Physique;
Invisible. Fantomatique. On t’as déjà qualifié de bien des façons, dépendant des années qui passaient, dépendant de là où on t'apercevait. Les ruines, l’hôpital, l’asile, la rue, chez toi. Mais toujours, on disait qu’on ne te
voyait pas. Ce n’est pas que t’es petit ou commun; plutôt discret, silencieux. Une ombre au fond de la pièce qui fait sursauter ceux qui ne le voient pas.
Et quand on te voit. Quand on te voit. Quand on te voit, on peut rarement deviner tes origines facilement. T’es grand, la peau légèrement mate, le visage un peu rond, une musculature prononcée, ce côté mature sur le visage mais cet air enfantin au creux des yeux. Des yeux noirs, des yeux profonds, qui soulignent tes origines asiatiques. Des yeux fatigués et pourtant si expressifs.
On t’as déjà dit, une fois, que t’avais un visage un peu féminin.
C’était à l’hospice, alors tu sais pas vraiment si c’est vrai.
C’est difficile, pour toi, d’être objectif sur ton physique quand tu as dormi neuf ans de ta vie. Alors t’évites les miroirs, et sur chacun de ceux de ton appartement, il y a un tissu par dessus. Ce n’est pas que tu ne t’aimes pas. C’est que tu t’y fais pas. C’est si loin de ton petit corps maigre, presque anorexique, de ton enfance. Si loin de ton visage fantomatique, de tes joues creuses et tes cernes sous les yeux. C’que t’as gardé, c’est tes cheveux lisses qu’on veut toujours toucher, ceux qui te tombent devant les yeux et derrière ta nuque, ceux que tu tires en arrière quand ils te gênent. C’que t’as gardé, c’est ces mains d’enfants, ces mains agiles et fines; c’est cette agilité pour te faufiler, pour grimper.
On t’as dis, une fois, que tu ressemblais à un chat.
C’était à l’hospice, alors tu sais pas vraiment si c’est vrai.
T’aimes l’anonymat. T’aimes quand personne ne sait qui t’es, quand personne te vois; c’est peut-être instinctif, mais quand tu sors, tu portes souvent quelque chose sur la tête. Une capuche, un bonnet, un casque; n’importe. Tu quittes rarement la laine fine de ton gilet -on te l’a offert quelques mois auparavant- en extérieur; chez toi, c’est un peu autre chose. T’es plus à l’aise en pantalon, alors t’exposes ton dos. Ce tatouage qui te le couvre, cette colonne vertébrales et ces ailes, cette encre noire incrustée dans ta peau que t’apprécie pas vraiment montrer.
On t’as dis, une fois, que tu ressemblais à un ange.
C’était à l’hospice, alors tu sais pas vraiment si c’est vrai.
Caractère;
On t’as dis, une fois, que tu ressemblais à un insurgé.
C’est vrai.
Un peu fou, un peu bancal. Un peu instable depuis ton réveil, un peu dérangé depuis ta sortie de l’hôpital. T’as jamais vraiment eu d’enfance heureuse, alors t’as rien pour comparer. Tu te complais dans ton état actuel par défaut, t’as abandonné l’idée de résister face à toi même. Le mensonge, l’illusion, les faux-semblants, c’est devenu une partie de toi. La rébellion, l’anti-conformisme, tu l’as épousé depuis ton plus jeune âge. Tu supportes mal les ordres, tu supportes mal les lois, t’as un plaisir certains à les contourner, parce que t’as grandis dans l’illégalité. L’illégalité et la peur. La haine. Si habituellement t’affiches un air calme, il en faut pas beaucoup pour t’énerver, te faire pleurer, te choquer, te toucher. Tu respires la haine du gouvernement, et tu ressens tout les jours ce qu’il t’a infligé: un coma de neuf ans.
La maturité dont tu fais preuve, tu l’avais pas demandé. T’as du grandir trop vite, obligé de l’accepter pour survivre. T’as vingt ans, tu dois faire vingt ans, tu t’forces à faire vingt ans. Tu parles peu avec les inconnus, tu restes silencieux dans l’ombre, t’évites la foule par peur de paniquer. la panique, tu connais. Tu les as entendu, les fous, hurler chaque nuits à quelques mètres de toi. Tu les as vu, les instables, avec leurs gestes violents et leur regard affamés. Tu les as absorbé, parce que ton cerveau apprenait. Alors t’as peur du monde, un peu. T’as peur des gens, un peu. T’as peur du noir, beaucoup. Comme un gosse.
