... and he will make the face of heaven so fine
that all the world will be in love with night
and pay no worship to the garish sun
Histoire
Pennsylvania Hospital, Philadelphie. — Ophelia, 12 ans.Elle n'était vraiment pas prête à avoir un petit frère. Elle avait grandi fille unique, après tout. Pourtant il était là, dans les bras de sa maman –
leur maman– en train de hurler comme si sa vie était en danger. «
Je vais te faire vivre un Enfer, sale gosse. » Leur mère, épuisée, se mit à sourire, tandis qu'Ophelia se penchait sur le bébé pour lui déposer un baiser sur le front.
Ophelia, elle était pré-destinée à devenir la meilleure grande sœur du monde. 321b Oxford Street, Philadelphie. — Ophelia, 18 ans.Maxence était affaissé dans le canapé quand sa sœur se pencha sur lui et lui planta un énorme baiser sur la joue. «
Ewwww c'est dégueulasse ! » hurla-t-il en s'essuyant le visage avec les manches de son sweat. «
Salut, Max ! Papa et Maman sont rentrés ? » Maxence ne leva pas les yeux de l'écran de télévision et pointa la direction de la cuisine. Elle se pencha à nouveau pour l'embrasser mais ses réflexes furent suffisamment rapide pour qu'il puisse l'esquiver. Elle lui mit une tape sur la tête, et balança son sac de cours au pied du canapé, avant de se diriger vers la cuisine où ses parents s'étaient déjà enfermés depuis une demi-heure.
Ce soir-là, Ophelia avait aidé à faire la cuisine. Ce qui était une chose plutôt rare, étant donné qu'elle avait toujours une excuse pour ne pas le faire –en général, soit elle était trop fatiguée, soit elle avait trop de devoirs à faire. «
Alors, qu'est ce que tu veux ? » a finalement demandé leur père. Il avait l'habitude de le dire sur le ton de la plaisanterie, à chaque fois que sa fille aînée rendait service. Leur mère avait éclaté de rire, et Ophelia s'était joint à eux, tandis que Maxence n'attendait qu'une chose : sortir de table et reprendre la partie qu'il avait laissée sur "pause". «
OK, Papa, t'as gagné. » Leur père avait souri, fier d'avoir deviné les intentions de sa fille, puis elle s'était mise à parler. «
J'ai invité Rick à la maison pour dîner, ça va bientôt faire trois mois et ce serait super que vous le rencontriez enfin ! » Monsieur Holmes avait balayé l'idée d'un geste de la main, tandis que Madame se mettait à sautiller sur place, ravie d'avoir enfin une excuse pour sortir leurs nouveaux couverts. «
C'est qui Rick ? » demanda Maxence à son père. «
L'amoureux de ta soeur. » Il regarda tour à tour les deux femmes prises dans une conversation enflammée au sujet de Frédérick, et baissa les yeux vers son garçon, avec une petite lueur de soulagement dans le regard quand il répondit : «
Arg, c'est nul. » Monsieur Holmes hocha la tête, et alors que Maxence demandait à quitter la table, il crut l'entendre dire «
Je ne te le fais pas dire... »
321b Oxford Street, Philadelphie. — Ophelia, 19 ans.Les mains dans les poches, Maxence rejoignit sa famille devant la maison. Aux pieds d'Ophelia était posée son énorme valise à roulettes, dans laquelle elle avait empaqueté toutes ses affaires. Leur père attendait devant le portail, les bras croisés et le regard dirigé au bout de la rue, comme s'il attendait quelqu'un. Quand Maxence arriva à la hauteur des deux femmes, elles ne le remarquèrent même pas. «
Vous êtes un peu jeunes, Ophelia... » murmura leur mère en prenant sa fille par les épaules. Cette dernière arbora un sourire confiant et pris les mains de leur mère dans les siennes. «
Maman, on sait ce qu'on fait. Tu as bien vu comment il est, qu'est ce qui peut m'arriver de mieux que Rick ? » Leur mère ne sembla pas convaincue, et avant qu'elle ne puisse protester, le moteur d'une voiture se fit entendre au bout de la rue. La caisse de Rick s'arrêta devant la maison, et il sortit de la voiture. Maxence le vit tendre une main à son père, qui ne l'attrapa pas. «
