it's not like i'm falling in love ❞

« T'en rêves, hein ? »

Cerise haussa un sourcil avec une lueur de défi au coin des yeux, l’air de dire qu’elle attendait encore qu’il fasse ses preuves s’il voulait qu’elle lui donne raison –juste avant de se fendre dans un rire amusé qui mit fin à l’échange.
Elle avait remarqué que plus la journée avançait, plus les remarques et les échanges de regards se faisaient porteurs de quelque chose de plus lourd que de simples blagues entre amis.
Cerise n’était pas naïve ; elle comprenait que le jeu de drague qui commençait à s’installer entre Saul et elle pouvait déboucher sur quelque chose de plus sérieux, mais parce qu’il s’agissait de Saul justement, elle ne s’inquiétait pas des conséquences.
Il y avait quelque chose d’extrêmement reposant à ne pas avoir à s’angoisser pour des futilités parce que l’autre vous mets suffisamment à l’aise pour qu’aucun doute ne vienne s’immiscer. C’était quelque chose qu’elle n’avait pas ressenti depuis Antigone, et cette idée suffit à lui donner un petit pincement au cœur –pour s’éviter de trop ressasser le passé, Cerise balaya ses souvenirs trop invasives hors de son esprit et quand l’ami restaurateur de Saul s’approcha d’eux et que ce dernier entama les présentations, elle se parût de son sourire le plus aimable afin d’enterrer les petits morceaux d’anciens chagrins une bonne fois pour toute.

« C'est Cerise. Elle… »

Saul croisa le regard de la jeune femme et la fin de sa phrase resta en suspens pendant ce qui semblait être une éternité. Elle était un peu gênée de se retrouver dans cette situation devant quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, mais d’une autre part, l’envie de se laisser happer par le regard vert d’eau qui lui faisait face semblait sur le coup une idée fort tentante.
Elle ne se laissa pas aller néanmoins, et se racla poliment la gorge pour rappeler Saul sur Terre en espérant que les lumières tamisées du restaurant suffisaient à dissimuler les légères rougeurs de ses joues.

« Elle m'a aidé à faire du rangement.
— Eh bien on m’a fait mieux en matière de présentation, railla Cerise en ricanant en direction de Marco dans l’espoir de dissiper l’étrange gêne qui venait de s’installer. »

Il leur donna ensuite les cartes et les invita à s’installer.

« Il a rien dit sur mes fringues. Je crois que tu lui as fait bonne impression.
— Je fais toujours bonne impression Parrish, fit-elle d’un ton narquois avant de baisser la tête vers la carte. Je meurs de faim, je pense que je vais partir sur un burger et toi ? »

Un drôle de silence s’installa entre eux après qu’il lui eut donné sa réponse et tandis qu’elle regardait la carte des vins, Cerise croisa les jambes sous la table et effleura du bout du pied celle de Saul ; ce maigre contact la fit lever les yeux par réflexe et une fois encore, elle manqua de se laisser prendre au piège du regard de Saul.
Aussi elle préféra prendre le taureau par les cornes avant de se laisser avoir.

« Dis Saul, fit-elle d’un ton qui se voulait léger mais plus sérieux que celui qu’elle avait pu employer plus tôt, tu peux m’expliquer ce qu’il vient de se passer y’a pas cinq minutes quand Marco était là ? »

Elle savait qu’il savait –et quitte à jouer, elle préférait autant jouer cartes sur tables plutôt que de feinter l’ignorance et ignorer jusqu’où leur petite mascarade pouvait les mener.

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« Tu me plais, Cerise. »

Là, c’était dit –jouer les innocents était désormais hors de question.
La carte des vins repliée et les coudes posés sur la table, le menton au creux d’une main, Cerise ne put empêcher le sourire qui lui vint d’étirer les commissures de ses lèvres. Elle avait posé sa question avec sa franchise naturelle et n’avait pas attendu moindre réponse que celle que Saul venait de lui donner –directe, légère, honnête.

« Et je pense que je te plais aussi. »

C’était beaucoup trop facile, et ça lui plaisait tout autant.

