Roxane, you don't have to wear that dress tonight
Tout le monde la connaît Roxane. Le monde l'a vu au moins une fois dans les pages de presse à scandales - pour quel motif on ne sait plus - peut-être même qu'il n'y en a pas. Roxane est ce nom mal connu mais scruté dans les moindre détails, les plus affreux sont les plus retranscrits - arrachés ; déformés. Ce nom qui a fait la couverture des magazines people, ceux qu'on achète tous mais que personne ne lit jamais - à se demander pourquoi ils en éditent encore. Ce prénom engraisseur d'encre noir sur papier glacé - de photos volés et de souvenirs tous gravés dans les images télévisées.
Roxane a ce parfum d'amertume et d'outrecuidance. Elle a cette saveur sucrée-salée des femmes que chacun sait mais que personne n'aura jamais pour de vrai. La fragrance douce amer qui laisse dans son sillage des traces d'envie et de mépris. Les femmes qui se rient de son passage et les hommes qui exultent à chaque nouvelle image - son corps nu, entier ou déshabillé. Une perfection absolue dans toute son horreur.
Roxane est belle, Roxane est parfaite. Elle est ce château de cartes minutieusement posées - jamais entassés - les unes sur les autres dans une allégorie parfaite de ce qu'est la femme ; absolument travaillée et peaufinée jusqu'au moindre détail. L'obsession du contrôle de son image volcanique et de son tempérament excessif.
Roxane a les images d'écervelée pourrie gâtée. De petite princesse sortie de son château pour les rues huppées de la ville - juste parce que son chauffeur est en congé, faut pas déconner. De starlette qui n'en est pas une parce qu'elle n'a aucun talent, et qu'elle ne veut rien faire d'autre parce que y a papa maman. Elle a les comédies qui virent au tragique. L'illusion dans les autres troubles de l'apparence et sa vue qui se brouille chaque fois que les flashs crépitent trop fort. Ses talons sont Jimmy Choo, sa robe est Prada et son sac Marc Jacobs. La peau qui frissonne devant toute l'opulence et le regard qui ne cille pas - il ne faut pas.
Il faut être forte, Roxane. Il faut être belle et riche. Il y en a plein des filles belles et riches - (trop) bien nées. Alors elle sera plus que ça. Elle sera plus belle, plus mince, plus colorée, plus souriante - plus riche aussi. Et plus exposée. Maman l'a dit, alors maman l'aura. Maman contrôle tout - dans les moindres détails, c'est ce qu'elle croit. Elle croit être la maquerelle parfaite et divine que ses filles n'oseraient contrarier par peur de ne plus être aimée.
Roxane le sait, son amour. Elle sait le lien indéfectible qui les unira de toute façon. Elle sait l'amour de ses soeurs, elle sait la réciproque, en est sûre et convaincue.
Roxane sait beaucoup de choses. Elle sait que tout ça c'est superficiel et que les sourires face caméra sont surfaits - trop bien joués. Elle connaît le jeu des photographes et comment on fait pour faire parler de soi. Elle a compris l'enjeu autour de sa propre image et la nécessité de la communication à tout prix.
Elle sait qu'elle est absolument contre tout cela. Roxane veut briller, plus fort que les autres, et elle sait qu'elle a les moyens de le faire. Elle est sûre et affirmée. Brille à la télé par son caractère entier. Casse l'image parfaite par ses coups d'éclat sur un ton posé mais décidé. Elle sait qu'elle est différente - mieux que les autres ; on lui a toujours dit et parfois reproché.
Précédemment, dans Keeping up with the Van der Rohe
« Roxane Van der Rohe. Première fille de Phillip Van der Rohe et de l'actrice Camila Van der Rohe. Avec des origines pareilles - papa avocat sur-médiatisé pour son talent et maman actrice de cinéma - forcément, ça doit aider dans la vie pour être riche et célèbre. »
Roxane est bien née. Les Van der Rohe sont connus et influents, elle sait. On lui a toujours répété, petite. Il fallait être à la hauteur forcément, au moins au niveau de la notoriété. On doit faire parler de soi envers et contre tous.
Qu'on t'aime ou qu'on te déteste, l'important est qu'on parle de toi, maman disait. Ils avaient pas tord, tous ces gens-là qui parlaient. Celui qui médisait ou qui s'extasiait avait un peu de vérité entre leurs lèvres.
Les Van der Rohe sont riches et célèbres. Camila Van der Rohe est splendide et bien éduquée. Après une carrière au sommet - Roxane a entendu parler d'une étoile à son sur un boulevard quand elle avait six ans, mais elle se demande encore si c'est vrai ou non - et trois beaux enfants, le portrait parfait était dressé.
Philipp Van der Rohe continue de diriger son cabinet d'avocat brillamment, peu de défaites à son actif et un tableau de chasse surchargé en noms de clients divers et variés - peu à peu, on le vit se consacrer à des cas extrêmes et alambiqués, que beaucoup de professionnels du barreau abandonnaient rapidement, faute de trouver une faille.
« On raconte que Philipp Van der Rohe a quitté le foyer. Les pauvres petites filles, elles sont si mignonnes. Et leur mère, dans quel état elle doit être ? »
Ça les faisait tous bien rire. Camila seule et abandonnée, ses trois gosses sur le bras, au lendemain d'avoir fièrement paradé en belle petite famille riche à la dernière soirée mondaine, c'était pathétiquement risible.
Camila n'était pas de celles qu'on roulaient sans qu'elle ne se relève.
Sèche tes larmes et remaquille-toi disait-elle - trop souvent. Il y avait une foule de ragots à détruire et des mines stupéfiées et jalousement déçues à admirer. Elle
n'avait pas besoin de tout ça. Ni de l'argent de son mari, encore moins d'être la femme de. Alors elles se feront toutes seules, elle et ses trois jolies petites filles.
« Elle est belle non ? Forcément elle est passée sur la table d'opération pour avoir un corps pareil. »
Roxane et ses mensurations ont fait couler de l'encre sur les papiers des journaux, quels qu'ils soient. Cinquante-neuf centimètres de tour de taille et quatre-vingt-douze de tour de poitrine, forcément ça a fait parlé. L'aînée des Van der Rohe le sait. Son physique est l'un de ses meilleurs atouts pour se démarquer du reste. Alors elle pousse le vice à bout et passe tous les castings possibles - les belles femmes recherchées évidemment. a télé-réalité décidée par leur mère n’était plus assez.
Keeping up with the Van der Rohe existait depuis un an presque, et si le succès était au rendez-vous malgré les nombreuses critiques - prix habituel à payer dans le monde de la télé-réalité - Roxane voulait plus. Elle voulait le grand écran, les marches et le tapis rouge, les robes de grands créateurs en modèle unique pour parader devant les photographes de la presse mondaine. Quand on est bien sculptée, ça aide. Lorsqu'on s'appelle Van der Rohe, on grimpe. Quand on s'appelle Roxane, on reste au top.
« Il paraît que Roxane a signé avec l’un des plus grands producteurs de cinéma. On sait pas encore son nom officiellement, mais je suis pas sûre que ça plaise à leur mère tout ça. »
Camila ne voulait pas de Roxane dans le monde du cinéma duquel elle avait elle-même fait partie. Elle ne serait plus sous sa coupe et ne suivrait plus seulement ses ordres. Mais les protestations de ses soeurs - surtout Nina à propos de la suite de la télé-réalité à Astrophel avait déterminé l’aînée à faire comme
elle voudrait. Tout en se remaquillant et en se tenant droite - comme d’habitude.