Caractère
Elle l'a dit, Saul c'est une bouffée d'air frais. Saul, la personnification du soleil. L'incarnation même du « Carpe Diem » avec toute la vie devant lui, dans laquelle il mord à pleines dents chaque jour, chaque heure, chaque minute et chaque seconde qui passe. Il est de ces gens qui chérissent le trésor qu'est la vie, sans s'inquitéter de savoir combien de temps elle va durer. Il dégage une aura innocente, et paradoxalement son regard taquin et son sourire en coin trahissent l'adolescent qui sommeille encore en lui. Il ne se rend pas compte à quel point il brille, et c'est une forme de naïveté tout à fait charmante, surtout lorsqu'il vous offre un de ses sourires un peu niais, qui vous réchauffe de l'intérieur et qui vous laisse à jamais l'envie d'en avoir plus.
Il est l'épaule sur laquelle on n'a pas peur de pleurer, parce qu'il écoute sans juger. Il n'hésite pas une seconde lorsqu'il s'agit d'apporter son aide, même lorsque personne n'y croit -surtout quand personne n'y croit- parce qu'il est fait comme ça, Saul : il préfère donner que recevoir. Donner son avis sur tout, partager sa vision du monde. Parce qu'il préfère être trop optimiste qu'entendre les gens se morfondre. Parce qu'il préfère qu'on le traite d'imbécile utopiste plutôt que faire partie de ces gens qui ne fot que rendre le monde plus laid pour mieux s'en plaindre après. Saul est loin d'être idiot, et même s'il en joue énormément il a conscience de ce qu'il se passe dans la société. Il fait un très bon leader car il est à l'écoute de ceux qui ont quelque chose à lui dire. C'est peut-être aussi pour cela qu'il apprend si vite, que ce soit en sport ou en arts, parce qu'il n'a pas peur des critiques, qu'il sait lers utiliser de sorte à ce qu'elles l'aider à s'améliorer.
Mais au-delà de ça, il est plus inaccessible qu'il n'y paraît. Malgré le fait qu'il soit très ouvert, il reste très secret à propos de lui-même. Personne -ou presque- ne s'est jamais immiscé son intimité, et en réalité c'est à cause de son manque de confiance envers les autres. Il y a peu de choses qui dérangent Saul à propos de lui-même. Son tempérament possessif, peut-être ? Même s'il ne considère parce qu'une personne puisse lui appartenir, il peine tout de même à partager. Il prétend n'avoir peur de rien, pouvoir passer par-dessus tout ce qu'on le demandera de surmonter, mais finalement, Saul n'est rien de plus qu'un gamin effrayé par la solitude. On lui a tourné le dos tellement de fois qu'il a du mal à s'ouvrir à nouveau, de peur qu'on le laisse à nouveau tout seul. Comme son père les a laissés tous seuls, lui et sa mère. Puis comme sa mère a fini par le laisser tout seul, elle aussi. Alors il est proche de tout le monde, tout en restant à une distance raisonnable. Il ouvre son coeur sans laisser les gens y entrer. Et puis de temps en temps, il tombe sur des gens qui ne lui laissent pas le choix, qui forcent le passage et qui s'imposent à lui comme une évidence. Et ces gens-là, il leur donnerait cette vie à laquelle il tient tant, il ferait n'importe quoi pour qu'ils se voient comme lui les voit ; un trésor précieux qu'il chérira jusqu'à la fin de sa vie. Parce qu'il a tant à donner, Saul, qu'on se demande alors ce qui lui reste pour lui.
Histoire
Lui, c'est Saul. Son père, c'était un flic -un
agent du FBI en réalité- qui s'est fait descendre lors d'une opération qui a mal tourné. C'est ça le risque de travailler sous couverture, tout le monde le sait, et lui aussi il savait. C'était sensé être la dernière de sa vie, parce qu'elle aurait permis de démanteler un cartel. Après ça, il se serait rangé, et lui et sa petite femme et son petit garçon de trois ans auraient pu enfin vivre en sécurité. Au fond ils avaient pas menti, là-haut, ça a bien été la dernière de sa vie.
