, et ton coeur aussi. Aussitôt des femmes en blancs se précipitèrent. T’agitais la tête et les bras, à défaut des jambes qui pour l’instant faisait grève.
- Tout va bien ! on te disait. Tu es à l'hôpital. Arrête de t’agiter. ça fait des semaines que t’étais dans le coma, c’est normal d’être déboussolée, mais t’as pas à t’en faire.
Mais t’écoutais pas, t’avais peur. Juste peur. Alors on te fit une injection qui te calma dans la minute. Et tu replongeas dans le sommeil.
Ce fut une conversation qui te réveilla.
- … La pauvre, à 15 ans, c’est triste !
- Oui quel gâchi. Quelle idée aussi de vouloir assister à un combat de supers - ! Ces jeunes d’aujourd’hui.
Incapable de laisser passer, t’avais gueulé.
- Vous m’prenez pour qui ? pour ces godiches qui frétillent devant un super ? J’AI JAMAIS VOULU ASSISTER A CE COMBAT BORDEL ! Allez vous faire foutre !
T’as eu le droit à une autre dose de calmants suite à toutes les injures que t’as balancé. Malgré tout, tu trouvais leurs anti-douleurs un peu trop forts. T’arrivais toujours pas à bouger les jambes.
- Excusez. Vous pourriez pas diminuer les doses ? Paske que je sens toujours pas mes jambes.
Elles s’étaient regardées, les deux infirmières, avant de bafouiller qu’elles allaient chercher le médecin et que tu devrais voir avec lui. Et quand il arriva, tu sus à la tête qu’il faisait que quelque chose clochait.
- Vous pourriez diminuer les doses ? J’aimerais quand même bouger les jambes. Je vais pas m’enfuir en courant, même si c’est pas l’envie qui manque…
- J’ai bien peur que ce soit impossible de toute manière.
- … Hein ?
- Ce n’est pas à cause de l’anti-douleur que tu ne sens plus tes jambes.
- Quoi ?
- La balle que tu as reçue, ajouta-t-il en soupirant. Tes tripes se tordirent. Elle a endommagé la 4e lombaire. Tu sentais des sueurs froides dans ton dos. C’est irréversible, tu ne pourras plus courir, ni même marcher. Ta respiration se bloque. Tu es paralysée.
T’ouvris la bouche. Ton monde s’écroulait. C’était pas possible.
Impossible. Pourquoi la vie s’acharnait encore sur toi ? Tu hurlais. Tu criais. Tu sanglotais. Et t’eus encore droit à une dose de calmant, ce qui te valut le titre de “patient le plus agité”. Mais ça changerait rien de toute façon. ça te rendrait pas tes parents, ni tes jambes, ni ton frère. T’avais mal et tu devais juste le faire comprendre.
Karen Nolan, 15 ans, orpheline et paraplégique.APOCALYPSE NOW Ta vie était merdique, ouais. Seule note positive, c’était ce type qui t’avais tendu une main, quelques jours après ta sortie d’hôpital. Il t’avait repéré à observer sa vitrine. Un salon de jeux vidéos. C’était surtout les ordinateurs qui t’avais intéressée. Les seuls qui t’auraient jamais trahis, comme c’était ironique, quand on pensait que tu détestais ta condition actuelle que certains qualifieraient de “super”. Non, t’étais née humaine et tu restais humaine. T’étais juste rafistolée avec une pièce détachée, les nanites. Et un fauteuil roulant, qui depuis peu était motorisé. Enfin t’avais gardé les grandes roues et les poignées au cas où.
Tu savais pas pourquoi il t’avais aidée. Il t’avait empêché de faire une connerie -tirer sur des supers, avec un colt 47 que t’avais déniché tu savais même plus où, une poubelle probablement. Il t’avait plutôt proposé de travailler dans son salon, en échange de quoi il t’aiderait à t’installer et te réintégrer. Sans poser de question. Et tu savais pas pourquoi, tu lui avais fait confiance. Pour une fois que ça te portait pas préjudice.
Tu vivais dans un appart à Haylen District, non loin de ton job. Un chez toi aménagé pour ta
condition. Accès ascenseur. Tout pour te rappeler que t’étais handicapée, alors que tu supportais pas. Et même, t’acceptais pas. T’avais progressivement dérivé vers l’apathie totale, ne gardant une certaine chaleur que pour les clients du salon -sourires forcés brefs et politesse minimale. Parce que la vie était tellement amère, que tu voyais pas pourquoi tu devrais la faciliter chez les autres. Tu souffrais intérieurement, mais aussi physiquement. Par ce que ces cons de l’hosto n’avait pas pu extraire la totalité de la balle. Il restait un fragment dans ton dos, si près de ta colonne qu’ils avaient craint d’aggraver ton état en y touchant. Sauf que parfois il bougeait d’un millième de millimètre et frolaît ta moelle épinière, ce qui te déclenchait des crises de douleur insupportables.
Parce que t’avais pas assez souffert, tu comprends.Récemment, t’avais rejoins les révolutionnaires. Comment ? Dison, pour faire court, que l’une d’entre eux t’avais sauvé contre son gré -et contre le tien- et après quelques péripéties que tu préférais oublier, elle t’avait retrouvé et proposé de les rejoindre. Parce que tes compétences de hackeuse les intéressaient beaucoup. Problème, ils avaient déjà un hackeur. Et vous vous supportiez pas. Pas vraiment du fait de la rivalité, mais simplement parce que tu pouvais pas blairer ce grand gamin immature de 3 ans ton aîné. Et, désolée, mais 9 ans de coma n’excusait pas la connerie. Et quant à cette fameuse personne qui t’avais recrutée, Oksana…… Disons, pour faire simple, que l’expression “comme chien et chat” trouvait son sens. Même, au fond, t’appréciait qu’elle te traite comme n’importe qui, et pas comme une handicapée.
Voilà, c’était ton quotidien. Triste, fade, ennuyant. Tellement que tu passais tes nerds sur la cigarette. Parfois même tu prenais de la coke. Juste comme ça. Tu buvais pas mal aussi, à l’occasion. Et tu gardais planqué ton colt 47 dans un compartiment secret sous ton fauteuil. Qui irait fouiller le fauteuil d’une handicapée, après tout ?
Aujourd’hui t’avais décidé d’inquiéter la société actuelle. T’avais décidé qu’il était temps de construire tes désirs de vengeance. T’exprimer ta haine sur le gouvernement. Alors, tu pris ton ordinateur et t’inflitras ton esprit sur internet. Et quelques heures plus tard, le site internet de la ville affichait en bannière :
Apocalypse is coming now.
Vesper Smith, autrefois Karen Nolan. 17 ans, orpheline, paraplégique. Hôtesse de jeux vidéos et officieusement hackeuse révolutionnaire.