On t’as dis, une fois, que tu ressemblais à un enfant.
C’est vrai.
Tu t’es réveillé à 18 ans, pour toi t’avais encore neuf ans. T’es presque majeur, pour toi t’es qu’un gosse. T’as peur du noir, alors t’as peint ta chambre à la peinture phosphorescente. T’as peur d’être seul, alors t’as un singe, un serpent, et trop de chats qui passent par ta fenêtre ouverte. T’es fasciné par l’adrénaline dans ton sang, alors tu l’explores en sautant sur les toits. T’es fasciné par ton corps, alors tu le pousses à ses limites. T’es dépendant, tellement dépendant des autres; incapable de tout faire tout seul, rongé par les cauchemars, rongé par la dépression. C’est pas facile d’être un enfant à vingt ans. Mais t’as ce rire. Ce rire. Ton dernier espoir d’un avenir meilleur pour ton âme rouillée. T’as ce sourire et cette innocence, ce reste d’humanité que t’as pas perdu chez les dérangés.
On t’as dis, une fois, que t’existais pas.
C’est vrai.
T’es qu’une copies, qu’un héritage. forget_me_not n’a jamais été une personne, toujours un nom derrière un masque, toujours un nom derrière un virus. Tu sais pas vraiment depuis combien de temps il existe -depuis que la rébellion s’est mêlé à l’informatique, sans doute- mais t’en as repris le flambeau, parce que t’es un génie. Avec l’assurance, la perspicacité, l’ingéniosité qu’on t’as appris. T’as ce trop pleins d’informations dans ton cerveau, t’as ce surbookage, ces migraines qui t’enflamment la tête, ces crises de nerfs qui t’retournent l’estomac. T’as peur d’avoir grandis trop vite, t’es effrayé d’un monde où t’as pas appris à vivre
On t’as dis, une fois, que tu ressemblais à un ange.
C’est vrai.
Histoire;
❝ Can you even read the blackboard written clear as can be? ❞
Quand t’y repenses, tu te souviens pas de grand chose d’Istanbul. T’étais pas grand quand t’en es parti, alors tu t’souviens vaguement des maisons, du port, de Sainte-Sophie, des explosions, de la guerre civile, du cris de tes parents et les morts dans les rues. C’était comme ça la vie la-bas, t’es né quand il fallait pas, là où il fallait pas. Tu comprenais pas grand chose de la situation, la-bas: t’avais pas plus de trois ans quand on t’a jeté dans un bateau clandestin pour l’ouest des Etats-Unis. T’avais aucune idée de pourquoi ton père et ton frère te suivaient pas, t’étais juste là dans les bras de ta mère parce qu’on disait que
la-bas, c’était mieux qu’
ici.
C’était pas beaucoup mieux. Vraiment.
C’était peut-être même pire, dans un certain sens. Il n’y avait plus la guerre, moins de morts, certes. Mais c’était triste, tellement triste, tout ce gris, tout ce noir, toutes ces larmes dans les yeux de ta mère, sans ce sourire qu’elle portait même quand le sang giclait sur ses robes colorées,
la-bas. Ici, tout était monotone. La mort et la famine restait présentes. T’as continué de grandir là, et tu t’disais que t’avais pas grandis quand il fallait, là où il fallait.
Quand t’as eu l’âge de comprendre, t’as vu les gens se battre. Ils avaient leurs idéaux, mais tu comprenais pas ce qui était différent d’autre part. Quand t’as compris ça, t’avais eu tellement peur. Parce que c’était pas
merveilleux comme le clamaient les autres gosses de Scitlali; c’était dangereux, c’était mal, ça apportait la mort, comme tout ce que tu voyais. C’est p’têt parce que t’as vu ça toute ton enfance que ça te parait commun, maintenant.