Il a laissé derrière lui une pauvre veuve sans famille ni emploi fixe, avec un bébé de trois ans à peine à la charge. Et elle l'aime ce bébé, c'est pourquoi elle ferait n'importe quoi pour qu'on ne vienne pas le lui retirer.
C'est la galère un peu, mais Saul est trop jeune pour comprendre ce qu'il se passe. Il grandit dans de pauvres apparts de Los Angeles, qui sentent tantôt la clope, tantôt la weed. Ca dépend du gars avec qui sort sa mère, il change à peu près tous les trois mois, mais c'est comme ça depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne alors c'est juste normal pour lui de vivre comme ça. En grandissant, il se doute que ce n'est pas comme ça que ça se passe normalement, il faudrait être débile pour ne pas remarquer que sa vie est aussi différente de celle de ses camarades de classe...
Et plus Saul grandit, plus il est autonome. Bientôt Anne n'a plus à s'occuper de lui ; ça tombe bien parce qu'elle ne peut plus le faire de toute façon. Au bout d'un moment, elle ne vient plus le chercher à l'école, qu'elle passe ses journées à fumer, qu'il finit par la retrouver affalée dans le canapé avec une boîte de pillules renversée sur le sol, une seringue posée sur la table du salon...
Il a huit ans quand il prend conscience qu'il est là pour protéger sa maman et plus l'inverse.
En entrant dans l'adolescence, il entre en léger conflit avec sa mère et prend un peu de distance. C'est à ce moment qu'il découvre le surf, qui lui sert d'échappatoire. Il passe le plus clair de son temps à la plage, néglige les cours qu'il ne prend déjà plus au sérieux et se met à rêver de la vie qu'il aurait pu avoir si jamais son père était encore en vie. Alors il commence à dessiner, pour se vider la tête et ne pas faire de mal à sa mère. Il pense beaucoup mais ne lui dis rien, il est en colère contre elle mais il est conscient qu'elle sacrifie énormément pour le préserver, lui, son petit prince.
Et un jour, c'était un jeudi. Un jour comme les autres en somme, jusqu'au moment où il sort du collège et que des policiers l'attendent. Il n'a rien fait de mal, il le sait -à part peut-être dessiner sur les murs, mais tout le monde le fait et personne n'a jamais été arrêté pour ça- alors quand ils se dirigent vers lui, il n'y comprend pas grand chose. Mais il les suit, il n'ont aucune raison de le garder dans tous les cas, il connaît ses droits -enfin, il
croit connaître ses droits- et puis ça fait toujours bien de se faire choper par les flics à la sortie de l'école. Il prend ça comme si ce n'était pas grand chose, il entend une rumeur monter autour de lui et ça le fait rire. Mais quand on le conduit chez lui pour qu'il aille chercher ses affaires, l'envie lui passe vite.
'Ta mère a fait une overdose."
Ah ouais ? Sans rire. Ce n'était pas la première fois qu'une telle chose lui arrivait. Combien de fois l'avait-il retrouvée inerte sur le canapé, avec une cigarette à peine éteinte sur le bout des doigts ? On ne meurt pas toujours d'une overdose, pas tant que le cas n'est pas extrême en tout cas. Cette fois-là n'était pas plus grave que les autres, mais il avait fallu que les flics rappliquent à ce moment-là pour une sombre histoire -qui concernait certainement son copain Mike- et en la retrouvant dans cet état, ils n'avaient pas eu d'autre choix que de lui retirer la garde de son seul enfant.