Il est là ! » s'exclama Ophelia en sautillant. Rick monta les escaliers, prit leur mère dans ses bras et ébouriffa les cheveux de Maxence qui se mit à protester. «
Salut, gamin. T'as vachement grandi ! » Ne voyant aucune réaction de sa part, Rick se retourna vers sa soeur et l'embrassa sur la joue. «
Je prends ta valise. » Elle sourit et le regarda descendre les escaliers avec l'énorme valise dans les bras, puis voyant qu'elle avait encore du temps, se tourna vers Maxence. «
Tu viendras me rendre visite hein ? » Il haussa les épaules, mais le manque de réaction ne sembla pas satisfaire sa soeur qui l'attrapa sous un bras pour le chatouiller avec sa main libre. Il se débattit comme un beau diable, en lui hurlant de la lâcher, et capitula finalement : «
OK OK ! PROMIS JE VIENDRAI TE VOIR ! ... LACHE MOI, SORCIÈRE !! » Ophelia éclata de rire et serra son frère dans ses bras –qui tentait toujours de s'échapper de son étreinte– avant de lui coller un énorme baiser sur la joue. «
Je t'aime, sale gosse. » Cinq minutes plus tard, la voiture s'éloignait et emmenait Ophelia loin de sa famille.
Maxence n'eut pas le temps de réaliser quel vide laissait Ophelia en quittant le domicile familial. Il n'eut même pas le temps de se préparer psychologiquement à quitter Philadelphie pour Astrophel City, car le tout fut organisé en moins d'un mois. En arrivant à Astrophel, ils s'installèrent dans un petit pavillon –Madame n'avait jamais aimé les appartements– au centre d'un quartier résidentiel paisible au possible. Ophelia ne leur avait pas laissé le temps de s'installer, car elle leur rendit visite le jour de leur arrivée. Maxence prit le temps de déballer ses affaires et la laissa discuter avec les parents –d'après leur conversation, ils ne l'avaient pas prévenue qu'ils emménageaient près de chez elle– en sachant très bien que sa grande soeur un peu envahissante finirait par monter les escaliers pour le rejoindre. «
Max ! » Il grimaça et l'entendit enfoncer la porte pour le prendre dans ses bras.
Visiblement, il lui avait manqué. «
Tu m'fais mal, Lia... » articula-t-il, avant qu'elle ne le lâche. «
Va mettre tes chaussures, je t'emmène visiter Astrophel City ! » Une lueur brilla dans ses yeux, mais au lieu de la suivre, il préféra demander : «
Rick vient avec nous ? » Elle fronça les sourcils, perplexe. «
Non, il travaille aujourd'hui. » Un sourire énorme se dessina sur le visage de Maxence, qui passa entre les jambes de sa soeur pour dévaler les escaliers. «
On y va alors ! »
Saten District, Astrophel City. — Ophelia, 23 ans.«
Tu as... quoi ? » Maxence était tellement excité qu'il en oublia de faire semblant d'être désolé d'avoir fait convoquer sa soeur à cause de ses bêtises. «
C'était ouf ! Je me suis mis à voler, Lia. Je sais pas comment j'ai fait mais c'était HYPER STYLÉ ! » Elle fit une grimace et jeta un coup d'oeil à la porte de "Mr. Parks - Principal" comme si quelqu'un allait sortir en trombe, puis reporta son attention vers son petit frère qui claquait des doigts, dans l'espoir de lui faire une démonstration. Elle prit ses mains dans les siennes pour qu'il arrête et continua à chuchoter : «
On m'a dit que tu avais mis le feu au gymnase. » Maxence haussa les épaules, l'air de rien, et se contenta de sourire en montrant toutes ses dents. «
Ouais, peut-être. Je t'ai dit que les ailes étaient couvertes de flammes ? » Ophelia n'eut même pas le temps de s'exclamer, car la porte s'ouvrit sur un quadragénaire en costard, qui l'appelait. «
Madame Holmes ? » Elle se leva d'un bond. «
Oui, c'est moi ! » Elle ramassa son sac et jeta un coup d'oeil à Maxence, qui, pendant que le principal leur tournait le dos, lui lançait une dernière requête : «
Tu le dis pas à Papa et Maman, ok ? » Ophelia haussa les sourcils, tandis qu'un petit sourire qui disait « à ton avis ? » se dessinait sur son visage.
