no colour nor beauty will enlighten my heart + roxane
«
Tu me manquais. »
Parfois, leur comédie était difficile à lire ; même pour elles. Le jeu devenait ambigu et il était difficile de savoir si un ton mielleux cachait une énième pique ou une réalité.
Pas que cela dérangeait fondamentalement Shizu ; c'est aussi ce qui faisait partie
d'elles -cette espèce d'hypocrisie qu'elles partageaient et pouvaient pleinement assumer, avec un mélange de réelle affection et d'admiration respective.
C'était une compétition permanente
un frisson d'adrénaline.Elle n'en avait pas beaucoup, des relations pareilles ; la plupart de ses rivalités en carton l'ennuyaient passablement et la blonde ne parvenait jamais à se sentir intéressée par les challengeuses.
«
Tu m'as manquée aussi, ma chérie. »
Oh que oui. Dans ce monde de tocs et de faux semblants, dans cet univers terriblement ennuyeux pour une princesse capricieuse ;
elle était un coup de jus, un réveil,
une vie, putain -et même si, depuis Shane, elle jouait d'avantage les filles sages...
Alice aimait les coups de jus.
(Un peu d'adrénaline et de défis.)
«
D'accord, je t'attends. Prend ton temps pour faire les choses aussi bien que d'habitude. »
Était-ce bien nécessaire ? Evidemment.
Doucement, tendrement, innocemment ; c'était avec ces
encouragements que Shizu pouvait garder les pieds sur terre. Elle n'était qu'une princesse parmi tant d'autres (ou presque), et une de ces autres lui rappelait que sa place pouvait rapidement redevenir vacante.
Pas qu'elle lui en donnerait l'occasion un jour, évidemment. Mais ces petits rappels à l'ordre n'était pas mauvais pour la compétition. Pas mauvais pour
elles. Pas mauvais pour
elle. (Ce serait bête de tomber de si haut à présent, n'est-ce pas ?)
Le shooting défila plus rapidement qu'avant l'arrivée de la Van Der Rohe ; comme si sa petite visite avait électrifié la blonde (c'était bien évidemment le cas). Un technicien lui rapporta son café et un sourire moqueur vint poindre sur les exquises lèvres de la jeune femmes
(elle était
parfaite Roxane).
Elle n'eut même pas besoin d'articuler sa question ; on lui indiqua où la rousse avait filé et cela sembla somme toute évident (fuir, respirer, juste un instant).
Des fois -juste des fois- elle asphyxiait aussi.
La porte se ferma doucement, mais Roxane l'entendit et lui lança un regard ; même le vent semblait parfaitement s’accommoder de ne pas la décoiffer. Le portrait avait un aspect rêveur (et elle aurait pu se surprendre à la jalouser, un peu, infiniment peu ; si elle ne s'était pas si bien reconnue). «
Je suis désolée, mais avec toute l'agitation autour de toi, j'ai préféré m'extirper. Toute cette foule, ça en devient lassant. » «
J'en aurais fait autant. » Un petit rire -elle riait tout le temps, si légèrement et facilement, Shizu, que ç'aurait pu devenir sa marque de fabrique- et elle s'approcha pour venir s'accouder au rebord, observer le monde.
Elle s'y surprenait souvent aussi, à observer le monde
(d'en haut, de sa tour d'ivoire ; de son ciel étoilé dans lequel elle venait se loger).
Il était presque beau le monde, d'ici.
(Et on y respirait si bien)
Son
amie s'agita quelque peu et Shizu se tourna d'avantage vers elle, attentive ; elle n'aurait jamais manqué de respect à Roxane (à une Van der Rohe aurait-elle pu dire, mais à dire vrai, elle dissociait très largement la jeune femme du reste de sa lignée). «
T'en veux une ? On doit bien avoir cinq minutes avant que ton agent ne te rappelle à l'ordre. J'ai semé les miens, donc de mon côté, je suis tranquille. » Ses lèvres pêches affichèrent un sourire avant qu'elle ne secoue légèrement la tête. «
Merci, c'est très gentil à toi, mais je ne fume pas. » Et même si son légendaire rire ne franchissait pas ses lèvres, il se lisait jusque dans son regard. «
Tu vois Roxane, je crois que c'est une des raisons pour lesquelles je t'adore. Une crise d'adolescence est si vite arrivée... » Sa lèvre tressaillit. «
Si un jour tu fugues, appelles-moi, je serai toujours à toi... »
Elle ne pouvait réellement pas s'en empêcher
(en même temps, fuir Alvaro était une passion à part entière chez Shizu).
Mais là n'était pas la question. Laissant Roxane tirer une taffe, elle poussa un soupire bienheureux -de ceux qu'elle avait dans ces rares moments d'accalmie. «
J'ai vu vos dernières émissions. » Pas le genre de programmes qui l'eût intéressée, si cela n'avait pas été pour la rousse (elle pouvait bien contribuer, un peu, à son gagne-pain). «
Tout va pour le mieux hm ? » Elles ne parlaient que rarement de leurs problèmes (jamais, pour être honnêtes), ne se taclaient jamais réellement et ne visaient que rarement les points sensibles.
Mais parfois, c'était plus fort qu'elle
qu'est-ce que tu veux, Roxane ?