Coeur battant. De moins en moins fort. De plus en plus lentement. Coeur battant, oui, mais coeur malade. Coeur qui bat. Coeur qui se bat et ne veut pas abandonner. Pomper, pompe, pompant. N’accélère pas la cadence. Le sang court encore. L’oxygène aussi. Coeur fatigué. De moins en moins puissant. De plus en plus sommeil. Coeur affaibli. Rongé par la maladie. Déformé d’imperfection. Coeur qui ne fut jamais vaillant. Combat perdu d’avance. Pilules, soldats inutiles et impuissants. Emportés, noyés, dissous. Coeur raté. Battement raté. Encore. Coeur qui convulse, puis abandonne. Douleur.

Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur Douleur

Mor-

Je m’éveillais soudainement, un sentiment effroyable de peur dans le ventre. Je venais de faire un cauchemar. Un cauchemar terrible qui ne me permit pas de me rendormir avant un moment. Il me laisse angoissée, presque malade. J’avais encore dans la poitrine cette douleur fantôme, sans parvenir à savoir si elle était réelle ou le fruit de mon imagination. C’était un cauchemar qui me rappelait que, peut-être, demain ne viendra pas.

Ma chère Junko,

Si cette lettre arrive entre tes mains, c’est que je ne suis plus de ce monde. Ou que tu as fouillé dans mon bureau. J’ignore encore laquelle de ces deux possibilités m'effraie le plus, mais je vais partir du principe que tu es dans la première situation.

Je t’aime petite soeur. Je t’aime de tout mon coeur malade et c’est pour cela que je n’ai rien dit. Ce n’est pas par manque de confiance ou quoi que tu puisses imaginer, mais seulement par amour. J’ai souffert quand j’ai appris que sans une greffe je ne vivrais pas très longtemps. Je ne voulais pas infliger cette souffrance à quelqu’un d’autre, ni à toi ni à notre famille. Parce que tu aurais souffert si tu avais su, n’est-ce pas ? Je l’imagine. Tu aurais eu peur, comme moi. Tu te serais senti impuissante et tu aurais probablement tenter d’agir, de faire quelque chose. A y réfléchir, tu aurais sans doute fait une énorme bêtise si tu avais su et que tu avais voulu m’aider. Je ne veux pas ça. Parce que je tiens à toi je ne veux pas être responsable, même indirectement, d’un malheur qui t’arriverai. Je sais, tu vas rire jaune en disant que ma mort te rend malheureuse. J’en suis consciente et j’en suis désolée. Pardonne-moi de te laisser derrière. Pardonne-moi d’avoir voulu te protéger un peu et d’avoir gardé le silence. Parce que je t’aime, et aussi parce que j’ai peur, je préfère t’infliger une seule souffrance, brutale, plutôt que deux souffrances et, le pire peut-être, l’attente. Il n’y a rien de pire que l’attente, tu sais. Ce qui m’arrive, ce qui m’est arrivé, ce n’est de la faute de personne. Ne cherches pas de coupable s’il te plait. Et s’il t’en faut un absolument alors accuse-moi. Accuse-moi et pardonne-moi. Je t’aime.