Leur petit secret n'en resta pas un bien longtemps, car le principal s'entretint rapidement avec le couple Holmes pour discuter du cas de leur fils. À sa grande surprise, Maxence ne se prit aucune correction à la suite du petit incident en cours d'EPS –et tant mieux, il ne valait mieux pas voir Mr. Holmes énervé– et ce fut à peu près tout ce qui le préoccupa cette semaine-là. Alors quelle ne fut pas sa surprise quand on lui annonça qu'il était "transféré" –il fallut lui expliquer le terme deux fois avant qu'il ne comprenne qu'il allait changer de collège– à Astrophel Academy, et que personne ne lui en voudrait d'avoir accidentellement brûlé les nouveaux filets d'escalade.
Il était en route pour sa toute journée de cours, et devinez qui était la seule personne libre pour l'y accompagner ? «
Tu vas voir, tu vas adorer. » Les iris verts de Maxence croisèrent ceux de Frederick, à travers le rétroviseur central de l'énorme 4x4 qu'il s'était acheté récemment. «
J'sais pas, j'aime pas l'école. » S'il allait à l'école, c'était plus pour voir ses copains qu'autre chose. Maxence n'avait jamais réellement brillé au niveau scolaire, et il ne voyait pas en quoi changer d'établissement allait lui permettre de palier à ce problème. «
C'est une école qui va t'apprendre à être un super-héros, Max. Tu imagines quelle chance tu as de pouvoir étudier là-bas ? » Un sourire se dessina sur le visage de Maxence, tandis qu'il tirait sur sa ceinture pour s'approcher du petit ami de sa soeur. «
Et si je veux devenir un super-méchant ? » Frederick éclata de rire, et ne répondit pas à sa question, car le portail de l'académie se montra à travers le pare-brise. À peine furent ils entrés qu'on leur envoya un comité d'accueil, consitué de femmes en tailleur et d'hommes en costards, comme s'ils s'étaient habillés pour l'occasion. «
C'est un honneur de vous recevoir, Mr. Blackberry ! » Et pendant qu'ils échangeaient poignées de main et blagues pourries, Maxence ne put s'empêcher de penser que « quand même, Rick il se la pétait grave. »
Nahuel District, Astrophel City. — Ophelia, 25 ans.Maxence avait cessé de s'agiter depuis que le maître de cérémonie avait commencé à parler. «
Nous sommes ici en la présence de cette assemblée, pour unir ensemble cet homme et cette femme par les liens sacrés du mariage. » À côté de lui, sa mère pleurait à chaudes larmes. Un peu plus loin devant se tenait son père, les yeux brillants de fierté, qui regardait droit devant lui, l'air ému. Tout ça à cause d'Ophelia, qui debout devant l'autel, ressemblait à une princesse. Ophelia, dans son énorme robe blanche, avec ses cheveux bruns attachés dans un chignon sophistiqué, serti du voile blanc qu'elle avait mis des heures et des heures à choisir –alors que dans l'absolu, c'étaient tous les mêmes. Et puis devant elle, il y avait Frederick, qui la regardait comme si elle était la plus belle chose qu'il n'ait jamais vu. «
Si quelqu’un peut prouver qu’il y a quelque juste cause à ce qu’elles puissent être légitimement unies, qu’il le parle maintenant, ou que dorénavant, il se taise à jamais. » Maxence croisa les bras, et s'il n'avait pas promis à Ophelia de ne pas faire de bêtises, il se serait sûrement hissé sur le banc pour dire qu'il s'opposait à ce mariage, comme dans les films. Le lendemain, ils partaient en lune de miel, et Maxence brûlait leur carte de voeux.
