like one of your french girls ❞

Des restes de frissons lui remontèrent légèrement le long de la colonne vertébrale quand elle songea aux secondes qui s’étaient écoulées dans un silence hors du temps juste avant que la sonnerie de son téléphone ne brise l’instant ; Cerise réalisait petit à petit ce qu’il venait de se passer et n’arrivait pas à croire qu’elle avait pu se laisser perdre de la sorte sous le regard de Saul. Jusqu’ici, elle ne l’avait jamais considéré comme autre chose qu’un ami.
Alors pourquoi avait-elle encore un peu plus poussé les limites en l’invitant à passer la soirée avec elle ?

« Ah, c'est à moi que tu parles ? Son rire résonna dans la pièce et suffit à ramener Cerise sur Terre –c’était Saul qu’elle avait en face d’elle. Quoiqu’il puisse arriver, cela ne pouvait être bien grave. Nah, j'ai rien de prévu ce soir. C'est moi ou tu m'invites à un rencard ?
— Qu- elle manqua de rétorquer quelque chose avant de s’interrompre devant son air stupide et laissa un rire exaspéré s’échapper. Appelle ça comme tu veux, mais moi j’ai envie de nourriture grasse et de vin donc qui m’aime me suive ! »

Elle se releva du sofa en s’étirant, un peu engourdie par le fait d’avoir tenu la pose, et attrapa la main tendue par le jeune homme encore assis pour l’aider à se relever.

« C'est OK, mais à une condition.Tu m'aides à ranger ça avant.
— Si vous aviez des meubles dignes de ce nom pour ranger ce bordel ce serait plus simple tu penses pas ? fit-elle malicieuse en faisant référence à la discussion qu’ils avaient eu plus tôt. »

Elle l’aida néanmoins à ranger tout le matériel éparpillé autour d’eux avec le même soin que lorsqu’elle rangeait les jouets de Solis. Une fois que tout fût rangé à sa place, ils quittèrent l’entrepôt en s’assurant d’en avoir bien fermé les accès et retournèrent à la voiture pour laisser derrière eux l’odeur d’huile de moteur et d’iode du port d’Astrophel.

« Qu’est-ce que tu veux faire du coup ? »

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Cerise s’était engouffrée dans l’habitacle de la voiture dès que Saul l’avait déverrouillée ; pendant qu’il finissait de ranger ses affaires dans le coffre, elle avait sorti son portable de nouveau pour vérifier qu’elle n’avait pas reçu de nouveau message ainsi que jeter un œil à l’heure étonnamment tardive –elle qui avait d’habitude la notion du temps, elle ne comprenait pas comment celui-ci avait pu filer si vite et sans qu’elle ne s’en rende compte.
Elle hésitait à mettre ça sur le dos de Saul et de sa bonne compagnie mais n’était pas certaine de ce que cela disait sur elle de penser ainsi.
Jambes croisées l’une par-dessus l’autre et accoudée contre la porte –elle ne s’était dérangée que pour récupérer le portable de Saul lorsqu’il le lui avait demandé–  Cerise regardait la route défiler sous ses yeux avec aux lèvres le petit sourire de ceux qui avaient passé une journée satisfaisante.

« J'ai un pote qui vient d'ouvrir un resto, et ça fait des mois qu'il me bassine avec mais j'ai encore trouvé personne pour m'y accompagner. »

Sans répondre tout de suite, la jeune femme se contenta de laisser échapper un ricanement amusé et de hausser un sourcil narquois en l’observant coller son téléphone contre son oreille –il l’invitait au restaurant mais c’était elle qui lui proposait un rencard, c’était bien ça ? Elle se mordit la lèvre pour ne pas le lui répéter et manquer de le faire rire au téléphone.

« J'me dis que si j'y vais avec toi, il y a moyen qu'il me laisse passer sans que j'aie à porter une chemise. Cerise fronça les sourcils, surprise que le dit restaurant soit du genre à avoir un dresse-code particulier, mais Saul se pencha vers elle avant qu’elle ne puisse faire la moindre remarque. Rassure-toi, c'est pas un resto de luxe mais il aime pas mon "style de fuckboy". »

Elle ne put réprimer son rire suite à sa remarque, comprenant parfaitement pourquoi on pourrait qualifier l’allure de Saul de pareille façon –même dans ses manières parfois, il était déjà arrivé à Cerise de lui trouver des petits côtés de lover de téléfilm, mais c’était justement le décalage entre ses airs et ce qu’il était vraiment au fond qui faisait tout son charme.

Saul raccrocha au bout de quelques instants, et la table était réservée. Cerise de son côté avait sorti sa petite trousse de maquillage de son sac et avait abaissé le miroir du siège passager.

« On va faire en sorte que ton charme de fuckboy passe inaperçu, railla-t-elle en lui adressant une oeillade en coin moqueuse avant de se pencher vers le miroir, rouge à lèvres en main.


La ruelle où Saul s’était garé pouvait sembler peu avenante car elle était un peu étroite et le soleil couchant ne l’éclairait pas aussi bien que les autres rues, et pourtant il s’en dégageait une atmosphère étrangement réconfortante –Cerise n’aurait jamais vraiment cru pouvoir trouver tel endroit au cœur du centre-ville d’Astrophel.
Elle emboîta le pas de Saul lorsqu’il s’y engouffra avec assurance et le suivit jusqu’au seuil du petit restaurant de ville où il avait prévu de l’emmener. C’était un lieu charmant aux lumières tamisées et d’où s’échappait des notes de blues à l’ancienne, probablement jouées par un petit groupe de musique –ou diffusées par de très bonnes enceintes.

« Tu me vannais tout à l’heure mais maintenant c’est moi qui vais finir par croire que tu m’invites à un rencard, c’est beaucoup trop mignon comme restaurant, lui souffla-t-elle d’un ton narquois, mais un sourire admiratif aux lèvres. »