Mais ça t’faisait peur, et ça te révoltait. Parce que les premières victimes de l’égo démesuré des
sponsors, c’était vous. Les esclaves de l’impuissance, les gosses des bidonvilles qui importent pas parce que votre existence n’est pas compté. Vous êtes des clandestins de toutes façons. Tellement minable que vous pourriez être reconstruit. T’as eu la haine dès le premier jour où t’as compris, et t’étais encore petit, trop jeune et trop mature, trop curieux, trop précoce.
Quand t’as connu les révolutionnaires, t’es tombé amoureux. De leurs façon de faire, leur façon de penser, leur courage et leur dévotion. A vrai dire, t’en a connu deux. Angelina et Felix Graham. T’avais presque huit ans, elle en avait 24, et lui 21. Un frère et une soeur hackers, des petits génies, des têtes brûlées, des anges. Des résistants. T’étais tellement précoce, tellement têtu qu’ils n’ont pas eu beaucoup plus de choix que de te montrer ce qu’ils faisaient. Et c’était passionnant. Tellement passionnant. T’avais l’impression de sortir de ton quotidien, d’avoir un peu d’extraordinaire quelque part. En presque deux ans, t’avais acquis tellement de connaissances que ça leur faisait peur, un peu. Surtout Felix. Angelina t’aimait, t’aimait tellement comme un fils, et ça te faisait sourire depuis que t’avais appris qu’elle était stérile.
Le QG de leur organisation n’était pas très grand, parce qu’ils étaient peu. Un petit groupe de révolutionnaires qui avaient choisi de s’associer pour être plus efficace: t’avais neuf ans, et ils te considéraient déjà comme l’un d’entre eux. Et c’était bien, ça te faisait sourire, d’avoir enfin de l’amour depuis ton arrivée à Astrophel City.
Quand t’y repenses, tu t’dis que si vous aviez été un peu plus vigilant, vous en seriez pas arrivé là. Si personne n’avait fait le con, si personne était sorti, ça aurait pu se passer autrement. Tu sais que tu peux rien y changer parce que le drame est déjà arrivé. mais dans tes rêves, il y a toujours une porte de sortie. Quand le bâtiment s’est effondré sous la force du combat entre Carvel&Son et X-TremFactory, quand t’avais neuf ans, y avait pas de porte de sortie. Juste Angelina qui hurle en se jetant sur toi, juste Felix au loin, juste le noir total, un silence mortel et une douleur abominable d’une fraction de seconde.
Puis c’était le vide.
Et t’as cru que c’était la fin.
❝ Can you even read his mind? See that kid's lost fantasy? ❞
Quand tu t’es réveillé, il y avait des gens au dessus de toi. Tu sentais l’hystérie générale, la pièce qui retenait son souffle, l’attente et un espoir qui semblait impensable. Derrière eux, c’était blanc. Les vêtements, c’était blanc. Tout autour de toi c’était trop clair, ça te faisait mal aux yeux quand tu les as ouvert. Et t’as vu les gens soupirer de soulagement, pleurer, se serrer dans les bras d’autres; t’étais au milieu et tu comprenais pas, parce que t’en connaissais aucun.
Tu savais pas où t’étais.
Tu savais à peine qui t’étais.
Et quelque chose clochait.
La seule personne qui ne semblait pas hystérique, c’était une jeune fille, un peu moins de dix-huit ans, les cheveux mêchés et les sourcils froncés. Un peu à l’écart, qui semblait regarder autre chose. «
Bon retour parmi nous! » T’avais tourné la tête vers la femme qui venait de parler, avec ses yeux tombant et dégoulinant de larmes, avec son sourire chaleureux qui commençait à t’effrayer. Avec ses mots qui t’horrifiaient. «
Vous sortez d’un coma de neuf ans. »
C’était comme si le bâtiment tout entier était tombé dans ton estomac.
C’était pas possible.
C’était pas possible.
c’était un mensonge.
Une blague.
Faux.
Dites-moi que vous rigolez.
S’il vous plais.Elle ne t’a jamais dis qu’elle rigolait.