Hôpital Eve Blackstench, Astrophel City. — Ophelia, 26 ans.«
Tu entends mon chéri ? Tu es devenu un tonton ! » Il n'était pas encore préparé à céder sa place de petit dernier des Holmes. Il avait toujours grandi comme tel après tout. Pourtant il était là, dans les bras de sa maman –
sa soeur, à Max– et hurlait comme si on le pinçait très fort. «
T'es vraiment minuscule, crevette. » Ophelia, épuisée, se mit à sourire, tandis que Maxence prenait la toute petite main de "Jude" entre ses doigts brûlants.
Maxence, il allait devenir un tonton tellement cool que quand ce gamin grandirait, ses copains crèveraient de jalousie. Siège de X-Trem Factory, Astrophel City. — Ophelia, 28 ans.Dans cette pièce, tout était insupportable. La vue en surplomb. Le soleil dans le dos. Le sol en marbre sombre sur lequel absolument tout se reflétait. Le canapé en cuir le plus confortable de l'univers. L'écran géant qui diffusait la même chaîne à longueur de journées. La voix du présentateur télé en guise de bruit de fond. Les témoins qui vantaient les mérites de X-Trem Factory. Le bureau nickel. Rien qui ne traîne. Le PDG et sa coiffure de merde.
«
Tu n'imagines pas la chance que tu as, Max. » Le concerné haussa les épaules, tandis que la mine contrariée de Frederick le faisait jubiler intérieurement. Maxence n'était pas mauvais de nature, il prenait juste un malin plaisir à tourmenter son beau-frère. De temps à autres, cela ne faisait pas de mal. «
Il y en a qui tueraient pour être à ta place. » Maxence enfonça ses mains dans les poches de son jean et jeta un coup d'oeil vers la porte de l'ascenseur. «
Ouais, je sais. » répondit-il d'un air désinvolte, avec la mine de celui qui veut partir. Frederick fit tourner son alliance autour de son annulaire, et se recula dans son siège. «
Faut que je retourne en cours. » Rick se recula dans son siège et hocha la tête, puis se retint de soupirer pour forcer un sourire. Maxence ramassa son sac à dos et le balança sur une épaule, avant de saluer son beau-frère d'un geste de la main et disparaître dans l'ascenseur.
Une fois qu'il quitta l'énorme tour qu'était le siège de X-Trem Factory, Maxence sortit son téléphone et composa le numéro de sa soeur qui décrocha au bout de cinq sonneries. «
Salut Lia, je crois qu'il est à bout. » lâcha-t-il, hilare. Il la visualisait très bien en train de se mordre les joues pour se retenir de rire. «
T'es fier de toi, sale gosse ? » Elle avait été sympa, de se prêter au jeu. Faire croire à Frederick qu'il hésitait encore à rejoindre la firme n°1 en matière de sponsors avait été très simple avec la collaboration d'Ophelia, même si lorsqu'on y réfléchissait plus attentivement, la situation manquait cruellement de crédibilité. «
Il est un peu naïf, ton mari. » fit-il remarquer, tandis qu'il sautait dans le bus. «
Fais attention à ce que tu di-... NOOON JUDE, NE JOUE PAS AVEC CE COUTEAU ! Maman t'a déjà dit ! ... Je te rappelle plus tard ! » Elle coupa avant qu'il n'eut le temps de répondre.
