dans le silence, ses songes s'emballaient
dans un rythme frénétique, une cavalcade bruyante et incoercible - ces spasmes qui brûlent et qui laissent la carcasse en charpie au matin venu.
une fois de plus la hantise était venue - implacable et cruelle, toutes les danses mémorielles qui revenaient lui souffler l'horreur de la vie et lui ôter l'espoir d'un jour oublier
peut-être que c'était ça, au fond
peut-être que son rêve résidait là, au centre de son palpitant, en plein dans sa chair, de la jonction de ses os aux sursauts de son cerveau.
et souvent il cherchait la solution à tous ses maux, comme si la médecine et la science réunies lui faisait entrevoir une vie nouvelle - vierge de tous les fragments de vie qui constituent les êtres.

la mémoire était horrible. encore plus quand elle est indélébile.
et elle est là, sculpturale, virginale - un nouveau visage, une douceur encore inconnue qui serait le nouveau souffle d'espérance qu'il n'attendait plus - tout ça, c'était vain, de toute façon.

les employés en blouse blanche avaient griffonné les renseignements basiques, et il avait masqué, mis sous clés, l'agacement palpable de répéter encore et toujours la même chose, pour une conclusion qu'il connaissait déjà.
alors les flammes de sa chevelure, l'ouragan sous les pupilles vertes.
un battement de cils, une oeillade échangée, et il aurait décelé avec facilité celle qui allait l'examiner - celle qui au fond, sous une apparente tranquilité n'était qu'un assemblage troublé.
peut-être qu'elle avait fait naître, cette fois, une lueur plus grande au creux de ses iris lassés.

— Dr Grace, c'est un plaisir de vous rencontrer, il avait tout de suite identifié son patronyme sur les ordonnances dispersées ici ou là sur la table de bureau désorganisée — je suis navré de vous prendre de votre temps pour des futilités, mon seul problème est d'avoir des soeurs particulièrement envahissantes.

et il cache le tumulte dans son esprit par un langage habile et une voix assurée - le mensonge, encore et toujours.

et on vit sur cette lune on danse c’est à ces moments qu’on sent nos vies la verve qu’on avait, le fleuve qu’on atteindra plus jamais et laisse-moi tomber, laisse la nuit trembler en moi chaque fois ... 

Pando

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ses sourcils s'arquent un instant, et il répond par un rire spontané et éphémère à la rousse qui lui avait à peine jeté un regard.

— Je ne pensais pas que mon cas était si risible.

Il se rapproche du bureau, joint ses mains sur la surface débordée de futilités en tout genre, et redresse ses épaules jusque là creusé pour retrouver une prestance qu'il ne connaissait que chez son père - et qui lui faisait déjà horreur.

— Je n'ai jamais connu de sommeil paisible, docteur. Et n'en déplaise à mes soeurs, je ne suis pas sûre que vous puissiez grand chose pour moi. Beaucoup d'autres avant vous ont essayé.

Il scrute, détaille, imprime dans sa mémoire le moindre détail de leur décor.
Il n'était pas assez tard pour s'attarder sur elle - et quand bien même, elle n'avait aucun intérêt à ses yeux encore.

— Je n'ai aucun problème cardiaque, seulement quelques excès de tension de temps à autre. Vous pensez que c'est inquiétant ?

Le sourire qui fleurit sur ses lèvres devenait une habitude malsaine, et sa jambe droite commença à s'agiter dans un rythme frénétique, chaque fois qu'il manquait de sommeil.

— Apparemment, je ne suis pas le seul ici à manquer de sommeil.

Il s'attarde un instant sur elle, avant de détourner le regard - certaines femmes ne supportaient plus de se laisser admirer trop longtemps. Et il laisse s'écouler plusieurs minutes, durant lesquelles sa jambe n'arrêtait pas son sursaut permanent, et il ne s'arrêta que lorsqu'il posa sa main droite dessus, fermement.

— Alors ? Que pouvez-vous faire pour moi, Dr Grace ?

et on vit sur cette lune on danse c’est à ces moments qu’on sent nos vies la verve qu’on avait, le fleuve qu’on atteindra plus jamais et laisse-moi tomber, laisse la nuit trembler en moi chaque fois ... 

Pando

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