C'était ça, son droit.Ils ne lui laissent même pas l'occasion de lui dire au revoir. Ça, elle n'en a pas le droit. C'était comme si elle était punie pour avoir essayé de survivre comme elle le pouvait dans ce monde de brutes. À côté, on met Saul en famille d'accueil le temps de savoir quoi faire de lui. Il n'a rien demandé mais c'est lui qui paye le prix de ces bêtises. Mais lui, il réalise qu'il a besoin de sa maman, qu'elle n'était pas si terrible quand elle était dans ces bons jours. Alors il essaye de la trouver, il s'enfuit plusieurs fois de sa nouvelle maison pour voir sa mère. Il y parvient, une fois ; elle n'est pas en dégrisement, elle est juste enfermée dans une maison avec interdiction formelle de recevoir du monde. Mais il est plein de ressources, il parvient à la trouver et même à la voir une dernière fois pour lui dire qu'il l'aime et qu'il la sortira de là. Et manque de chance, le lendemain on finit par les retrouver, et c'est alors la dernière fois qu'il la verra.
Quelques jours plus tard, il se retrouve dans cette ville un peu étrange. Astrophel City, dont le fonctionnement lui échappe au début, et auquel il se fera par la suite. Il a quatorze ans et fait sûrement partie des plus vieux de l'orphelinat dans lequel on le balance, avec un sac sur le dos et une planche de skate sous le bras. Ca eu un grand effet auprès de tout le monde.
Enfin, presque tout le monde. On ne peut pas plaire à tout le monde, même quand on est Saul Parrish. Et ce dernier a toujours eu un petit peu de mal à le comprendre. Mais c'est pas grave, parce que ce n'est pas son genre de laisser tomber. C'est comme ça qu'il continue à l'approcher, cette fille que tout le monde fuit parce qu'elle est bizarre. Ce n'est pas ça qui l'a poussé à l'approcher -il ne catégorise pas les gens comme ça- c'est juste qu'elle était toute seule et que lui aussi a connu des gens qui étaient tous seuls.
Et puis du jour au lendemain il finit par réaliser qu'ils ne se quittent plus. C'était un jour un peu con, où elle était venue dans sa chambre -un dortoir qu'il partageait avec six autres garçons- parce qu'elle n'arrivait pas à dormir, qu'elle l'a forcé à sortir du lit pour qu'ils grimpent sur le toit et qu'ils admirent les étoiles. Les nuits d'été n'étaient jamais vraiment froides à Astrophel City -quoiqu'un peu plus qu'à Los Angeles- mais ça lui faisait plaisir à Saul de lui prêter un sweatshirt. Quand il est arrivé, juste après elle, c'est aussi à ce moment qu'il a remarqué qu'il la dépassait de presque deux têtes.
Eh Meera, t'es minus en fait. Il le voit le choc dans ses yeux, à elle aussi. Mais quand elle tourne la tête vers les bâtiments miteux qui entourent l'orphelinat, il n'a même pas besoin de regarder pour savoir qu'en vrai, elle a ce petit sourire gêné qu'il adore aller chercher.
Il a à peine dix-sept ans quand l'un de ses bons amis lui propose de quitter l'orphelinat pour aller vivre avec eux. Il aurait pu le faire il y a un an déjà, mais il se sent un peu responsable d'elle, sans vraiment le vouloir. Il a commencé à la faire sortir ; maintenant elle est même devenue un peu plus téméraire. Ils font le mur ensemble -tous les soirs, quasiment, il y a rien de plus intéressant à faire de toute façon- et il lui fait rencontrer du monde -il lui fait rencontrer
le monde. Elle le pousse même à partir, quand il lui fait part de son projet, un peu gêné, les mains dans les poches et le regard presque coupable. Alors il finit par partir, mais pas bien loin tout de même.