Siège de X-Trem Factory, Astrophel City. — Ophelia, 30 ans.«
Test. Test... OK. Tu m'entends ? » Max se gratta l'oreille et grimaça. «
Ta voix de pervers me chuchote dans le creux de l'oreille, c'est insupportable. » grommela-t-il en enfilants une paire de gants en cuir. «
Tu rentres quand je finis le décompte. Tu oublies pas : tu attrapes le gamin, tu t'envoles et tu retombes juste en face de Charybde. » Il secoua la tête, enfila ses lunettes de soleil et attendit les ordres. «
On prépare les explosifs. Cinq... quatre... trois... deux... QU'EST CE QUE TU FAIS PHOENIX ? ATTENDS LES ORDRES ! » Il avait cette mauvaise habitude d'oublier d'attendre d'entendre "GO !" avant de partir, et toujours démarrer juste avant que le "un" ne retentisse. L'explosion retentit un millième de seconde plus tard –les techniciens savaient toujours rattraper le coup– et le temps que la fumée se dissipe, Phoenix tenait dans sous le bras un petit garçon un peu sonné.
«
Alors comme ça tu veux me piquer mon job ? » plaisanta-t-il en posant l'enfant à terre. Un sourire éclaira le visage du petit tandis que des étoiles se mettaient à briller dans ses yeux. «
Va mettre ta maman à l'abri, je m'occupe du sale moche là-bas. » Il lui mit une petite pichenette sur le front et adressa un signe de la main à "Charybde" qui continuait de détruire ce qu'il restait des trottoirs. «
Salut mon pote, content de me voir ? » Des cris hystériques se firent entendre. Il entendit qu'on l'acclamait, comme si le monde attendait son arrivée pour réveiller l'espoir. «
J'espère que t'es prêt à prendre la raclée du siècle, parce que je m'enflamme. »
Depuis le bureau de Frederick, Ophelia observait tour à tour l'écran de télévision qui retranscrivait les images en direct, et son mari qui se tenait près d'elle. «
C'est une impression, ou ça commence à devenir sérieusement dangereux ? » Rick passa un bras autour de ses épaules et posa sur elle un regard tendre. «
Ça a toujours été dangereux, ma chérie. » Elle sursauta en voyant son petit frère se prendre un coup de pied dans le ventre. «
Phoenix a besoin d'être sur le devant de la scène. Les gens ont besoin de voir ce dont il est réellement capable. » Ophelia reposa sa tête sur l'épaule de son mari et continua de fixer l'écran, grimaçant de douleur chaque fois que son cadet se prenait un coup, comme si elle ressentait la douleur pour lui. «
Ne lui dis pas, mais Phoenix est –de loin– le plus prometteur de tous nos nouveaux héros. » Ophelia leva la tête vers Frederick et fronça les sourcils. «
Et Maxence est mon petit frère : n'oublie pas ça. » Il sourit et l'embrassa sur le front. «
Que ce soit Max ou Phoenix, je sais qu'il est destiné à faire de grandes choses. »
«
On avait jamais vu ça ! La foule est en délire, on ne s'entend même plus parler ! Partout dans les rues d'Astrophel, on acclame notre nouveau héro. Phoenix ! Phoenix ! Phoenix ! »
Il allait avoir un bon oeil au beurre noir, sa lèvre avait déjà gonflé après l'impact, et même si l'adrénaline lui permettait de tenir debout, il savait pertinemment qu'au lendemain de cette joyeuse journée, on allait devoir le promener en fauteuil roulant. Mais qui se soucie de ce genre de choses quand la première chose que l'on voit en se retournant est une foule en délire qui hurle son nom ? Voir ces gens pleurer de soulagement, d'admiration, de respect pour lui réchauffait le coeur de Maxence, qui n'avait jamais véritablement la sensation qu'on avait
besoin de lui avant aujourd'hui. «
Andre... tu vois ce que je vois ? » murmura-t-il, et son oreillette se mit à grésiller avant que la voix du technicien ne se fasse entendre. «
Dis toi bien que c'est le seul truc qui va t'épargner un sermon du patron ce soir. Il est temps de rentrer maintenant, dis au revoir à tes fans. » Un sourire éclaira le visage de Phoenix qui leva son poing fermé, avant de s'envoler dans un tonnerre d'applaudissements.