Tu ne te souviens plus trop de ce qu’il s’est passé après. C’était le trou noir, un blanc dans ton esprit; quand t’en es sorti, t’étais attaché au lit, dans la même chambre, des bleus sur les bras, des traces de lacérations, des ongles brisés, la gorge sèche, et ça faisait mal. Dans la peau et dans le coeur. Tu te souviens avoir pleuré, parce que c’était la seule chose que t’étais capable de faire. Et y avait cette fille un peu plus loin, celle avec les mèches blanches, qui regardait toujours à côté. «
Elle te dis que les autres sont toujours à Scitlali, et que tu devrais aller la-bas. » T’avais sursauté en la regardant parce que t’avais aucune idée de ce dont elle parlait, avec ses yeux vides et son regard morne. Elle te rappelait un peu ta mère, sur sur la bateau, et cette pensée t’as serré le coeur. Neuf ans. Est-ce que ta mère savait où t’étais? «
Qui, elle ? » «
Angelina. » Tu t’étais redressé tellement vite que t’as cru t’arracher les bras. Angelina. Felix.
ils allaient bien, que tu te disais.
Ils sont en vie, que tu pensais. «
Elle est où? »
La fille a pointé du doigt derrière toi.
T’as tourné la tête.
Il n’y avait personne.
Elle voit les fantômes.C’est comme ça que t’as su qu’Angelina était morte en voulant te sauver. C’est comme ça que t’as su que son esprit était resté neuf ans avec toi, à attendre que tu te réveilles, à attendre de pouvoir te parler. T’as jamais revu Angelina, pas vraiment. Tu parlais dans le vide en espérant qu’elle t’entende, et vous arriviez un peu à dialoguer quand la fille aux mèches était là. Et elle était souvent là, à veiller sur celui qui partageait ta chambre.
Dans le coma. C’est sans doute sa présence qui a calmé tes crises de panique, qui t’as ouvert un peu, qui limitait un peu tes larmes. Mais c’était pas suffisant: t’étais trop instable, trop dérangé, trop traumatisé, trop perdu, trop fragile.
Un mois après ton réveil, on t’as transféré en hôpital psychiatrique.
Tu t’dis que c’est débile, que c’était sûrement la pire chose qu’on aurait pu te faire.
Et pourtant.
Pas totalement.
C’était débile parce que toi, t’avais encore 10 ans.
dix ans dans un corps de dix-huit ans. T’avais encore 10 ans, t’absorbais dans ta tête tout ce qui se passait autour de toi. Tout ce qu’on disait, tout ce qu’on faisait. Et vivre des mois parmi les fous en sortant du coma, c’était sans doute pas la meilleure des idées. parce que t’as tout assimilé, parce que toutes tes crises devenaient de plus en plus irrégulières, plus violentes, plus démentes. Tu t’disais que t’aurais préféré ne pas te réveiller. Personne ne savait ce que ça faisait de ne pas vivre pendant neuf ans. De se réveiller presque adulte sans passer par l’adolescence -
directement d’une enfance ruinée. Mais c’était rien. C’était pas grand chose, t’aurais pu vivre avec si tu l’avais pas vu, la-bas. Lui.
Felix. Le dément qui a tout de suite compris qui t’étais. Le dément qui rejetait la mort de sa soeur sur toi. Le traumatisé, le bourreau, l’homme si maigre avec ses yeux injectés de sang et son visage creux qui lui rajoutait vingt ans. Il était si loin du grand frère que t’avais eu. Et ça t’avait fait tellement peur.
Parce que tout les jours il te fixait.
Tout les jours il t’insultait.
Tout les jours il te menaçait.
Tout les jours tu crevais d’envie de claquer.
Quand t’y repenses, tu te dis que sans
son arrivée, tu te serais sans doute pendu dans ta chambre. Celui qui a partagé ta
vie chambre quelques mois, celui qui partait et revenait dès que l’envie de se suicider revenait.
Tout le temps. Celui qui hurlait la nuit, qui se débattait quand tu voulais le calmer; celui qui, progressivement, restait avec toi assis dans votre coin, celui à qui tu souriais, celui qui te souriait, celui qui te tenait la main quand tu faisais des cauchemars.
Il t’as permis de survivre, de partir. Vous parliez. Beaucoup. Lui savait pour ton coma, toi pour ses tentatives de suicides. C’était difficile de lui dire de ne pas se tuer alors que t’avais aussi eu tellement envie. Tu préférais mourir petit à petit avec la nicotine qu’il te donnait. Quand il sortait, tu te sentais vide; jusqu’à ce qu’il revienne peu de temps après. Tu savais pas trop si t’étais content de le revoir, parce que tu savais que c’était parce qu’il voulait en finir. Mais tu l’aimais, comme un gosse aime son sauveur.
