J'ai aucune excuse bidon, une explication tout juste bancale - aussi ridicule que moi. C'que j'fous là ? Oh j'ai trouvé ça marrant.
Voilà, c'est l'explication.
J'ai trouvé ça marrant.
Et de fait, c'est tellement con que ça en devient fun.
(Je pourrais dire, également, que j'avais besoin de me changer les idées)(ce serait pas faux)(ce serait même très juste, mais je ne le dirai pas.)
Alors, euh, ouais, j'suis là. Je trouve ça super fun cette connerie. Puis j'ai zéro complexe, aucune moitié (un jour, je tomberai amoureux… un jour… peut-être… mais j'compte pas trop sur une télé-réalité en carton pour ça), j'peux me lâcher. Alors quand le présentateur commence son speech, j'suis relativement détendu ; j'admets même, peut-être, prendre un peu le truc à la légère. Je lance un regard à Romeo, un autre à Jafar ; voilà trois gosses sur scène, déjà, qui s'amusent de tout, de rien, des coïncidences, de se croiser là, de tous les endroits possible dans cette ville-monde. Je survole les autres candidats également, ne croise que quelques regards, reconnaît des têtes. J'me fais aucune idée, j'ai même pas d'envie particulière en terme de duo (tant que c'est pas Antigone en fait, ce serait beaucoup trop bizarre) ; j'écoute un peu passivement les noms qui commencent, mon regard passe d'un visage à un autre. Et puis on m'appelle, et bien sûr j'étais assez attentif pour lancer un sourire à ma paire-
attendez.
Je sais pas ce qu'il m'arrive. Il tourne la tête vers moi, et j'suis pris d'un... non, pas un coup de foudre, maison de l'amour ou pas. Non, justement.
J'suis pris d'un sale frisson désagréable. J'comprends même pas ce qu'il m'arrive, j'ai jamais ressenti ça ! (Comme le coup de foudre, mais en plus négatif)(négatif, moi, houlà)
Qu'est-ce que c'est que ce bordel. Je papillonne un peu des yeux, le fixe et fronce les sourcils ; ouah c'est quoi cette sale impression là. Ca va me passer, évidemment, mais j'sais pas, j'ai jamais vécu ça moi, j'aime tout le monde (pour de vrai), j'suis trop surpris choqué (déçu).
Romeo s'approche et j'lui lance un sourire un peu vague, contrairement à d'habitude ; heureusement, l'euphorie du moment rends mon moment à vide parfaitement inaperçu. J'ai pas trop envie que mon compagnon voit qu'un truc cloche, j'ai horreur de ça, en plus il est sans doute super sympa ce type. « Eh, fais gaffe, il est mineur c'lui-là. » un rire (perdu), un nouveau regard ; j'ajoute rien, parce que j'sais pas trop comment appréhender cette situation, j'en perds presque (totalement) mon naturel. « Jude, donc ? Ravi de faire ta connaissance. »
Pas moi.
Bordel c'est quoi ce- bordel ? Un sourire (un peu forcé), un regard moins pétillant que d'ordinaire, et une boule dans la gorge ; j'suis perdu. « Pareil. » J'arrive pas à ajouter quoique ce soit d'autre, je suis comme... comme paralysé, tué, c'est désagréable -et j'vais devoir vivre ça
une semaine entière. Oh god.
« Alors… On va devoir faire connaissance et tout, du coup. Ouais j'suis mineur, moi, et euh, j'ai trouvé ça marrant comme truc », je désigne vaguement la scène d'un geste de la main, « et toi ? » nouveau sourire (toujours forcé, c'est horrible, sourire c'est censé être une seconde nature chez moi).

J’aime pas ça. Pas du tout, même. Comment un simple délire peut-il tourner au calvaire ? Comment un simple délire peut-il me mettre dans cet état ? J’étais juste censé faire n’imp et m’amuser (me vider la tête), et là...
Et là j’ai ce sourire forcé, j’essaie vainement de me calmer, de moins culpabiliser aussi - s’il se rend compte de quoique ce soit, il pourrait trouver ça blessant. Ca serait logique, en fait. Et j’ai pas envie de le blesser ; j’ai pas envie de blesser qui que ce soit. Alors faut bien que j’prenne sur moi, que j’me calme ; que je redevienne normal aussi, ce serait cool.
« Moi aussi, j’ai trouvé ça marrant, et c’est devenu un défi entre moi et Romeo. »
Oh. Ca expliquait assez bien ce que faisait l’autre clown - et entre clowns, on s’comprend - subitement. Alors ils se connaissent, et visiblement ils s’entendent même suffisamment bien pour faire des défis… Allez, les amis de mes amis sont mes amis. A fortiori de Romeo.
Tout va très bien se passer.