Siège de X-Trem Factory, Astrophel City. — Ophelia, 34 ans.«
Aujourd'hui, une tragédie vient d'ébranler toute la ville. Frédéric Blackeberry et sa femme sont morts alors qu'ils se rendaient à un New York, dans leur jet privé, ainsi que le personnel à bord. En tout, ce sont sept personnes qui nous ont quitté la nuit dernière. »
Il ne perdait pas son sang-froid, Maxence. Il avait toujours tout pris à la rigolade, tout sur un ton léger, sur des blagues pourries et avec des sourires en coin. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois, on avait condamné la salle d'entraînement dans laquelle il s'était enfermé ; pas parce qu'il était une rock star, juste parce qu'on craignait qu'il y ait des morts si on laissait quelqu'un entrer avec lui. Il avait explosé tout le matériel high-tech, les murs de la salle tenaient à peine car la température de son corps approchait celui d'une supernova, tandis qu'il cognait dans tout ce qui était solide. Pour la première fois de sa vie, l'oiseau de feu se mettait à saigner. Les murs étaient maculés de cendres et de traînées de sang séché. Un étrange sang doré, qui reprit une couleur écarlate lorsqu'il tomba au sol, vidé de toute énergie.
Mais rien à faire, elle était partie. Saten District, Astrophel City. — Ophelia Maxence, 22 ans.Et puis il s'était relevé, en se rappelant que l'on partageait sa peine, quelque part de l'autre côté de la ville. Ce n'était peut-être pas pire, mais là-bas on n'était pas aussi fort que lui. Alors il avait pris une douche froide pour laver les traces du supplices qu'il s'était infligé depuis que les nouvelles lui étaient parvenues, puis il avait quitté les lieux en laissant son carnage derrière lui.
À la maison, personne ne prononça un mot. En parler rendrait la chose trop réelle, et il fallait rester forts, parce que quelque part dans le salon, il y avait ce petit garçon dont la vie allait changer. Et Maxence le trouva là, plus sage que jamais, et une boule se forma dans son ventre à la pensée de ce qu'il allait devoir faire. Il s'efforça quand même de sourire, mais rien ne pouvait effacer la tristesse qui se lisait dans ses yeux. «
Jude... Ton papa et ta maman, ils sont partis. » Comment lui dire en sachant que ça allait le détruire ? Maxence avait tenu à le faire, parce qu'il savait que personne n'aurait jamais la force de regarder ce gamin dans les yeux et lui dire que ses parents étaient morts. «
Ils sont morts ? » Maxence ne baissa pas les yeux, et soutint son regard jusqu'au bout, peu importe combien ça allait mal, il fallait lui montrer qu'ils allaient partager cette peine ensemble. Qu'il ne le laisserait jamais tomber. «
Oui. Ils sont morts. » Il ne le retint pas quand Jude tourna les talons pour remonter dans sa chambre –la sienne, avant lui.
Une petite heure plus tard, quand Max était monté voir comment allait son neveu, il l'avait trouvé dans une position un peu étrange, à moitié par terre, à moitié sur son lit. Alors il l'avait porté jusqu'à son matelas et l'avait bordé, un peu comme Ophelia le faisait quand Maxence venait de se faire gronder par leur père et qu'il n'avait touvé le sommeil qu'après avoir pleuré, à l'abri des regards. Puis il s'était assis au pied de son lit, et avait attendu qu'il se réveille. «
Salut, crevette. » Jude l'avait regardé avec des grands yeux brillants, et avant de lui laisser le temps de se souvenir ce qui l'avait mis dans cet état, Maxence avait pris la parole : «
Je vais m'occuper de toi, OK ? » Jude avait cet air perplexe qui l'avait toujours fait rire. Même en ces temps graves, il put esquisser un sourire amusé, légèrement teinté de mélancolie toutefois. «
On va être forts tous les deux. Ça va pas être facile, mais on va le faire. Un sale gosse et une crevette, c'est pas trop mal comme collaboration, tu penses pas ? »