T’es sorti peu avant tes dix-neuf ans.
C’est pas que t’allais beaucoup mieux. Plus que tu savais comment le cacher.
C’est pas que tu voulais sortir et
le laisser seul dans votre chambre. C’est qu’on disait que t’avais plus besoin d’être là.
T’as jamais vraiment su pourquoi ils le pensaient. Peut-être qu’au fond t’allais mieux, peut-être qu’au fond t’étais devenu plus stable depuis que t’étais avec lui. Tu t’es jamais senti très bien, alors tu savais pas trop.
Mais t’es sorti de l’hôpital psychiatrique et tu connaissais pas ce monde, que t’avais laissé dix ans plus tôt.
❝ Can you even find the one who dyed his red heart to black? ❞
T’étais rentré à Scitlali avec la trouille de le voir changé.
T’es rentré au qg de ton enfance avec la trouille de le voir détruit.
Et en face, un bar.
Morpheus.
Et dedans, des gens. Des connaissances. Des anciens camarades.
T’avais pleuré quand Artemis t’avait serré contre elle, quand elle te disait à quel point elle était heureuse de te revoir, à quel point elle était désolée, désolée, tellement désolée de ne pas avoir été là à ton réveil. T’avais pleuré quand elle t’avait donné les anciennes affaires d’Angelina et Felix. T’avais pleuré quand elle t’avais emmené devant la tombe de ton
Ange. T’as rejoins la nouvelle organisation qui s’était développée pendant que tu dormais. Mist. Ceux que t’avais connu petit, ceux qui était toujours parmi les vivants, parmi les sains d’esprit, tous y étaient. Ils étaient pas beaucoup.
Quand t’y repenses, tu t’dis que c’était un coup du ciel pour que, lorsque t’as emménagé dans un appart vieillot, la fille en face de ta porte soit celle aux mèches. Un coup du ciel, un coup de chance. Après un an elle avait l’air d’aller mieux, mais t’avais l’impression qu’à chaque fois qu’elle te voyait, elle se rappelait de votre première rencontre. Et vous vous voyez. Souvent. Très souvent. Toujours fourré l’un chez l’autre, à passer les soirées dehors, elle t’aidait à reprendre une vie normale; elle t’aidait à rattraper le temps perdu, elle t’aidait à survivre, à vivre. T’étais un génie, alors ça t’as pas demandé plus de six mois pour retrouver, pour approfondir, tes connaissances en informatiques. Et quand t’as réussis à craquer l’ordinateur d’Angelina, tout était là. Tout ses programmes, tout ses plans, ses logiciels, ses mémos, sa vie privée,
même son journal. Ça, tu l’as jamais ouvert. Le reste, tu l’as absorbé; afin que, jour pour jour, dix ans après la mort de la jeune femme, peu avant tes vingt ans, tu crack les panneaux publicitaires d’Astrophel.
Forget_me_not is backCette nuit-là, tu t’es endormi avec un sourire aux lèvres.
Tu t’plais à dire que t’as pris le lègue d’Angelina. Son nom, son pseudo, son ordi, ses affaires. La fille aux mèches t’avait dit qu’elle avait disparue lors de cette nuit-là. Tu savais pas si c’était parce que ça faisait dix ans qu’elle restait, ou si c’était parce qu’elle avait fini de veiller sur toi. Ceux qui ne faisaient pas parti de Mist ne savaient pas que derrière l’écran, c’était une autre personne.
Peu après tes vingt ans, tu t’es fais tatoué le dos.
Peu après tes vingt ans, t’as retrouvé ton sauveur suicidaire.
Peu après tes vingt ans, t’as trouvé un singe et un serpent, et tu les as pris chez toi.
Peu après tes vingt ans, tu t’es fais engager comme informaticien à l’Académie, espionnant pour le compte de Mist.
Quand t’y repenses, tu t’dis que t’es pas né quand il fallait, où il fallait. mais c’était pas si grave.