(Retiens les frissons, l’intuition, les mauvaises idées)
Il a l’air sympa, en plus. Vraiment. J’sais pas pourquoi tout me dérange, quand j’y regarde bien, il a l’air cool, détendu et agréable. Il me sourit et j’me sens soutenu bêtement, parce que je connais ce genre d’expressions ; il doit lire mon malaise, chercher à la compenser. Mes joues prennent quelques couleurs, j’avale ma salive ; oh non, il a forcément capté qu’un truc clochait. J’ai horreur de ça bordel, j’veux pas le mettre mal à l’aise… Allez respire mec, respire. Tout va très bien se passer.
« Et c’est d’autant plus amusant de tomber sur quelqu’un qu’on ne connait pas, tu ne trouve pas ? »
J’ai un rire (enfin naturel et spontané) ; pour autant, il est pas innocent, ce rire. C’es plus amusant ouais… Quand ça se passe bien. Pas comme maintenant, en somme.
« Ouais, carrément. On fait de nouvelles rencontres et on vit les mêmes galères… Ca noue des liens, tout ça. »
Sourire, encore ; j’avale la pilule, le polie, petit à petit, j’arrive à sembler plus naturel. J’ai jamais été grand comédien, mais quand il s’agit de ne pas blesser les autres, j’ai un certain skill. Alors ça devrait aller…
Pas vrai ?
« Et donc, euh » trouver quelque chose à dire, jouer sur les similitudes « c’est quoi le défi ? » Je suis même pas certain de vouloir la réponse (elle est même évidente) ; tout ce que je veux, c’est qu’on discute, que le malaise s’évapore ; qu’enfin, on passe un moment correct
loin du malaise.

Oh putain de merde, c'était quoi ça ? Un instant, j'en ai le souffle coupé ; son regard s'est pourtant si légèrement voilé, j'aurais pas dû avoir cet instant de malaise (de nausée). Je crois que mon empathie fait n'importe quoi, elle merde complet ; pourquoi j'ai envie de gerber ? Je commençais enfin à me détendre et là, là - c'était juste, quoi ? Une seconde, même pas deux ; son regard a changé, imperceptiblement, et j'ai senti mon cœur loupé un ou deux battements
- et c'est toujours pas positif.
D'habitude au moins, je ressens les choses, mais je les comprends également, alors c'est quoi le souci cette fois ?
J'crois que c'est juste moi. J'ai un problème. Et son regard (qui me donne pas envie de lui faire confiance), c'est dans ma tête. Je me fais des films, je sais pas pourquoi mais c'est pas possible autrement. Ou alors c'est juste… physique. Y a un truc qui passe juste pas.
Ca m'énerve, j'suis censé aimer tout le monde.
Mon essence de bisounours en prend un coup.
Il rit et je l'imite ; sauf que le mien a la teneur du malaise. C'est un rire nerveux et ça s'entend, alors j'essaie de me racler la gorge et ça finit en toue ; pitoyable.
« Celui de s’inscrire ici, tout simplement. Mais j’ai bien l’intention d’en profiter au maximum pour m’amuser. »
Ca semble mal barré.
Quoiqu'il y a encore moyen pour que lui passe un bon moment, non ? J'espère sincèrement qu'au moins un de nous deux s'amusera… parce que dans mon cas, j'y crois de moins en moins. Et son nouveau rire arrive même pas à me dégager cette pensée de la tête ; non, j'y arrive pas. Ca veut pas dire que j'ai le droit de pas y arriver ; j'vais faire des efforts, je dois faire des efforts.
Ca va aller… Je dois juste être le plus naturel, le plus agréable possi- quoi ? Il se rapproche de moi et je hausse un sourcil ; oui ? J'arrive même pas à trouver son rire innocent, j'en peux déjà plus de moi, c'est quoi cette parano à la con ? Et puis un pas, moi qui me tend à l'extrême ; retenir les frissons (et ils sont pas agréables), l'envie de reculer aussi rapidement qu'il ne s'est rapproché… Le malaise tout simplement (et ça n'a rien à voir avec sa belle gueule ou son sexe, physiquement parlant il est vraiment pas mal, c'est con hein ?)
« J’espère être bien tombé avec toi, Jude. »
Nope nope nope nope nope nope
nope
nope nope nope
nope
n o p e
(instant de panique intense)
Je déglutis difficilement, tandis qu'il recule, et c'est plutôt très positif - j'ai pas eu le temps de reculer de quatre ou cinq mètres, c'est super. J'aurais bien foutu la pression dès le début tiens (mais non, c'est lui qui la fout en vrai). Je redresse le regard ; d'habitude, ce genre de situation m'aurait amusé - je l'aurais bien ouvertement dragué, même devant des milliers de téléspectateurs. Mais pas maintenant. Là, maintenant, tout de suite, j'ai surtout envie qu'il s'éloigne de moi. Pourquoi ? Pourquoi ça m'arrive ?
Prends sur toi, Jude, prends sur toi.
« J'suis sûr que tu vas t'amuser. »
A mes dépends, peut-être.
« On va former le meilleur des duos tu vas voir. »
J'veux mourir.