Pourquoi. Pourquoi mon frère avait eu soudainement cette idée si saugrenue? Il avait beau être mon modèle et ma fierté, son côté décalé et altruiste me sortait littéralement par les trous de nez.

- Pff...

L'observation assidue des candidats et candidates, du présentateur, du public et du décor renforçait mon envie d'hurler, de tout casser et de claquer la porte. J'avais un mauvais pressentiment. Cette sensation terrible presque innée que les regrets vont arriver à grands pas.

- Je n'ai point choisi d'être là. Fustigez mon frère. Je suis ici contre mon gré.

Je me tenais droit, sans bouger, fixant la caméra sans jamais cligner un seul instant des yeux. Je savais pertinemment que je serais celui qu'on haïra, qu'on moquera par ma dureté et ma lâcheté. J'espère juste ne pas perdre mon autorité sur mes supérieurs à l’hôpital.  Je pourrais toujours faire virer mes sous-fifres s'ils deviennent un peu trop...tatillons.

« Enchanté, Jane. »

J'observais le bougre du coin de l'oeil. Pourquoi un homme? Bon sang, je n'ai jamais touché intimement un homme. Ah si...il m'arrive de prendre la température de certains patients en utilisant la version...disons...anale.

- Que cela soit clair entre nous. Aucun écart, aucune conversation intime, rien, nada, niet. Un geste de trop et je ferais en sorte que vous me serviez de cobaye, espèce d'emplumé. sifflais-je entre mes dents.

Je respirais un coup, fit un pas en avant, lui serra la main de façon robotique avant de feindre un sourire absolument pas sincère, forcé et dents serrées.

- Enchanté Horus. Pff...

J'avançais face caméra les poings fermés et très en colère.

- JE TE HAIS MON FRÈRE! TU ENTENDS? Quand je reviendrais, tu vas souffrir, promis.

J'aurais pu mettre un coup de poing dans la caméra mais elle a le mérite de ne rien faire de mal celle-là. Je retournais auprès de mon binôme en grommelant. Non, je n'étais pas content et oui j'ai des envies de meurtre.

- Bon, qu'est-ce qu'on fait maintenant?

«  C’est très... clair, Docteur. Je serai sage comme une image, promis.»

A la bonne heure. Je soupçonnais tout de même un léger ton très polisson dans sa voix. Je restais donc bras croisés, admirant les câbles de l'attirail audiovisuel qui circulaient au sol et aux murs jusqu'à un spot lumineux qui m'aveugla. Je me sentis faire un léger pas vers l'arrière visiblement gêné.

- Bon sang de...

C'est bien évidemment à ce moment que l'emplumé de service, ce pitre, ce comédien à deux centimes bravant plus facilement les caméras et les journalistes que le danger véritable fit une déclaration des plus mielleuse à mon attention.


«  Si je puis te donner un conseil… j’ai bien compris que tu n’as jamais voulu être ici et que la semaine qui se profile va être un véritable calvaire pour toi, cependant, essaie de ne pas le montrer. Ils raffolent de ce genre de drama et si tu attires trop leur attention ils vont s’acharner sur toi. »

Je le fixais intensément sans broncher. Il se prenait pour qui avec ses conseils  de starlette mal ramonée?

- Tu me penses torpide ou quoi? Je ne vis pas dans une grotte, je sais très bien comment tout cela se passe ici et à Astrophel. J'en vois passer tous les jours des gens qui vous ont pris comme modèle, vous les supers, et qui finissent par se faire dézinguer par le premier venu. Tout ça à la vue des caméras pour le sacro-saint de la picaille et panem et circenses. Remarque, au moins l’hôpital est rempli de patients et même si beaucoup sont d'aucune utilité à mes yeux, j'y ai plus de chances d'y trouver des cas très intéressants niveau maladie ou génétique. Ma proposition tient toujours d'ailleurs. Tu ne veux pas être mon cobaye?