Ils habitent à quatre, et ne partagent pas seulement un appartement. Ils ont une passion commune pour l'art, le skate, la rue, les filles, la vie. C'est une joyeuse bande de quatre pèlerins à peine sortie de l'adolescence qui vivent au jour le jour, avec des fins de mois un peu ric-rac mais ce n'est pas bien grave parce qu'ils sont débrouillards et plutôt malins dans leur genre. Ils retapent un vieil appart sur Haylen District, en dessinant sur les murs et en récoltant tout ce qui pourrait y donner de la vie. Ca leur prend presque six mois, pendant lesquels Saul apprend à utiliser autre chose que des crayons. Il s'essaye à la sculpture -sans grand succès, à la peinture, au graffiti, pour finalement se tourner vers le tatouage, qui l'a toujours fasciné. Il n'en oublie pas Meera, mais elle aussi est un peu occupée de son côté, avec ce gars dont il a du mal à retenir le prénom. Quand elle s'installe avec lui, il râle un peu, mais il ne l'empêche pas de le faire, parce qu'il lui fait confiance,
à elle. Ils continuent à se voir, pas longtemps, et moins souvent, mais elle est grande maintenant alors faut pas qu'il soit trop "grand frère protecteur" parce qu'il sait que ça finira par la soûler.
Puis petit à petit, les choses se stabilisent dans la vie. Il fait sa formation dans plusieurs salons jusqu'à finalement trouver un stage rémunéré où il passe le plus clair de son temps lorsqu'il n'est pas à la plage. Chaque événement de sa vie est marquée par un tatouage, qu'il dessine lui-même ou qu'il fait dessiner selon son humeur. Meera de son côté ne donne plus de nouvelles de Noah -au bout de deux ans il finit par mettre un nom sur ce visage qui commence à devenir presque familier. Il ne l'aime pas plus que ça, et quand elle finit par toquer à la porte de chez lui, le soir de ses dix-sept ans, pour lui annoncer qu'elle en a fini avec ce connard, c'est le soulagement qui s'empare de lui. Et comme il n'a jamais cessé d'être la pour elle, il l'emmène loin de ce quartier le temps d'une soirée, pour rattraper un peu le temps qu'ils ont perdu.
Il ne le sait pas encore, mais ce jour-là il prend un choc sur la tête. Une affaire un peu banale, un combat sponsorisé qui tourne au cauchemar. Saul devient à partir de ce jour un dommage collatéral, qui a sa place à Eve Blackstench comme plein de gars avant lui. Autour de lui, on attend un signe de ce prince au bois dormant qui fait chier son monde à ne pas vouloir se réveiller.
Et quand il se réveille, trois ans plus tard, il constate que le monde n'a pas arrêté de tourner pendant son absence. Il n'y a pas grand chose qui a changé,
c'est simplement que des choses ont pris plus d'importance que d'autres,
et les mentalités ont changé.
Il a vu, dans le regard que Meera, qu'elle aussi avait changé. Elle le regarde,
avec une lueur de peur -de peur de le perdre,
encore. Et ça, il sait que c'est parce qu'il est parti une fois, et que si les choses continuent d'être ce qu'elles sont, il restait encore le risque qu'il parte à nouveau.
Dans les mois qui ont suivi sa convalescence, de plus en plus d'horreurs sont arrivées dans les rues d'Astrophel. Il a été témoin de plusieurs accidents où des gens ont subi le même sort que lui, si bien qu'il a fini par banaliser les informations qu'ils recevaient dans leurs journaux, en se disant "ah, encore"
quand il était écrit que la guerre des sponsors avait fait de nouveaux dommages collatéraux.
Il avait confié ça à un ami proche, qu'il s'était fait dans des circonstances un peu insolites. Il était devenu proche de ce gars, tellement qu'il n'avait même pas remarqué qu'il avait commencé à se confier sur ses peurs, sur son impuissance et son désir de faire changer les choses. Le genre de trucs qu'il ne voulait pas dire à Meera, de peur de l'inquiéter encore plus.
Et puis un beau jour, comme ça, alors que Mist venait tout juste de revendiquer un nouvel attentat contre l'un des grands groupes qui régissaient la ville, Ange lui avait posé une seule question.
À quel point est-ce que tu veux changer ce monde, Saul ?