» J’ai aucun problème, moi. Maxence Holmes, je peux l’avoir ou je veux et quand je veux.

Et elle-même sentait toute l’auto-persuasion dans sa voix, qui sonnait beaucoup trop faux venant d’une femme aussi coincée qu’Aelys Devonshire. Elle suit le docteur Grace qui l'invitait à trinquer, suivie de près par Mérida.
Alors l’air fier qu’elle arborait jusqu’alors se mua en petite voix peu confiante. Elle se tourne vers Anya, finissant par dérider son visage fièrement impassible, aidée par la présence de celle qui avait finit par la rassurer définitivement sur des risques qui n'existaient que dans sa tête.

» Tu crois vraiment que j’ai un problème ?

Aelys passe ses mains sur son visage pour tenter de réfléchir. C’était sans doute l’alcool qui lui faisait baisser les armes aussi vite, ajoutée à la maturité qu’elle se persuadait d’avoir acquise en Angleterre.

» Bon, je reviens. Je commande un taxi et on bouge ok? Je peux pas me permettre de chouiner devant mes clients.

Quand bien même le bar se vidait peu à peu, Aelys était suffisamment prudente pour ne pas courir le risque de devoir retravailler sa réputation le lendemain aussi.

Elle disparait un moment en ramenant les verres, pour monter jusqu'à son appartement, avant de réapparaître une quinzaine de minutes plus tard, une robe noire qui lui arrivait à mi-cuisses et qui avait finalement eu raison de sa dignité, laissant au placard la tenue sobrement distinguée de la patronne du White Horse. Toutes ses affaires réunies dans une pochette luxueuse et le rouge à lèvres rouge qu’elle ne réservait qu’au grand soir.

Elle retrouve ses copines d’un soir devant le White Horse, qui attendaient patiemment que sa Majesté daigne faire son entrée.

» Je fais un effort mais c’est bien pour toi hein. Et je te fais confiance, alors pas d’endroits glauques ou de tripots. Ajoute-elle en continuant à gigoter par manque d’habitude de porter des tenues aussi légères. » Je me suis changée, j'avais peur de passer pour une nonne à côté de Mérida.  Elle se tourna vers cette dernière, un petit sourire en coin, qu'elle transforma vite en un coup de coude qui voulait donner un ton plus léger à la tension palpable d'il y a quelques minutes.

» Trêve ? Tu me dois bien ça, je vous fais pas payer les consommations.

Et parfois résonnait la voix de Monsieur Devonshire dans sa petite cervelle « Sois plus douce Aelys. Sois davantage toi-même ». Elle finit par tendre la main à celle qu’elle jalousait encore un peu au fond d’elle-même.

« Désolée. Je... On va dire que X-Trem Factory a plutôt l’habitude de me malmener plutôt qu’autre chose. Attendez, où j'ai mis mon téléphone ? »

Quand l'une des deux lui tend son smartphone qu'elle avait oublié sur la table où elles s'étaient installées, elle sent son coeur s'alléger avant de se remballer aussitôt.

« Je... J'ai pas reçu de message ? »

Un instant à se regarder dans les vitres miroitantes de la boîte de nuit et elle ne se reconnait plus - les cheveux entremêlés entre eux, des bouts de tissus qui n'avaient de robe que le nom, la peau en sueur par des minutes passées à danser. Elle était loin, la stricte et austère vice-présidente. Et pour un soir, Aelys aurait cru que c'était une autre personne.

Quand elles se remettent à leur table, moins seules qu'à leur départ, elle hésite un instant avant que les degrés d'alcool viennent lui rappeler qu'elle est jeune et que dans dix ans pas avant, elle pourra s'interdire de flirter avec des inconnus. Alors elle sourit, elle bat des cils, et finalement, tout ça c'était facile.
Et c'est Anya qui la ramène en premier les pieds sur Terre.

» Maintenant ? Non, j'ai rien à lui dire ça...

Ses yeux s'égarent sur le monde autour d'elles, en espérant qu'elles oublient rapidement ce léger détail. Sous leurs regards insistants, elle soupira et arrache le téléphone des mains de Mérida.

» Ça va, ça va je vais le faire. De toute façon j'ai aucun problème, ça me fait pas peur. Je vais le faire maintenant, et devant vous en plus. Elle composa le numéro de téléphone - en se corrigeant deux trois fois et sans directement chercher dans ses contacts, ça ne lui aurait pas fait perdre assez de temps pour reprendre ses esprits. Quand les sonneries tintent, elle sent son coeur s'emballer - manquant de marquer un arrêt. Et elle continue à toiser ses deux tortionnaires du regard.

» C'est pas la peine de me regarder comme ça hein. Je suis capable de le faire. De toute façon à l'heure qu'il est il répondra pas, il doit dor- La voix chaude retentit au bout du fil, et elle s'arrête net. Son sang-froid semble l'avoir abandonnée, et elle agite les deux mains -dont celles tenant encore le téléphone- pour chercher de l'aide auprès des deux rousses à ses côtés. Les gestes ne semblant pas suffisant pour appeler au secours, elle met la paume de sa main contre le micro du téléphone avant de reprendre aussitôt son verre avec cette même main pour se donner du courage. » Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je dis ? Pourquoi je l'appelle déjà ? Tout ça à un rythme de voix trop effréné pour ne pas trahir ses sentiments.

Quand elles lui font signe elle reporte le téléphone à son oreille, la paille toujours entre les lèvres pour se donner une sécurité dans l'audace.

» Je ... Je. la voix bégayant une syllabe qui, même seule, n'était pas prononcée correctement, sans voix pâteuse. Et ses yeux qui appelaient Anya et Mérida au secours.