Un long silence se fit. Plus un seul bruit. Je commençais à suer, la chaleur de l'éclairage était insupportable et ma vue se brouilla très légèrement. Je titubais furtivement, j'essayais de ne rien faire paraitre, restant le plus droit possible, il fallait que je résiste. Puis, vint une terrible céphalée, foudroyante et violente.

- Je...vais m'asseoir un instant le temps que la production se décide à nous cuisiner. Puis-je avoir un verre d'eau?

Je savais pertinemment de quoi il s'agissait. C'était un fardeau même. Un secret. Cela faisait plus de quatre mois que j'étais arrêté. Beaucoup me pensait mort et pourtant j'étais là dans une émission stupide de téléréalité. Inconsciemment, je ne pouvais pas m'empêcher d'esquisser un sourire, sincère cette fois-ci.

- De toute façon, comme je suis coincé ici, il faudra bien que je m'adapte. J'essaierais, je dit bien 'essayerais' d'être le moins désagréable possible pendant ces sept longs jours mais je te promets absolument rien Horus et ma menace de tout à l'heure tient toujours.

Dire que j'ignorais Horus était un euphémisme. Des problèmes, j'en avais. Pas besoin de m'étaler et faire ma pleureuse face caméra. Ouin, ouin, j'ai eu un accident mortel ; ouin, ouin, j'ai survécu ; ouin, ouin, mon pouvoir est extraordinaire. Bref, je pris le verre d'eau que j'engloutis rapidement mais avec l'élégance qu'on me connaît et sans dire mot.

Allez, respire mon vieux, respire. Il faut que je masque ma hire et mon désarroi d'être ici. Après tout, je ne peux plus faire demi-tour, c'est trop tard. J’espérais juste que le frigo avait assez d'alcool pour écarter ma vie impécunieuse.

Je remarquais la petite photographie que cet emplumé tenait dans sa main mais à peine j'osais m'approcher pour lui demander qui était-ce avec ma curiosité quasiment malsaine que les projecteurs se rallumèrent.

- Peste soit les petites gens. Je ne m'entends plus réfléchir. Tiens ? Où sont passés les autres prisonniers ? Fis-je d'un air cynique.

Voici que le bourreau arriva avec son sourire immaculé et brillant. La sentence tomba. Une porte à ouvrir. Allons bon. Qu'est-ce qui va m'arriver encore. Arthur je te hais profondément.

- ...Je...Quoi ? Non, je veux pas ! JE NE VEUX PAS !

Je fis volte-face à la vue des menottes et de la clé mais la huée du public et le présentateur qui ferma la porte sous mon nez m'empêcha de fuir. J'étais condamné à finir là.

- Pff...Bon, je vais ouvrir la porte...mais pas entourloupes. Si vous tentez quoique ce soit à mon égard avec ces horribles menottes ; je vous les ai mettre dans le coccyx et ce sans anesthésique ou vaseline !

Dire que j'étais méfiant était un euphémisme. Non seulement j'étais épouvanté à l'idée d'être filmé H24 mais être enfermé avec un inconnu me sortait littéralement par les trous de nez. J'étais un peu claustrophobe. Je respirais profondément et je fis tourner la clé dans la serrure. La porte s'ouvrit dans un grincement cinglant.

- Et beh. C'est plutôt luxueux pour une télé-réalité, non ? J'espère juste qu'il n'ont pas mis de caméra dans les toilettes...Bon, j'ai promis de me tenir tranquille mais pour ça, il me faudra de l'alcool. Beaucoup d'alcool.

Le lit nuptial, les chaises, les placards rien de tout cela ne m’intéressait. Seul le frigo et les réserves de nourriture me concernaient et ô bonheur après une fouille minutieuse le graal !

- Chouette de la vodka caramel. En voulez-vous ? Doit avoir des glaçons dans le congélateur, là, prenez deux verres.  Les plus grands possibles.