« Plutôt perspicace pour un mec qui ne met jamais de chemises, elle souffla du bout des lèvres dans un ricanement qui ne leur était destiné qu’à tous les deux. »

C’était difficile de ne pas succomber au charme de Saul ; il n’était pas parfait, certes –qui peut assurer l’être en même temps ?– peut-être encore immature sur certains points, mais il avait le don de mettre à l’aise et de savoir se faire la place nécessaire dans le monde de l’autre –ni trop absent, ni trop envahissant.
On avait souvent prévenu Cerise : "les garçons les plus faciles sont souvent les plus dangereux car ils ne cherchent jamais la même chose que toi."
Mais elle ne cherchait rien justement, et c’était peut-être là toute la différence.

« Tu accepterais ce rencard avec moi, Cherry ? Il avait cette manière de la regarder droit dans les yeux sans fuir du regard qui lui faisait ressentir des choses qu’elle n’avait plus ressenti depuis des mois. T'inquiète, j'te ramène chez toi même si tu dis non.
— C’est bien moi qui t’ai proposé de sortir ce soir, au début, non ? fit-elle remarquer en se penchant un peu plus vers lui sans jamais l’effleurer. J’ai rien contre un rencard improvisé, au contraire. »

Du coin de l’œil, Cerise repéra le serveur qui s’approchait, aussi elle se recula conte le dossier de sa chaise pour reprendre une position convenable et dicta sa commande une fois qu’elle fût demandée. Quelques instants plus tard, les entrées étaient posées sur la table accompagnées d’une carafe d’eau –Saul conduisant, il n’avait pas pris d’alcool et la jeune femme ayant eu pitié de lui s’était restreinte à l’eau également ; de plus, elle préférait garder les idées claires dans ce genre de situations.

« C’est bizarre n’empêche, je sais pas toi mais j’ai même pas l’impression de faire le moindre effort alors que la drague c’est plus compliqué que ça d’habitude, elle lança sur le ton de la plaisanterie. Y’a un truc qui cloche, c’est trop facile, c’est quoi ton secret ? »

Elle avait beau énormément apprécier Saul –peut-être un peu plus qu’apprécier d’ailleurs– elle ne savait pas tout de lui et était curieuse de savoir si
comme elle
il avait des torts et des travers insoupçonnés.

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Quand Saul fondit sur les amuse-bouches comme un affamé, Cerise ne put retenir un ricanement moqueur en l’imaginant côte à côté avec Solis qui se comportait exactement de cette façon à table dès qu’il y avait autre choses que des légumes verts au menu.
C’était peut-être ça qui était si apaisant avec Saul –il lui apportait la même lumière légère que Solis pouvait le faire, et cette pensée lui chatouilla le ventre tendrement.
Et pourquoi pas Saul, après tout ?

« Être honnête hein ? fit-elle d’un air pensif après avoir écouté sa réponse. »

Cerise avait toujours été honnête avec ses rares partenaires –elle l’avait été au point d’avouer à Antigone qu’elle l’avait trompée, alors que si elle le lui avait caché elles seraient peut-être encore ensemble aujourd’hui. Mais il y avait toujours eu un enjeu plus gros derrière, et ce n’était qu’à cet instant que la jeune femme commençait à comprendre lequel.

« Je pense que ça a jamais été aussi simple pour moi parce que je détestait être seule, répondit-elle, le menton toujours posé au creux de la main. Que ce soit juste pour un soir ou quelque chose de plus sérieux, c’était comme si c’était vital d’être avec quelqu’un pour éviter de ressasser mes problèmes encore et encore. »

Elle but une gorgée d’eau avant de reprendre.

« Maintenant que ça va mieux, c’est comme si l’urgence n’était plus là et je peux juste profiter sans me mettre la pression, je m’en étais jamais vraiment rendue compte avant… »

Elle changea finalement de position pour attaquer sa salade à l’italienne et commencer enfin à apaiser sa faim.

« T'es vraiment pas mauvaise à ça, en passant.
— Quoi ? »

Elle leva les yeux vers lui et manqua de se fendre dans un fou rire devant son air de tombeur –qui il fallait l’avouer, avait quand même réussi à faire son petit effet sur elle.

« Joue pas à ce jeu avec moi Parrish, parce que tu vas perdre lamentablement, elle répliqua d’un ton doucereux, à la frontière entre la séduction et la moquerie. »

Une fois encore, son pied effleura la jambe de Saul sous la table, mais son sourire indiquait une insolence légère qui prouvait que cette fois-ci, c’était volontaire –lentement, et sans quitter Saul du regard, elle remonta jusqu’à son genou avant de retirer son pieds pour croiser de nouveau les jambes, un sourire satisfait au coin des lèvres.

« Easy, non ? »