Saten District, Astrophel City. — Maxence, 23 ans.Les mois qui suivirent la mort de Frederick Blackberry furent les plus compliquées pour X-Trem Factory. De son côté, Maxence se focalisa sur Jude, lui trouver un endroit où vivre, comment garder son identité secrète comme le voulaient ses parents, s'occuper de lui comme il lui avait promis, tout en continuant son activité de super-héros. Ce qu'il ne vit pas arriver, ce fut cette réunion au cours de laquelle les choses se compliquèrent pour lui. «
PDG de X-TF ? » Il regarda les visages autour de lui, dans cette salle de réunion dans laquelle il n'avait jamais mis les pieds. Avec ses vingt-trois ans derrière lui, il ne pesait pas bien lourd face aux membres du conseil. «
Légitimement, c'est une place qui vous revient. » L'air dédaigneux avec lequel le quadragénaire prononçait sa phrase lui fit comprendre qu'il n'y avait aucune envie de lui céder la place. «
Que ce soit clair : je suis un super-héros. Pas un mec derrière son bureau le cul posé sur sa chaise. » Des murmurs se firent entendre autour de lui, et Maxence en les regardant tour à tour les défia de lui faire une quelconque remarque. «
Language, Max. » grommela Andre, assis à côté de lui. Maxence se rassit à son tour dans son fauteuil. «
Écoutez Phoenix. Tout le monde ici voudrait que vous restiez à votre place mais en plus de votre lien de parenté avec feu Frederick, nous sommes dans une démocratie, et d'après les votes –il désigna l'écran derrière lui qui montrait les 99% de votes pour Maxence Holmes–
vous êtes celui qui prendra la tête de X-Trem Factory, que vous le vouliez ou non. » Maxence fixa l'homme en costard devant lui, et si un regard pouvait tuer, il serait mort sur le champ. Puis il regarda tous les gens dans la salle, tour à tour, puis repensa à Ophelia. Puis à Jude. Jude qui prendrait un jour la place de son père. Maxence se leva. «
Très bien. » Parce que si ce n'était pas lui qui prenait cette responsabilité, alors Jude serait contraint de suivre une voie qui lui serait imposée.
Et il ne permettrait pas que ça arrive. Saten District, Astrophel City. — Maxence, 25 ans.Pendant deux ans, il fut en mesure de concilier son nouveau poste de PDG avec ses activités de super-héros. Mais bientôt l'étau se referma autour de lui et il fut contrait de cesser ses activités sur le terrain ; pas parce qu'il était trop vieux, simplement parce que les choses devenaient trop dangereuses, et que risquer de perdre à nouveau le directeur alors que les choses commençaient à se stabiliser n'était pas judicieux. Il remballa alors son costume et n'endossa plus qu'un seul rôle. L'année qui suivit fut particulièrement éprouvante ; on retrouva un Maxence incapable de contrôler ses sautes d'humeurs, son trop-plein d'énergies qu'il ne pouvait plus dépenser sur le terrain. Cette année-là, il dissolut le conseil et forma une nouvelle équipe, constituée en majorité par des ex-super-héros, plus à même de prendre des décisions que ceux qui n'ont jamais été confrontés aux catastrophes sur le terrain.
Saten District, Astrophel City. — Maxence, 31 ans.Et depuis, Maxence a appris à se canaliser, à diriger X-Trem Factory en s'imposant comme Monsieur le directeur. En devenant celui sur qui on peut compter pour former les meilleurs des super-héros. Il garde au fond de lui cette envie de retourner sur le terrain, mais aujourd'hui trop de personnes comptent sur lui pour qu'il puisse songer à quitter son poste actuel.
Saten District, Astrophel City. — Phoenix, 32 ans.En un an, Maxence a pris plus de maturité que toutes les années à la tête de la boîte réunies. Il déclare la guerre à Mist, à l'aube de ses trente-deux ans ; pour avoir osé toucher à sa seconde famille -ses
supers, ceux qu'il avait juré de mener jusqu'aux étoiles mais qui sont tombés à cause de son excès de confiance.
Il renfile le costume.
Le
Phoenix renaît de ses cendres, brûlé à vif et plus déterminé que jamais à rendre à la ville ce qui lui appartient.